Dans un secteur du retail pour le moins chahuté, comme l’illustrent encore les récents placements en redressement judiciaire de Naf Naf ou Minelli, certaines marques parviennent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas notamment de Sœur qui avec son positionnement de « luxe accessible » a réussi à faire sa place sur le marché de la mode féminine. Soutenue par Experienced Capital Partners depuis 2016, à qui elle avait confié 45 % de son capital, l’entreprise a séduit le fonds sectoriel italien Style Capital qui signe ici sa première opération dans l’Hexagone. Également actionnaire de la marque australienne de vêtements haut de gamme Zimmermann et de l’italienne MSGM, ce dernier s’empare de 80 % du capital.
Une valorisation de près de 70 M€
Le process, organisé par Lazard , s'est initié début 2022, avant d'être mis en pause quelques semaines plus tard après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Les incertitudes géopolitiques, et surtout le contexte inflationniste faisaient craindre une chute des dépenses dites « discrétionnaires » correspondant aux achats de plaisir. Des discussions informelles ont ensuite repris début 2023 avec quelques fonds et family offices connaissant le secteur de la mode, et ont rapidement abouti à une exclusivité accordée à l'investisseur italien. Valorisée près de 70 M€, l’opération, qui va s’appuyer sur une dette en cours de négociation, offre une belle performance à Experienced Capital Partners. Le fonds dédié aux marques premium multiplie sa mise par six. « Malgré une conjoncture plus difficile, les beaux actifs continuent de susciter de l’appétit, se félicite Virginie Birade, directrice au sein de la société de gestion. Cette cession valide également notre modèle qui consiste à identifier des pépites d’une dizaine de millions d’euros de chiffre d’affaires et à les accompagner, avec nos experts opérationnels, dans un changement d’échelle. »
30% de l’activité à l’international
En sept ans, Sœur, dirigée par Angélique et Domitille Brion, a effectivement changé de dimension, passant de 6 M€ de chiffre d’affaires en 2016 à 50 M€ cette année, tandis que sa marge d’Ebitda a quasiment doublé sur la période pour atteindre les 18%. « Nous avons travaillé tous les aspects du business model, de l’approvisionnement à l’optimisation des points de vente, en passant par le digital et le développement international » explique Virginie Birade. Les quatre boutiques parisiennes historiques font désormais partie d’un réseau de 48 magasins en propre, situés majoritairement en France, mais aussi en Espagne (quatre boutiques), en Belgique (deux) et au Royaume-Uni où un deuxième magasin doit prochainement être inauguré. Des partenariats avec des grossistes ont également été noués en Corée du Sud et aux États-Unis permettant de porter la part de l’export à 30 % du chiffre d’affaires.
Accélérer en Asie et aux États-Unis
L’accent a également été mis sur l’accélération des ventes en ligne qui contribuent aujourd’hui à 30 % des revenus, contre 10 % en 2016. Un travail notamment impulsé par Freja Day, ancienne responsable France de Zara .com, recrutée comme directrice générale en 2019. Enfin, l’offre des accessoires (sacs, bijoux, foulards, etc.) s’est étoffée et génère désormais le quart du chiffre d’affaires. Autant d’axes qui devraient continuer d’être portés par le nouvel actionnaire. « Nous prévoyons une trentaine d’ouvertures de magasins en Europe dans les cinq ans, en ciblant en particulier le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie » indique Francesca Grosso, directrice chez Style Capital. La distribution wholesale devrait également être poussée en Corée du Sud et aux États-Unis, avec l’objectif d’atteindre les 100 M€ de revenus sur la période, répartis équitablement entre la France et l’étranger.