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La loi « PETROPLUS » corrigée par son décret d’application


| 1146 mots

Dans un contexte de désindustrialisation et de faillites à répétition révélant certains comportements frauduleux de groupes étrangers, la loi sur les mesures conservatoires en matière de procédures collectives et aux biens qui en font l’objet a été promulguée le 12 mars 2012.

Loi PETROPLUS

Cette loi est connue sous le nom de « Loi PETROPLUS » pour être née du redressement judiciaire ouvert début 2012 sur la raffinerie normande du groupe suisse PETROPLUS désormais en liquidation judiciaire et dont le sort est encore incertain : vente ou fermeture définitive ?

Rapidement votée, la Loi PETROPLUS devait permettre de saisir et de vendre le stock de pétrole de 200 millions d’euros propriété d’une société suisse du groupe et d’utiliser le prix de vente pour payer les 550 salariés et des dépenses devant éviter un drame écologique.

  • Apport N°1 : Ordonner une mesure conservatoire sur un bien d’un dirigeant de droit ou de fait assigné en responsabilité dans le cadre d’un redressement judiciaire

Il s’agit d’étendre à la procédure de redressement judiciaire la possibilité déjà offerte par la Loi de Sauvegarde de 2005 au président du tribunal mais en liquidation judiciaire seulement d’ordonner toute mesure conservatoire utile (saisie) sur les biens des dirigeants de droit ou de fait assignés en responsabilité.

Pour cela, le législateur a créé un nouveau cas hybride de responsabilité des dirigeants qui a été critiqué pour ses manquements et imprécisions (texte non abouti).

  • Apport N°2 : Ordonner une mesure conservatoire sur un bien du défendeur à l’action en extension de procédure collective

Il s’agit d’étendre ce même dispositif (mesures conservatoires) en cas d’action en extension d’une procédure collective (déjà ouverte sur une société) sur les biens d’une autre société poursuivie (souvent du même groupe).

  • Apport N°3 : Vendre les biens saisis et dépenser les prix de vente - volet le plus contestable de la Loi PETROPLUS

Sans attendre le résultat de l’action en responsabilité ou en extension de procédure et sans permettre au propriétaire du bien saisi de s’exprimer, le juge peut autoriser la vente des biens saisis et l’affectation des sommes provenant de la vente de ces biens saisis à des dépenses sociales et environnementales au contour assez flou.

En raison de sa sévérité (atteinte aux droits de la propriété et de la défense) et de son côté inachevé (cas hybride de responsabilité des dirigeants), la Loi PETROPLUS a soulevé de nombreuses critiques et restera dans les annales comme un cas d’école de loi de circonstance signe d’insécurité juridique.

Trois cas de figure

Depuis le 12 mars, il est possible d’ordonner ces mesures conservatoires sur les biens des personnes ou sociétés poursuivies dans les trois cas de figure suivants :

1- En sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire dans le cadre d’une action en extension de procédure. Les mesures conservatoires visent les biens de la société poursuivie dont on cherche à étendre la procédure collective déjà ouverte sur une autre société.

2- En redressement judiciaire dans le cadre du nouveau cas hybride de responsabilité des dirigeants qui ont commis une faute ayant contribué à la cessation des paiements de la société en redressement judiciaire. Les mesures conservatoires visent les biens des dirigeants poursuivis.

3 -En liquidation judiciaire dans le cadre du cas classique de responsabilité financière des dirigeants qui ont commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société en liquidation judiciaire. Les mesures conservatoires visent les biens des dirigeants poursuivis.

Le but de ces mesures conservatoires est d’éviter que les personnes poursuivies protègent leur patrimoine avant toute décision.

Le décret du 27 octobre 2012

Bien que d’application immédiate aux procédures en cours depuis mars 2012, un décret d’application de la Loi PETROPLUS a été publié le 27 octobre. Il corrige certains abus et imprécisions de la Loi PETROPLUS.

Les principaux apports de ce décret sont les suivants :

Dans les trois cas de figure :

- Il précise la procédure applicable à ces mesures conservatoires

- Il liste les personnes qui peuvent mettre en œuvre ces mesures conservatoires

- Il définit les modalités de calcul des sommes pour la garantie desquelles ces mesures conservatoires peuvent être ordonnées

- Concernant les mesures les plus critiquées que sont la vente d’un bien saisi et l’affectation du prix de vente à certaines dépenses :

  • Il protège le droit de la propriété en supprimant le caractère automatique de l’exécution provisoire de ces deux mesures
  • Il renforce les droits de la défense en permettant au propriétaire du bien saisi d’être entendu
  • Il renforce le contrôle des décisions du juge commissaire (examen de la demande par le ministère public).

En cas d’extension, il impose une information en amont des instances représentatives des salariés dès qu’une mesure conservatoire est ordonnée. Ce sont surtout les aspects procéduraux des mesures conservatoires et la protection du droit de la défense et du droit de la propriété qui ont donc été traités.

Les lacunes :

Il reste encore de nombreuses lacunes non corrigées par le décret :

- Les modalités d’informations des instances représentatives des salariés ne sont pas uniformes dans les trois cas de figure (en amont ou en aval des mesures conservatoires)

- Les raisons justifiant la vente d’un bien saisi et l’affectation du prix de vente à certaines dépenses restent contestables, idem pour la nature de ces dépenses.

La principale carence reste l’imprécision du nouveau cas de responsabilité hybride des dirigeants en cas de redressement judiciaire maladroitement créé par Loi PETROPLUS. Pourtant, il peut être très sévère dans son application : Il suffit d’une faute ayant contribué à la cessation des paiements beaucoup plus facile à prouver qu’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, le montant de la condamnation (dommages et intérêts) n’est pas limité et les dirigeants poursuivis peuvent être condamnés même si un plan de redressement est arrêté au niveau de l’entreprise en redressement judiciaire.

Autre réforme en vue?

La Loi PETROPLUS mérite donc une nouvelle correction. En attendant, il semble que le gouvernement travaille sur une autre réforme interdisant les fermetures de sites industriels lorsque des repreneurs existent.

Lire aussi par les mêmes auteurs :

La Loi PETROPLUS sur les faillites : vers la saisie des biens des dirigeants fautifs (22/3/2012)

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