Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la prise en compte du crédit d’impôt recherche (CIR) et plus généralement des crédits d’impôts dans le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l’entreprise (CE, n°347633, 20 Mars 2013, SA Etudes et Productions Schlumberger).
Par cette décision très attendue, la Haute Assemblée annule la doctrine administrative (doc. adm. 4 N 1121 § 39 al. 2 et § 43 ; Rescrit n° 2010/23, repris au BOFiP) qui conduisait, en pratique, à réallouer aux salariés, via le mécanisme de la participation, une partie du CIR et des autres crédits d’impôts.
On sait que, selon le code du travail, le montant de la réserve spéciale de participation est calculé en fonction du bénéfice fiscal net de la société, c’est à dire du résultat fiscal «diminué de l’impôt correspondant» (art. L3324-1).
Pour les entreprises bénéficiant du CIR ou d’autres crédits d’impôt, la question se posait donc de savoir si cet « impôt correspondant » était l’impôt calculé avant ou après imputation du CIR (et le cas échéant des autres crédits d’impôt).
Pour l’Administration , cette notion d’ « impôt correspondant » devait s’entendre de l’impôt minoré du CIR imputé sur cet impôt, ainsi que le cas échéant, du montant du crédit d’impôt remboursé. Dans ce dernier cas, la restitution était susceptible de générer un « impôt négatif » majorant le bénéfice servant au calcul.
Une position discutable de l'administration
Concrètement, si l’on suivait la position de l’Administration, la prise en compte du CIR dans le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés revenait, de facto, à réallouer une partie de ce CIR aux salariés via le mécanisme de la participation accordée aux salariés, ce qui nous semblait discutable au regard du texte.
- Premièrement, car selon la propre doctrine de l’Administration, seuls pourraient être déduits de l’impôt pour le calcul de la participation les crédits d’impôts inclus dans le bénéfice imposable (e.g. afférents à des revenus mobiliers): ce n’est pas le cas du CIR.
- Deuxièmement, la notion d’impôt « correspondant » aux revenus pour le calcul de la participation ne fait pas référence à une notion d’impôt « net payé » mais d’impôt « brut ».
- Troisièmement, la doctrine administrative générait certaines situations incohérentes, avec un « impôt négatif » non prévu par la loi. De plus la fonction même du CIR est de promouvoir la recherche sur le territoire français et l’emploi des chercheurs, et non d’augmenter la rémunération des salariés.
Seul l'IS est à retenir
Par cet arrêt, la doctrine de l’administration fiscale a été annulée au motif que l’impôt à retenir pour le calcul de la participation « ne peut s’entendre que de l’impôt sur les sociétés, au taux de droit commun, résultant des règles d’assiette et de liquidation qui régissent ordinairement l’imposition des bénéfices ». Le Conseil d’Etat en conclut que lorsqu’une entreprise bénéficie de crédits d’impôts imputables (notamment le CIR) sur le montant de cet impôt, il n’y a pas lieu, de tenir compte du montant de ces crédits d’impôt.
Le juge ne fait aucune distinction selon la nature du crédit d’impôt concerné. En l’état actuel de la réglementation, cette solution a ainsi vocation à s’appliquer à d’autres crédits d’impôt et non au seul CIR, en particulier au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou encore au crédit d’impôt mécénat.
S’agissant des conséquences de cette décision en matière sociale, cette décision est d’application immédiate, et a vocation à s’appliquer dès le calcul de la participation 2012 (en règle générale, le 1er mai pour les entreprises ayant clôturé leur exercice au 31/12/2012).
La doctrine administrative annulée étant réputée ne jamais avoir existé, il ne nous semble pas envisageable de continuer, même volontairement, à appliquer dans le futur la doctrine administrative invalidée, l’entreprise s’exposant alors potentiellement à un risque Urssaf.
Distribution d'un supplément
Pour les entreprises qui souhaiteront maintenir pour leurs salariés une participation plus élevée, tenant compte de la majoration qui résulte de la prise en compte du CIR (et autres crédits d’impôt), la distribution d’un « supplément » de participation 2012 est à envisager. Ses conditions et le formalisme associé (notamment : décision du Conseil d’administration / respect des plafonds légaux) doivent être respectés. Pour le futur -années 2013 et suivantes-, une autre approche pour, éventuellement, maintenir un niveau de participation majoré consiste à conclure un accord « dérogatoire » avec les partenaires sociaux.
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