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Réussir son acquisition dans un secteur réglementé


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De plus en plus de produits sont réglementés. Aussi, réaliser des ASR devient un complément indispensable pour tout acquéreur ou vendeur.

Réglementation, science, technique et business : des liaisons hautement stratégiques

L’environnement réglementaire des produits (pharmaceutiques, agro-alimentaires, nutraceutiques, cosmétiques, grande consommation, substances chimiques, etc.) se densifie en France et en Europe. Il dicte notamment ce que l’on peut mettre dans un produit, ce que l’on peut indiquer sur l’emballage, comment le commercialiser sur un marché, etc. Cet environnement est fonction de facteurs scientifiques, politiques, sociaux, ou encore environnementaux ; ce sont par exemple l’accumulation de données sur un risque sanitaire, la pression de groupes d’intérêt non gouvernementaux, etc. Pour les investisseurs ou les nouveaux entrant sur un marché, la connaissance et la maîtrise de l’environnement règlementaire dans lequel évolue la cible sont essentiels stratégique pour mesurer pleinement l’intérêt, les opportunités ou les risques d’une opération.

Exemples : les biberons...

Entre 2008 et 2013, la part de marché des biberons en verre a augmenté de 10 % à 15 % alors qu’elle était stable depuis plusieurs années ; les perspectives sont de 20 % à l’horizon 2016. Depuis trois ans, de nombreux nouveaux pressings, dits « verts », voient le jour en France, dans un contexte de marché déjà fortement fragilisé. Quels sont points communs entre ces marchés ? Dans les deux cas, l’évolution soudaine de la réglementation a fortement modifié leur environnement, au point de pouvoir remettre en cause un business model ou d’accroître, via les investissements à réaliser, le coût d’un projet d’acquisition. 2008 fut l’année du changement drastique pour les biberons : le Canada a interdit la commercialisation de biberons en plastiques contenant du bisphénol A (BPA). Le BPA, utilisé pour la fabrication industrielle par polymérisation de plastiques de type polycarbonate et de résines époxy, est en effet fortement soupçonné d’être un perturbateur endocrinien, et donc d’affecter la reproduction. La France va prendre la même décision en 2010, suivie de près par la Commission Européenne en 2011. Le marché des biberons se trouve ainsi rapidement modifié : remplacement des polycarbonates par des plastiques sans BPA et retour aux biberons en verre malgré les risques de casse. La prime va donc aux entreprises qui ont anticipé et ont été les plus rapides à réagir. Le marché des biberons n’est pas le seul concerné : la France continue sa guerre contre le BPA et l’interdira dans tous les emballages alimentaires à l’horizon 2015.

Et les pressings...

C’est en 2008 également que le monde des pressings a commencé sa révolution : la France engage un processus de bannissement du perchloroéthylène, le solvant utilisé par plus de 95 % des pressings pour le lavage à sec. Le « perchlo » figure en effet sur la liste des cancérogènes probables établi par le Centre International de Recherche sur le Cancer. En décembre 2012, la France adopte un arrêté visant à interdire progressivement le « perchlo » dans les pressings et à le remplacer par d’autres solvants. Le calendrier est serré. 1er mars 2013 : interdiction d’installer toute nouvelle machine de nettoyage à sec fonctionnant au « perchlo ». 1er septembre 2014 : interdiction d’utiliser une machine fonctionnant au « perchlo » de plus de 15 ans. Les acteurs du secteur cherchent aujourd’hui dans l’urgence des alternatives. Plusieurs solutions techniques s’offrent à eux, mais elles impliquent toutes un changement de machine dont le coût est d'environ 35.000 euros...

L’ASR répond aux question simples

L’audit scientifico-technique et réglementaire (« ASR ») doit permettre de répondre à des questions simples :

La cible est-elle en avance ou en retard en termes de conformité réglementaire et d’état de l’art scientifique ? La situation actuelle lui permet-elle de répondre aux développements réglementaires et scientifiques à venir ? S’il existe des points de blocage réglementaires et scientifiques, quels sont-ils ?

Il s’agit, à partir de l’analyse de l’environnement scientifique et réglementaire de la cible, d’aider les investisseurs à apprécier sa capacité à se conformer à cet environnement ou à anticiper ses évolutions. Ces questions doivent être envisagées à l’instant de l’opération, mais également et surtout sur la durée envisagée de l’investissement.

Les enseignements que l’on peut tirer de l’ASR intéressent tout autant le vendeur (vendor due diligence) que l’acheteur (buy side due diligence) car ils touchent aux investissements, au potentiel de la cible, à sa capacité d’innovation, etc. Ces enseignements peuvent conduire à négocier le prix, demander des garanties, voire dans les cas extrêmes arrêter le process au vu des investissements à réaliser pour se mettre en conformité avec l’environnement réglementaire de la cible et de ses produits.

Son déroulement

L’ASR vient en complément de l’audit commercial et stratégique qui a pour seule vocation (schématiquement) de comprendre le marché sur lequel évolue la cible, le positionnement de la cible par rapport à ses concurrents et, le cas échéant, les opportunités de croissance. Il se déroule en coordination parfaite avec les autres conseils intervenants sur la phase d’audit (due diligence juridique, fiscale, sociale, assurance, comptable et financière) et la phase transactionnelle (rédaction des actes d’acquisition et de garantie) et implique l’intervention d’un ou plusieurs spécialistes du secteur dans lequel évolue la cible en fonction des besoins de l’audit (conseil scientifique, spécialiste de la réglementation, expert métier, etc.). L’ASR n’a pas pour finalité d’étudier le contexte réglementaire de la cible dans sa globalité, mais plutôt de se focaliser sur des points clefs du business model ou des process pour lesquels l’environnement scientifique et réglementaire est jugé fondamental : sélection des matières premières, procédés industriels de transformation, conformité des produits finis et de leur étiquetage, positionnement marketing accompagnant les mises en marché, etc.

Compliance

L’objectif est ainsi de vérifier la compliance de la cible, de ses produits et de son business model à son environnement règlementaire, et (surtout et idéalement) anticiper les changements à venir pouvant nécessiter des investissements à réaliser pour être en conformité. Dans ce cadre, on pourra ainsi vérifier la connaissance et le niveau de conformité de la cible avec la réglementation, l’existence ou non d’une veille scientifique et réglementaire, le niveau d’anticipation des textes à application programmée (identification, évaluation des impacts de l’application, mise en place anticipée), l’existence de moyens de contrôle internes s’assurant du respect des contraintes (identification des points critiques, plans assurance qualité, HACCP, contrôles de matières premières et des produits, cahier des charges fournisseurs, etc.), et voir ce que nous apprennent le niveau de compliance de la cible, les contrôles éventuels des autorités et les litiges en cours.

De nombreuses évolutions de la réglementation et de l’environnement scientifico-technique sont à venir dans de nombreux secteurs touchant à des produits grand public : on peut citer par exemple le règlement INCO EU 1169/2011 qui va modifier fortement l’information du consommateur et l’étiquetage des aliments, ou encore les nouvelles réglementations sur les sièges auto ou les appareils à laser sortant, ce qui renforce donc l’intérêt de réaliser des ASR dans le cadre des audits d’acquisition.

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