Les géants de l'internet et des télécom parient sur l'explosion du commerce sur mobiles et tablettes pour capturer une partie des flux monétaires. Tendances et revue des deals compilés par CFnews.
Le e-commerce, celui des sites marchands, animé par les commerçants qui proposent leur marchandise sur le web, fait maintenant partie de notre vie quotidienne : Amazon, Ebay, Rue du Commerce... Mais avec la diffusion de plus en plus large des smartphones et des tablettes et l'évolution des modes de vie, se dessine un nouveau paysage, animé par des acteurs jusqu'ici passifs : les géants de l'informatique et des télécom.
On a vu dans une précédente chronique (voir ici ) comment les géants du web, au travers d'une colossale guerre des brevets, tentent de consolider le tryptique gagnant (internet + terminal nomade + système d'exploitation pour mobile). La débauche de moyens n'est pas innocente : les mobiles permettant d'accéder à Internet ont dépassé les 50% du parc, plus des deux tiers des usages (réseaux sociaux, email, presse et information...) se font déjà depuis une tablette ou un smartphone, et le e-commerce suit très vite : 30 millions de clients français devraient générer 35 Md€ de chiffre d'affaires sur le net fin 2011 selon la Fevad, et parmi eux 3,9 millions ont déjà acheté depuis leur mobile au premier semestre 2011. Aux USA, le commerce sur mobile a représenté 1,2 Md€ en 2009, 2,4 Md$ en 2010 et devrait atteindre 25 Md$ dans 5 ans (selon Coda Research). En compilant d'autres prévisions à 5 ans, la fourchette se situe entre 25 et 50 Md$ pour le seul marché américain du e-commerce sur mobile soit un CAGR en valeur de ... 26 à 34% !
On objectera bien sûr que ce n'est pas encore tout à fait au point, que c'est fastidieux sur un petit écran (quoique pas si petit que cela sur un tablette). Mais trois facteurs-clé arrivent à grand pas :
- L'inclusion de puces de paiement NFC - pour un vrai porte-monnaie électronique "pervasif"
- Le HTML 5 - pour sortir du dilemne "appli ou site mobile"
- Des biens, des services, et des fonctionnalités mobiles qui s'y prêtent.
Des sous pour le NFC
Advent reprend la division cartes à puces à Oberthur en août dernier (lire l'article) pour 1,15 Md€, Inside Secure (anciennement Inside Contactless) s'introduit en Bourse (lire l'article du 15/05/11) et triple de taille en rachetant Atmel (lire l'article du 01/10/11) pour 23,4 M€ en levant 50 M€, MobileTag lève 6,6 M€ auprès d'un scandinave (lire l'article du 15/02/11), AirTag lève 4 M€ auprès de CM-CIC et Seventure (lire l'article du 11/02/11), et encore Twilinx, Sagem Mobiles... Les grandes manoeuvres ont commencé afin que les mobiles et tablettes exaucent enfin le vieux rêve des consultants en stratégie : devenir "une carte de crédit avec une antenne". Enfin, si toutefois le cartel français des banques chef de file ne torpille pas l'initiative, qui de toute façon ne va pas tarder à envahir le reste du monde :Android supportera dans ses prochaines versions le NFC, avec déjà, pour le marché américain, le support de Citi, MasterCard, First Data and Sprint... de quoi réjouir Samsung, HTC, et Motorola (maintenant dans le giron de Google, qu'on ne s'y trompe pas). Tout cela paraît fort clair et les suiveurs ne tarderont pas non plus (Microsoft, Nokia, Palm, RIM, ...). Et Steve Jobs avait très certainement inclus le NFC dans le "roadmap" laissé à Tim Cook...
HTML5 : Ni app, ni site mobile ?
7,9 milliards de téléchargements d'applications mobiles ("apps") en 2010, dont 5,4 pour le seul AppleStore. Mais avons nous vraiment envie d'une application par e-marchand? Je veux des news : j'ai déjà celle du Figaro, de la Tribune, du Monde, celle du New York Times, de mes autres média préférés, plus celles des réseaux sociaux, et celles des agrégateurs de news... Pour s'informer, difficile de surfer librement sur le net comme depuis son ordinateur (ce que fait 60% de la population, d'après l'observatoire Orange-TerraFemina). Trop, c'est trop, et pour le e-commerce c'est la même chose : pour acheter librement, il faut pouvoir surfer librement.L'"App", c'est une stratégie déjà d'arrière garde : l'e-marchand verrouille soigneusement l'accès à Internet depuis mon application pour sécuriser le paiement à partir d'un compte existant - voir, pire, prépayé, et pour empêcher toute velléité de s'informer ailleurs ou de comparer. Le vénérable Financial Times ne s'y est pas trompé en expliquant sur sa home page "we have launched a new, faster, more complete app for the iPad and iPhone which is available via your browser rather than from an app store". Allez voir http://app.ft.com depuis votre terminal mobile : HTML5, c'est ca, tout bêtement : ni app ni site mobile, c'est un site tout-terrain-tous-terminaux et au fond, ca va simplifier grandement la vie des développeurs web. Côté boutiques e-commerce aussi ca bouge beaucoup : les gros e-marchands utilisaient massivement la solution de gestion intégrée Magento (racheté cet été par e-Bay) mais aussi PrestaShop qui s'internationalise avec Serena Capital (lire l'article du 13/09/11). Le signe qu'un véritable écosystème global est en train de se mettre en place, confirmé par le lancement par eBay de X-commerce, une plate-forme de solutions e-commerce multi-marchands-multi réseaux sociaux qui intègre les "briques" acquises ces derniers temps par le géant des enchères en ligne : Magento mais aussi GSI et Zong pour sa solution de paiements sur mobiles...
Où es-tu, que fais-tu ?
Bien sûr, en relisant les chiffres cités ci-dessus, le panier moyen des acheteurs est très en dessous de la moyenne générale : on n'achète pas encore un canapé depuis un iPhone. En revanche pour des biens et services à faible valeur unitaire ca arrive vite : pour la presse, la combinaison site HTML5 + NFC pourrait s'avérer gagnante, en affranchissant les lecteurs et les éditeurs de l'univers fermé des apps, et des politiques de rémunération des app-stores... Pour les voyages aussi : les compagnies aériennes proposent déjà le check-in en ligne : vendre et payer un repas, un siège premium, ou un taxi à l'arrivée directement à l'aéroport et depuis le mobile devient parfaitement envisageable. De même pour les trajets à l'unité en transports en commun : ca serait même très pratique de payer le ticket de vaporetto sans même sortir mon mobile de ma poche la prochaine fois que j'emmène Madame à Venise... Et pensez aux possibilités (bonnes ou mauvaises) de la géolocalisation : pendant que vous faites la queue pour voir une exposition, le catalogue est à portée de clic, les coupons à la parfumerie, des e-books lorsqu'on passe devant la Fnac... On n'a pas fini d'en parler et de le vivre au quotidien, car cette révolution est en marche et, comme probablement jamais aussi vite, va gagner toute la planète.
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