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Les défaillances d'entreprises atteignent un pic

Duralex, Sergent Major, Jennyfer... Après deux ans d’aides publiques maintenant les entreprises sous perfusion, les difficultés éclatent au grand jour avec plus de 63 000 procédures collectives ouvertes sur douze mois glissants à fin septembre 2024. La dynamique devrait se stabiliser malgré un contexte géopolitique et économique incertain.

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©Freepik

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Barema Bocoum, Interpath Advisory

Barema Bocoum, Interpath Advisory

Le nombre de défaillances d’entreprises enregistre un record. Plus de 63 000 procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) ont été ouvertes sur un an à fin septembre, d’après l’Observatoire des données économiques du CNAJMJ. Un chiffre qui a déjà largement dépassé les niveaux d’avant la pandémie. «La majorité des entreprises subissent le contrecoup du Covid. Les pouvoirs publics ont beaucoup aidé pendant la pandémie, puis pendant la flambée des prix de l'énergie. La note est salée et l’Etat a moins les moyens d’accompagner les entreprises en difficulté. Les entreprises stratégiques et vertueuses trouveront toujours des solutions, mais il n’est jamais bon pour une économie de financer des projets qui ne sont pas viables », remarque Baréma Bocoum, managing director chez Interpath Advisory. Les procédures de prévention (mandat ad hoc et conciliation) ont crû de 9 % sur les trois premiers trimestres 2024 par rapport à la même période en 2023. Une augmentation assez faible en comparaison avec les 19 % de croissance du nombre d’ouvertures de procédures collectives. L’heure est donc au traitement des difficultés en 2024 et non plus à l’anticipation, avec le plus grand nombre de défaillances jamais observées au premier semestre. « Au quotidien, la masse des défaillances concerne les PME, avec des secteurs particulièrement affectés », précise Théophile Fornacciari, administrateur judiciaire chez FHB. En 2024, 94 % des entreprises en procédure collective et 75 % en préventive emploient moins de dix salariés. Si les secteurs habitués du restructuring sont toujours en difficulté, toutes les activités semblent touchées.

GRAPH Nombre de défaillances d'entreprises © CFNEWS.net

GRAPH Nombre de défaillances d'entreprises © CFNEWS.net

Difficultés dans le retail...

Les restaurateurs touchés pendant le Covid sont toujours affectés, comme toutes les activités liées au pouvoir d’achat. Le commerce et la construction représentent près de 40 % des procédures collectives ouvertes depuis le début de l’année, avec plus de 10 000 dossiers chacun, loin devant tous l’hébergement et la restauration, sur la troisième marche du podium avec un peu plus de 6 000 entreprises. Le feuilleton Casino s’est achevé au premier trimestre dans la grande distribution. Les comportements de consommation ont changé, polarisés, dans le prêt-à-porter, entre l’ultra fast fashion aux prix dérisoires d'un Shein et une tendance de produits plus durables. Après Kookaï, racheté par AMH fin 2023, cette année confirme les difficultés du secteur. Pimkie a vu son plan de continuation pour deux ans validé en novembre après celui de Jennyfer en juin, mais l’enseigne Esprit n’a pas eu le même sort et est partie en liquidation judiciaire cet automne. D’autres griffes ont trouvé un repreneur à la barre, Minelli avec un trio mené par Mes Demoiselles Paris, Maison Lejaby avec un duo franco-indonésien, puis Naf Naf avec l’industriel turc Migiboy Tekstil.

...et dans l'immobilier

Avec l’envolée des taux depuis l’été 2022, l’immobilier, et toutes ses composantes, s’est effondré en 2024. Les sous-segments du bâtiment, de l’architecture et de l'ameublement pâtissent à la fois de la hausse des taux et de la baisse du pouvoir d’achat. « Parmi les promoteurs immobiliers, quasiment aucun ne tire son épingle du jeu depuis dix-huit mois dans le smid-cap. À l’inverse, le secteur des maisons de retraite, qui a été pointé du doigt ces trois dernières années, répond à un besoin mais est encore sous-valorisé et négligé alors qu’il y a eu des tours de vis », estime Henri-Pierre Jeancard, fondateur d'Aether Financial Services. Après la liquidation judiciaire fin février de Medicharme, 42 de ses 43 Ehpad ont été repris par des acteurs du secteur au printemps. Fin novembre, Réside Etudes Seniors, en redressement judiciaire depuis juin 2024 a vu ses 75 résidences et 1 200 collaborateurs repris à la barre par le tandem Zenitude/Stella. Le groupe a échappé à la liquidation judiciaire, à l’inverse de NCT, contraint à fermer boutique au début du mois.

