Staci emballé par la poste belge

Le capital de Staci va bien être expédié en Belgique. Ardian, qui contrôle ce groupe francilien de logistique aux 770 M€ de chiffre d’affaires 2023 pour 110 M€ d’Ebitda, a signé un accord de vente avec bpostgroup, l’équivalent de La Poste en Belgique. Cette transaction porte sur 100 % du capital et valorise Staci 1,3 Md€, soit 11,8 fois son Ebitda. Elle devrait être conclue d’ici octobre 2024, à l’issue des procédures usuelles. « bpost a parfaitement compris les forces et le positionnement de Staci et présente en plus une forte complémentarité avec cette entreprise, présente Lise Fauconnier, managing director Buyout chez Ardian. C’est toujours satisfaisant lorsqu’un industriel valide le travail de transformation mené, en valorisant une entreprise et son management. » Le fonds de la place Vendôme avait été accompagné dans cette cession par Bank of America et Société Générale dans un premier temps. Il avait ainsi mandaté ces banques fin 2022 en vue de remettre en jeu sa participation acquise en 2019 auprès de Cobepa. Initialement, seuls des industriels - dont bpost - avaient été sondés, avant de finalement intégrer des financiers dans ces enchères, début 2023, comme le révélait L’Informé. « Il y a eu des marques d’intérêt, mais les difficultés pour lever de la dette LBO pour un deal de ce montant ont mis le processus de vente en stand-by », précise une source proche du dossier. Seul le groupe postal belge était encore en lice en juin dernier, toujours selon L’Informé. Les négociations entre les parties ont été mises en hibernation du fait de la crise traversée par bpost.

Des discussions reprises de gré à gré

Un scandale sur l’attribution d’un appel d’offres sur la distribution de journaux et périodiques a en effet éclaté au sein du groupe coté sur Euronext Bruxelles et contrôlé par l’État Belge. Si le dénouement de cette affaire n’est pas encore arrêté, le distributeur de courrier du Plat Pays a déjà provisionné 85 M€, selon ses comptes 2023. Surtout, cela a poussé le CEO historique à démissionner, fin 2022. Il a été remplacé par un dirigeant par intérim jusqu’au 11 décembre 2023, date à laquelle Chris Peeter a été nommé nouveau CEO. « Staci faisait partie des dossiers sur la table de ce nouveau dirigeant, éclaire une source. Il a donc réouvert les négociations directement avec Ardian, sans qu’un processus ne soit relancé ou que les banques soient de nouveau mobilisées. » Chris Peeter a donc jugé l’opération comme stratégique, expliquant dans un communiqué être « convaincu qu'avec l'acquisition envisagée de Staci, (bpost sera) prêt pour une croissance robuste. » Pour financer cette acquisition, bpost compte mettre en place un bridge au moment de la clôture et puiser dans une partie de sa trésorerie. À fin 2023, il disposait de 870 M€ de disponibilités pour une dette nette de 420 M€, soit légèrement moins d’une fois son Ebitda 2023 de 478 M€ (affecté par 75 M€ de provision). Une fois l’acquisition de Staci actée, le groupe belge entend donc refinancer la dette portée par sa future filiale. Le levier net d’endettement de Staci serait légèrement inférieur à quatre fois l’Ebitda, selon nos informations.

Accueil plutôt défavorable du marché

Si l’acquéreur ne devrait donc pas avoir de problème pour financer cette transaction, les marchés n’ont semble-t-il pas salué cette annonce. Son cours de Bourse s’est contracté de 5,5 %, avec un titre qui s’échange autour de 3,3 € ce lundi 8 avril. Cette opération est significative pour bpost, dont la capitalisation ne ressort qu’autour de 675 M€. En effet, les 770 M€ de revenus de Staci représentent près d’un cinquième de ses 4,27 Md€ de chiffre d’affaires alors que, pour l’Ebitda, cette proportion est de 23 %. « Je travaille dans l’entreprise depuis plus de 30 ans et l’objectif était de trouver un projet pérenne et sans impact négatif pour l’emploi, prévient Thomas Mortier, CEO de Staci. Les complémentarités entre bpost et nous sont très importantes. Tout d’abord en termes de couverture géographique. bpost est par exemple présent en Pologne, où nous ne sommes pas implantés, alors que nous sommes un acteur de poids en France ou bpost n’a que peu d’activité logistique. Nos offres sont aussi fortement complémentaires, avec un fort ancrage sur le BtoB de notre côté et plus sur le BtoC et l'e-commerce pour bpost. » L’acquéreur génère ainsi un peu plus de 2 Md€ de recettes grâce à ses activités de logistiques, en étant très présent en Amérique du Nord et Europe de l’Est. Staci va apporter à cela ses 80 entrepôts à travers le monde et 3 500 collaborateurs. Un chiffre à comparer aux 36 000 salariés du groupe postal belge. « Tout le management est ravi de cet adossement qui ouvre des perspectives de croissance de long terme, poursuit Thomas Mortier. Je rejoindrai le comité de direction de bpostgroup et je vais continuer d’œuvrer pour le développement de Staci. Nous menons actuellement des discussions complémentaires sur les modalités de collaboration des équipes, des managers et de nos filiales respectives. »

Doublement de la valorisation

Les 60 managers au capital de Staci devraient pouvoir réinvestir. Ils avaient été associés aux côtés d’Ardian et de Société Générale Capital Partenaires lors du LBO de 2019. Celui-ci avait alors été mené sur la base d’un prix de 600 M€ pour Staci. La valorisation du logisticien tricolore a donc plus que doublé. Une progression notamment permise par un triplement des recettes du groupe, qui affichait 250 M€ de chiffre d’affaires cinq ans plus tôt. Ce changement d’échelle a notamment été permis grâce à deux acquisitions stratégiques, celle de Base Logistics, aux Pays-Bas en 2021, et celle d’Amware, aux États-Unis menée l’an dernier. Ces deux build-up ont apporté environ 300 M€ de revenus additionnels au groupe francilien. Le reste de la croissance vient donc de synergies, développements internes et d’autres add-on.  « Nous avions acquis Staci juste avant le Covid, rappelle Lise Fauconnier. Mais l’entreprise a parfaitement traversé cette crise, notamment grâce à l’engagement et l’autonomie accordée aux équipes de chacun de ses hubs, en lien avec une culture d’entreprise et des fonctions support fortes. Le groupe a su diversifier son offre, mettre en place des développements organiques comme avec l’ouverture d’un premier entrepôt aux États-Unis, tout en concrétisant quatre add-on et deux build-up structurants. »