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Reprendre avec succès une entreprise en difficulté


| 1380 mots

Ebea repris par Baud en conciliation et Quelle en RJ racheté par 3 Suisses. Deux exemples, pour réussir sa cession, illustrés par Duff & Phelps, AJ Associés et Jones Day lors d'un petit-déjeuner CFnews.

Malgré une relative accalmie sur les opérations de retournement depuis le début de l’année (voir notre dernière enquête ci-dessous), les opportunités de reprise ou les problématiques de cession de sociétés en difficultés restent largement d’actualité. Ce type d’opérations, très complexes nécessitant l'intervention de nombreux intervenants, évolue dans des cadres assez réglementés, en tout cas bien différents selon qu'il s'agisse de reprise dans le cadre de procédures collectives (RJ) ou hors cadre. Pour illustrer deux cas concrets récents sur lesquels ils sont intervenus, Duff & Phelps, AJ Associés et Jones Day sont intervenus lors d'un petit déjeuner débat animé par CFnews le 7 octobre chez Jones Day.

Gagner du temps

Laurent Assaya, Vivien & Associés

Laurent Assaya, Vivien & Associés

Le débat s’est articulé sur deux cas concrets de sociétés en difficulté qui ont finalement réussi à repartir avec un nouvel actionnaire. Pour le premier, il s’agit d’ Ebea, l’ancienne filiale de l’américain Hilite, reprise lors d’une procédure de conciliation pour 1€ symbolique par un autre spécialiste français de l’usinage et de l’assemblage de composants automobiles, Baud Industries. « Ayant elle-même eu à restructurer son LBO, la maison-mère d’Ebea avait passé un accord de standstill lui interdisant de remettre de l’argent dans sa filiale française. Tout en protégeant le dirigeant, la procédure de conciliation a donc laissé cinq mois à Ebea. Un délai lui permettant de négocier un moratoire de sa dette tout en travaillant à sa reprise par un nouveau repreneur», explique Laurent Assaya, of counsel chez Jones Day (photo ci-contre).

Gérer le cash reste essentiel

La conciliation, tout comme le mandat ad’hoc à un stade très amont des difficultés et avant la cessation des paiements, permet donc au conciliateur, l'administrateur judiciaire, de jouer pleinement son rôle de tampon avec les créanciers. Ce dispositif laisse le temps à la société de revoir son plan d’affaires pour en proposer un nouveau au repreneur et a fortiori au Tribunal afin d’assurer sa pérennité. "Quelque soit le dispositif mis en œuvre, l’un des éléments essentiels pour la réussite d’une opération de retournement reste la gestion du cash. Notre mission consiste, entre autres, à piloter la trésorerie et à mettre en place les actions de réduction de coûts, pour disposer du temps nécessaire à la conduite de la transaction et limiter le besoin de trésorerie", commente Guillaume Masseron, managing director au sein du département restructuring de Duff & Phelps (photo ci-contre). La société doit donc disposer d'un plan sérieux, pour tenter un repreneur d'injecter du new money dans son activité.

Une discrétion à toute épreuve

La société ne doit pas attendre la fin de la crise mais revisiter son activité pour trouver une issue à ses problèmes et limiter la casse. « Le business plan doit donc aussi tenir la route pour montrer aux créanciers bancaires ou publics que le groupe pourra rembourser ses dettes aux échéances fixées », complète Charles Gorins, associé chez AJ Associés (photo ci-contre). De plus en plus utilisées, les procédures de préventions des difficultés comptent chacune leurs spécificités. La conciliation, choisie pour Ebea, trouve ses limites à l’issue de la période en cas d’accord homologué par un jugement du Tribunal où l’affaire est rendue publique. La discrétion sur ce type de transaction est néanmoins aussi une des clefs de leur réussite car les fournisseurs et clients doivent conserver leur confiance dans la société. Certains cas, au contraire étaient largement médiatisés du fait de cette homologation du jugement à l'instar de l’usine GM de Strasbourg, un dossier où les salariés ont dû accepter une baisse de leur rémunération, ou encore Heuliez, ou encore plus récemment Urbania repris par IPE (lire ci-dessous). Le type de procédure à engager sur une société en retournement dépend beaucoup de sa situation et de l’état de ses finances.