Un secteur automobile au ralenti

Anne-Sophie Noury, White & Case

Anne-Sophie Noury, White & Case

L’industrie, en France comme en Europe, est aussi à la peine. L’automobile et la chimie sont les secteurs les plus critiques, notamment pour des raisons de coûts de l’énergie. L’écart des prix de l’énergie selon les pays, plus ou moins protectionnistes, se répercute sur les prix finaux et la compétitivité. « Le secteur de l'industrie chimique souffre dans toute l’Europe d’une très forte concurrence, chinoise notamment, d’une surcapacité et de prix de l’énergie bien supérieurs à ceux appliqués en Asie ou aux Etats-Unis », avance Anne-Sophie Noury, avocate-associée chez White & Case. À cela s’ajoute la concurrence hors Europe pour le secteur de l’automobile. Secteur parmi les plus mondialisés, il souffre de la baisse de la consommation en Chine et du protectionnisme en Amérique du Nord. Les grands constructeurs européens ont annoncé tour à tour des profit warnings quand des sous-traitants ferment en France. Michelin a récemment annoncé la fermeture de deux de ses sites mais d’autres acteurs avec une structure de capital plus fragile sont pris en tenaille sur le BFR, les suppressions de postes et la réduction de la production. Malgré sa reprise par l'investisseur allemand Private Assets, Fonderie de Bretagne n'est pour autant pas sorti d'affaire.

Les biotech particulièrement touchées

L’industrie manufacturière représente 2 960 des 52 214 procédures collectives ouvertes depuis le début de l’année, Parmi les dossiers les plus médiatisés figurent la reprise de Duralex par ses salariés et celle d'Ascometal par le fonds britannique Greybull. D’autres secteurs ne se retrouvent pas nécessairement dans les statistiques mais naviguent encore dans la zone orange. C’est notamment le cas des sociétés innovantes qui peinent encore à lever des fonds, en particulier dans la santé. « Des sociétés tech dans la santé souffrent sérieusement, après plusieurs dizaines de millions d’investissements et toujours pas de profitabilité, les fonds d’investissement arrêtent de réinjecter. Les sources de financement des biotech/medtech se tarissent. On ne voit pas encore de situations de redressement ou de sauvegarde mais on s’en approche. Si rien ne se passe, dans un an, on perdra tout, la valeur, le savoir, les emplois », prévient Henri-Pierre Jeancard. Au premier semestre, 27 opérations de capital-innovation dans les biotechnologies ont réuni 411 M€, contre 733 M€ pour 31 levées de fonds sur la même période en 2023.

Un arsenal d’outils

Julie Cittadini, LPA CGR Avocats

Julie Cittadini, LPA CGR Avocats

Pour accompagner les entreprises viables rencontrant des difficultés, une réforme en 2021 a transposé la directive européenne « restructuration et insolvabilité » et a pérennisé des règles instaurées par ordonnances pendant la crise sanitaire. « La loi a évolué depuis deux ans et nous permet plus de solutions dans les procédures. Pour un dossier de retail, nous avons réussi à imposer auprès des créanciers un plan de continuation. Sans le nouveau dispositif de classes de parties affectées, la société serait partie en plan de cession et serait un énième dossier à la casse », illustre Théophile Fornacciari. À compter du 1er octobre 2021, les classes de parties affectées ont remplacé les comités de créanciers. Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde accélérée, dont le débiteur en conciliation peut solliciter l’ouverture jusqu’à 45 jours après la date de cessation de paiement, elles permettent d’arrêter un plan avec la majorité des deux tiers du montant des créances ou des voix des membres regroupés par intérêts économiques : créanciers, privilégiés ou chirographaires, salariés, actionnaires, Etat. « La sauvegarde accélérée fonctionne très bien. La procédure est courte, sécurisée et permet de préserver les relations fournisseurs si nécessaire. Nous commençons à avoir du recul sur les classes de parties affectées mais il est à anticiper un ajustement prétorien de la pratique observée », témoigne Julie Cittadini, avocate-associée chez LPA Law. Cela a notamment permis la reprise à la barre du fabricant d’implants Sebbin par Symatese, qui a réinjecté plus de 7 M€, et de sauver 145 emplois.

D’autres solutions, en dehors du droit des entreprises en difficulté, permettent d’éviter l’entrée en procédure amiable, dont la confidentialité est de moins en moins protégée dans les faits. « Très peu répandu en France, le liability management se fait en dehors de toute procédure. Il permet d’échanger une dette arrivant à maturité avec une autre plus lointaine, souvent contre des sûretés plus solides et un paiement cash. À partir du seuil économique de 66,66 %, les règles du restructuring permettent d’imposer au tiers restant. Récemment, une grande entreprise française leader dans son secteur a ainsi échangé ses dettes arrivant à maturité en 2024 et 2025 contre une dette jusqu’en 2029, garantie par une structure de double Luxco avec des covenants plus protecteurs pour les prêteurs. On devrait voir de plus en plus d’opérations, financières accompagnées par le restructuring, de ce type », considère Anne-Sophie Noury.

