Wendel matérialise ses nouvelles orientations stratégiques, notamment portées par Laurent Mignon depuis sa prise de fonction de président du directoire, fin 2022. L’investisseur coté avait annoncé lors de ses résultats annuels ses ambitions sur le private equity, dont le développement d’activités de gestion pour compte de tiers. Pour donner corps à ce projet, le groupe à la tête de quelque 9 Md€ d’actif brut réévalué avait alors débloqué la somme de 2 Md€, qu’il comptait investir sous deux ans. Une enveloppe dans laquelle il s'apprête à puiser en vue de réaliser une acquisition stratégique, puisqu’il vient d’entrer en négociations exclusives avec IK Partners pour en prendre le contrôle. L’investisseur coté va, d’ici le closing attendu durant le premier semestre 2024, débourser 255 M€ pour s’emparer de 51 % du GP d'origine scandinave, auxquels s’ajouteront 128 M€ dans les trois années suivantes sous certaines conditions. « IK affiche des performances top quartile qui sont le fruit d’une structuration et de process similaires à ceux d’acteurs du large cap, avec notamment plus de 10 personnes en charge de l’accompagnement opérationnel ou une vraie équipe capitale market, mais appliqués au small et mid, décrypte David Darmon, membre du directoire, dg de Wendel. Plus qu’une marque reconnue, c’est aujourd’hui une vraie firme paneuropéenne, avec sept bureaux et des stratégies très bien construites sur des portefeuilles équilibrés en termes de risk/return, de géographies ou encore de secteurs. » L’opération valorise IK et ses 11,8 Md€ d’actifs autour de 750 M€. Wendel précise que ce prix correspond à un multiple de 12,5 fois le fee related earnings (FRE) 2024, attendu à 60 M€ - pour 150 M€ de frais de gestion.
Plusieurs acquéreurs potentiels
« Plusieurs acquéreurs étaient sur les rangs », glisse simplement une source, alors que Bloomberg, rappelle qu’IK Partners avait ouvert la porte à une IPO, l’an dernier. « Nous avons étudié les différentes options, que ce soit une IPO ou l’entrée d’un minoritaire, mais aucune des deux ne répondait à nos attentes », retrace Christopher Masek, CEO d'IK. Cette transaction est née de discussions entamées en direct, hors auction, bien que Wendel a été accompagné par Natixis Partners, Rothschild & Co et d'Angelin & Co, alors que la cible était épaulée par BNP Paribas. Le solde du capital reste pour l’heure entre les mains des associés de la société de gestion, comptant 35 partners emmenés par Christopher Masek et Dan Soudry. Mais les parties ont déjà prévu l’acquisition de ces 49 % restants par Wendel, entre 2029 et 2032, sur un niveau de prix qui dépendra de l’évolution du FRE. Cette annonce a été plutôt saluée par les marchés puisque le cours de Wendel progresse de près de 1 % en cette séance du 17 octobre, avec un titre qui cote à 74,5 euros. « Notre objectif premier était d’accéder à des capitaux permanents, notamment pour développer des nouveaux métiers, en organique ou par croissance externe, dans un environnement où les fonds, pour financer ces nouvelles stratégies, sont moins disponibles, poursuit le CEO d’IK. Notre deuxième ambition était de maintenir l’équilibre du partnership. Nous l’avons avec Wendel dans la transaction actuelle, avec une cession pari passu de tous les associés, mais aussi dans le temps grâce à des mécanismes d’intéressement des jeunes générations jusqu’à l’acquisition du solde du capital, puis via des stock-options. Le dernier point clé était l’autonomie. Notre ligne rouge était de conserver l’indépendance totale de notre comité d’investissement. »
Sponsor des futurs fonds