Audits et contrats de reprise ajustés

Pour l’autre cas pratique évoqué lors de la conférence, Quelle La Source, seule la procédure collective pouvait faire sortir ce vépéciste de ses difficultés. Ce groupe, appartenant déjà depuis trois ans au fonds de retournement allemand Aurelius, avait accumulé 50 M€ de pertes de CA par an ces dernières années. Placé en RJ en juillet 2009 il est finalement repris à la barre en mars 2010 pour 9,25 M€ par le groupe 3 Suisses lire ci-dessous). Dans le cas d’une procédure de cession à la barre du tribunal de commerce, l’acquéreur, ne reprend pas le passif, et a la possibilité de choisir les actifs qui l’intéressent, à priori une aubaine. « Le prix dépend bien évidemment du périmètre de la reprise mais doit tenir compte de la crédibilité du projet industriel, de la capacité à assurer le financement de l’activité et du nombre de candidats concurrents », explique Guillaume Masseron. Les repreneurs intéressés par l'acquisition à la barre du Tribunal doivent donc commencer le plus tôt possible leurs audits car le travail d’analyse est bien plus conséquent que sur une société in bonis. « L’aspect social d’une offre de reprise prédomine le plus souvent devant les tribunaux et il est conseillé au candidat repreneur de justifier à la fois de la non reprise d’une partie des effectifs et des efforts vis-à-vis des salariés non repris (abondement au PSE , aides au reclassement ). Si l’offre doit être améliorée ultérieurement, sur un plan social il est important de communiquer dès le dépôt de l’offre initial sur les critères de variabilité, c'est-à-dire les données économiques imposées par les clients qui ont directement un impact sur le niveau d’emploi », rajoute Franck Michel, associé au sein d’AJ Associés.

Recours des salariés

D’autant que les recours des salariés se multiplient et la responsabilité du repreneur tout comme des anciens actionnaires peuvent être engagées sur les notions de co-emploi ou de gestion de fait. "Les salariés d'une société liquidée se retournent de plus en plus contre leur ancien actionnaire. Soit ils prétendent que leur actionnaire doit être considéré comme leur co-employeur au motif qu'il y aurait "confusion d'intérêts, d'activité et de direction", nous sommes ici dans le champ de la responsabilité contractuelle. Soit ils prétendent que leur ancien actionnaire a cédé la société liquidée à un repreneur qui n'avait pas, dès le départ, les reins suffisamment solides pour reprendre l'activité, nous sommes alors dans le champ de la responsabilité délictuelle", complète Laurent Assaya. Pour que la reprise soit réussie, il faut enfin "post deal" mettre en place les outils de pilotage adéquats et de suivi de performance. Un aspect essentiel, souligne Guillaume Masseron : "C'est le moment pour optimiser l'existant et négocier de nouvelles sources de financement (ABL : clients, stocks). Pas simple mais très porteur et "économique" par rapport à une société in bonis, si on s'y prend bien, la reprise d'une entreprise difficulté exige assurément de bien s'entourer et connaître les us et coutumes de ce type d'opérations.

Lire aussi:

L’usine GM de Strasbourg enfin sauvée (09/08/2010)

A quelles conditions racheter une entreprise en difficultés ? (10/09/2010)

Enquête : Les entreprises en difficulté s'entourent de plus de précaution (02/09/2010)

Urbania évite la faillite avec un fonds (08/09/2010)

Nicolas de Germay, ARE : "Le traitement des difficultés doit davantage passer par l'opérationnel" (14/09/2010)

Ebea s’adosse à Baud Industries (15/10/2009)

Les 3 Suisses s'emparent de Quelle La Source (16/03/2010)

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