Facebook remplacera-t-il la messagerie d'entreprise? Il y a quelques mois, Thierry Breton annonçait vouloir remplacer les boîtes email de l'ensemble des collaborateurs d'Atos par des outils "collaboratifs" dans les 3 ans.
Une position radicale voire déroutante, pourtant récemment concrétisée par l'acquisition en direct de Bluekiwi (lire l'article), une start-up française valorisée quatre fois son chiffre d'affaires et qui édite des logiciels de réseaux sociaux et de collaboration en ligne pour les entreprises.
Thierry Breton l'a bien compris, les volumes d'email sont devenus trop importants dans les entreprises :
- Un collaborateur passe plus de deux heures par jour à traiter sa boîte email, or (diverses études le montrent) seuls 20% des emails le concernent directement ;
- Les données correspondantes représentent des volumes exponentiels, qui ont depuis longtemps dépassé le volume des données "métier" : celles nécessaires ou générées par les systèmes de production ;
- Les données sont dispersées de façon inefficace, inadaptée par exemple à la révision collective d'un document, ou à l'enrichissement d'une documentation ;
- C'est coûteux : une infrastructure email hébergée par l'entreprise coûte cher en investissement et en maintenance, et est un facteur de vulnérablité, une panne de deux heures pouvant paralyser une bonne partie de l'activité ;
- Et le fossé culturel se creuse avec les jeunes générations qui s'en détournent au profit des réseaux sociaux : pour la première fois l'an dernier, le trafic email a décru aux Etats-Unis ...
Alors Atos a-t-il trouvé la bonne réponse ?
Sur le principe, sans doute. Dans la pratique, revisitons point par point :
- Le fonctionnement dans l'entreprise (si elle est grande) repose aussi sur des réseaux. Et partager un sujet avec son réseau et seulement lui augmente mécaniquement la pertinence des échanges ;
- Les documents et échanges sont centralisés, chacun apportant sa contribution à un même fichier ou à un "fil" unique : donc moins de duplication de données, et un "knowledge management" grandement facilité ;
- L'infrastructure intranet peut facilement héberger des outils collaboratifs (wikis, réseaux sociaux d'entreprise) - et se prête également bien à une migration dans le "cloud" ;
- Les jeunes adoptent plus spontanément un fonctionnement collaboratif car ils en sont culturellement très proches.
Sur le plan rationnel, la tendance est donc là, mais :
- Les habitudes auront la vie dure : les générations plus anciennes de collaborateurs devront se former et s'adapter …
- ... Surtout les correspondants externes, à qui il est diffcile d'imposer le virage et qui continueront certainement à correspondre par email : comment intégrer efficacement à une plateforme collaborative interne ces échanges avec l'extérieur par nature très divers, avec leurs pièces jointes et en langage naturel, alors que les outils de traitement automatique de mail étant encore trop spécialisés (suivi de commande, service client, tickets de support…) ?
- Les collaborateurs en déplacement devront avoir accès à un internet mobile à haut débit, contrairement à une simple messagerie sur mobile qui marche même sous GSM-2G.
L'offre "cloud" est encore embryonnaire : Google-Apps propose déjà des services de messagerie et des outils collaboratifs aux entreprises (PriceMinister et bien d'autres l'ont généralisé en variabilisant au passage les coûts associés).
Mais pour passer à l'étape d'après, quels outils collaboratifs choisir ?
- Facebook et Google+ (voir une précédente chronique) ont devant eux un énorme marché pour la version "corporate" en marque blanche de leur plateforme !
Pour nos entreprises nationales, une suspicion de souveraineté plane sur l'offre "cloud" qui est toujours très majoritairement américaine (outre les deux précités, Microsoft, Oracle, IBM ...). Or on aura suivi les récentes vissicitudes de la mise en place d'un cloud souverain français… qui lui aussi a sans doute un boulevard devant lui.
Ne manquera plus alors qu'à ce cloud national qu'une véritable suite logicielle collaborative éditée par une société informatique française… alors M. Breton, pourquoi pas Atos ?
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