Cette acquisition est une prise de taille, tant le gérant d'origine scandinave était parvenu à imposer sa marque dans l’univers européen du private euqity avec ses différentes gammes de fonds. Ses véhicules historiques de LBO mid cap avaient récolté 2,85 Md€ pour le neuvième millésime en 2020, l’activité small cap est parvenue à lever 1,2 Md€ pour sa troisième mouture, de 2021. Cette même année, IK s’était lancé dans le growth avec Development Capital, doté d’une enveloppe de 300 M€, soit une somme identique réunie par sa stratégie minoritaire de long terme, établie en 2019 sous le nom Partnership. Au total, ces stratégies sont portées par 185 collaborateurs, dont 100 professionnels de l’investissement, répartis entre sept bureaux européens. « Cette acquisition revêt beaucoup de sens, juge un observateur. Il n’y a pas de chevauchement de stratégie et une bonne complémentarité géographique. Cela va permettre à IK de régler ses sujets de succession et l’aider dans la levée de son nouveau flagship, qui devrait cibler entre 3 et 4 Md€. » Et en effet, Wendel a déjà prévu de sponsoriser les prochains fonds de sa future filiale dans la limite de 10 % maximum. Une partie du produit de cession engrangé par les associés d’IK devrait aussi être réinvestie au titre des parts de carried dans ces futurs fundraisings. Laurent Mignon précise : « La mise en œuvre de cette stratégie ambitieuse permettra d’accélérer la diversification de Wendel, d’amplifier la génération de cash-flows récurrents et de renforcer notre attractivité en tant qu’investisseur et en tant que société cotée. »
Modèle hybride
Le gérant coté espère ainsi profiter d’une partie des fees générés par IK, mais devrait aussi bénéficier de 20 % des droits au carried, alors que le GP scandinave a généré 26 % de TRI brut moyen sur les cessions enregistrées par les millésimes VII et VIII. Cette acquisition rappelle la reprise d’idinvest par Eurazeo, fin 2017. La holding cotée avait mis 350 M€ sur la table pour s’emparer de 51 % de l’ex-filiale d’Idi qui affichait alors 8 Md€ d’actifs. Elle s’était ensuite emparée du solde lui permettant aujourd’hui d’afficher 35,2 Md€ d’encours, majoritairement pour compte de tiers. Cependant, la croissance vertigineuse de ces chiffres n'a pas pleinement satisfait les actionnaires de la société cotée, avec un cours qui navigue aujourd’hui sous les 55 €, contre quelque 70 € avant cette acquisition, et une direction renouvelée en début d’année avec le départ de Virginie Morgon. « Je ne sais pas quel est le meilleur modèle, mais pense que l'équilibre entre les revenus récurrents offerts par la gestion pour compte de tiers et la création de valeur de l'investissement en direct est celui qui génère la meilleure performance pour nos actionnaires, répond Laurent Mignon. Les marchés ne jugent pas toujours bien ces modèles hybrides, mais à nous de les convaincre, alors que notre modèle actuel de holding d'investissement n'est pas non plus toujours bien valorisée, avec un discount actuellement important. »
100 M€ de rachats d’actions
Et en effet, l'ANR au 30 juin 2023 était de 163,2 euros par action, avec une décote de 41,4 % sur la moyenne des 20 derniers cours de Bourse - qui ressortait à 95,6 euros. Wendel compte d'ailleurs poursuivre son accélération dans le private capital avec d’autres acquisitions qui pourraient venir compléter celle d’IK, en ciblant, le secondaire, la private debt ou encore l'infrastructure. « Notre capacité à investir sur le long terme via notre bilan est une proposition différenciante et créatrice de valeur, affirme David Darmon. Pour l’activité d’asset management, notre objectif n’est pas d’accumuler des AUM, mais de nous appuyer sur des acteurs très performants leaders de leur segment de marché, avec une taille critique. » Pour cela, l’investisseur dirigé par Laurent Mignon va lancer ce jour un programme de rachat d’actions de 100 M€. Au cours actuel, cela représente quelque 3 % du capital qui devrait notamment permettre de financer ces futures croissances externes par échange de titres. Outre cette monnaie d’échange, Wendel peut s’appuyer sur 1,7 Md€ de trésorerie, à fin juin 2023.