La pression du levier

Henri-Pierre Jeancard, Aether

Henri-Pierre Jeancard, Aether

Avec le cycle des LBO qui se sont allongés depuis l’euphorie post-Covid, les investisseurs anticipent une vague de refinancement qui pourrait, elle aussi, booster les dossiers de restructuring. « L’afflux de liquidités pendant la période de Covid a intensifié la concurrence entre les fonds de private equity et entre les financeurs. Ce contexte a eu un effet inflationniste sur les prix des actifs et donc les niveaux d’endettement. Quatre à cinq ans plus tard, l’horizon de sortie des fonds et la maturité des dettes mettent les sujets de liquidités en 2025 et 2026 », expose Anne-Sophie Noury. Pour autant, tous les montages à effet de levier ne sont pas logés à la même enseigne.

« Les restructurations de LBO demeurent majoritairement traitées en procédures préventives. Les affaires spéciales des établissements financiers sont un auditoire averti, cela n’est comparable en rien aux services contentieux dans une dynamique de recouvrement que l’on retrouve en matière de procédures collectives. L’implication des affaires spéciales en procédures préventives est donc précieuse », explique Julie Cittadini. La réinjection de fonds de la part des actionnaires dépend de leur confiance dans le plan de retournement mis en œuvre par le management. « En 2023, le taux de défaut des dettes LBO des PME et ETI s’élevait à 5,2 % dans notre portefeuille. Ce chiffre reste raisonnable au regard des leviers assez élevés dans les montages, de 4,67 fois l’Ebitda en moyenne au troisième trimestre 2024 », partage Henri-Pierre Jeancard.

L’adossement comme solution

Théophile Fornacciari, FHB

Théophile Fornacciari, FHB

De manière générale, l’accumulation de dette depuis les difficultés pendant la pandémie continuent à peser, au-delà des PGE, qui ne constituent pas la difficulté majeure pour les entreprises de plus de 20 M€ de chiffre d’affaires. « Ces dernières années, le cash des sociétés, même celles qui étaient légèrement rentables, a été absorbé dans le remboursement de la dette liée au Covid. Le cas d’un industriel, dont l’actionnaire financier n’a pas soutenu les investissements, qui a accumulé un retard technologique par rapport aux concurrents, est typique de beaucoup d’autres. Il n’y a alors pas d’autre choix que de chercher un repreneur pour retrouver une compétitivité sur le marché », décrit Théophile Fornacciari. Encore faut-il trouver preneur. « Même si nous faisons face à de vives critiques sur la confidentialité et le coût des procédures préventives, elles jouent pleinement leurs rôles. À côté de cela, nous observons des dossiers bien plus dégradés ces derniers temps en matière judiciaire », observe Julie Cittadini. Depuis le début de l’année, la base de données Cfnews recense 89 opérations de M&A en retournement, dont neuf sur des entreprises de plus de 50 M€ de chiffre d’affaires (voir tableau ci-dessous). « Dans le contexte économique incertain, on a du mal à trouver des repreneurs pour une start-up, un restaurant, une marque retail ou une biotech, reconnaît Théophile Fornacciari. Si l’actionnaire ne remet pas d’argent, c’est la liquidation et la destruction de valeur, malgré toutes les mesures. »

S'adapter

Et si repreneur il y a, il est toujours plus difficile de redresser une entreprise dans un marché difficile. « Les gros dossiers de 2023 comme Orpea ou Casino ne représentaient pas une situation macro inquiétante. Cette vague de corporates avec des quantums de dette colossaux est terminée. Les deux prochaines années concerneront plutôt des sujets de dette non refinançable à date nécessitant un report que des entreprises rencontrant des difficultés en soi », prédit Anne-Sophie Noury. L’occasion pour certains d’abaisser le levier d’endettement et de prendre une respiration dans un contexte économique et géopolitique qui a bien changé depuis 2020. « Au-delà des éléments conjoncturels et sectoriels auxquels les entreprises font face, elles doivent également s’adapter aux tendances structurelles : le changement des usages lié aux innovations rapides dans tous les secteurs, les dimensions ESG, l’importance grandissante de la géopolitique pour les chaînes de valeur et les évolutions sociétales liées aux nouvelles générations. Nous sortons progressivement d'un certain cycle économique et aucun secteur n’est épargné, y compris des entreprises d’une certaine taille, signale Baréma Bocoum. La phase d’ajustement est complexe et on a rarement été aussi proche de la récession que depuis le Covid, mais je suis optimiste. Il y a beaucoup d’opportunités dans les difficultés. » Sans oublier le nombre d’emplois en jeu. Plus de 150 000 sont concernés, rien que dans les procédures collectives depuis le début de l’année.

LES RETOURNEMENTS D'ETI ET GRANDES ENTREPRISES EN 2024. ©CFNEWS.net

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