Alors qu'elles représentent 51,6 % de la population française selon l'Insee, les femmes occupent seulement 12 % des postes de direction dans les PME et ETI françaises, d'après Bpifrance. Une sous-représentation qui se manifeste dans les opérations de private equity, puisque sur les 1 379 deals de LBO, capital-développement et capital-innovation recensés en 2023 par les bases de données CFNEWS, 222 étaient réalisés par des sociétés fondées ou dirigées par des femmes, soit 16 % (contre 14 % en 2022). Sur le segment du Buyout, cette proportion atteint 13 % (pour 57 opérations sur 411 au total) avec en tête de liste des plus gros deals de l'année, le cinquième LBO de Sogelink, éditeur de logiciels dédiés au BTP emmené par Fatima Berral valorisé plus d'1 Md€ par CVC. Autre opération d'envergure sur une entreprise co-dirigée par une femme, le LBO quaternaire d'ECF, porté par Corinne Leduc à la direction générale. Pêle-mêle, notons aussi les LBO d'Ateliers de France (dirigé notamment par Dominique Niel), mais aussi ceux de Kujten (marque créée par Carole Benaroya et Stéphanie Eriksson) ou de Prevost Laboratory Concept (fondé par Véronique Prevost).
Une proportion de 13,6 % en capdev
Le segment du capital-développement est très légèrement moins exposé à ce mal de financement. En effet, sur les 250 opérations recensées en 2023 par les bases de données CFNEWS, 34 portaient sur des entreprises pilotées par une femme (soit 13,6 %). La plus grosse opération est certainement l'augmentation de capital réalisée sur le distributeur lyonnais de solutions logicielle et matérielle d'autoconsommation énergétique Mylight150 qui, co-fondée par Ondine Suavet, a collecté pas moins de 100 M€ auprès notamment d'Eiffel IG, Andera et Elevation CP. Si les entreprises du domaine des logiciels sont bien représentées dans les principaux tours de capdev réalisées par des femmes, quelques PME et ETI d'autres secteurs sont également représentées, notamment dans les biens de consommation avec les thés Damman Frères - société présidée par Erika Le Noan et soutenue par plusieurs fonds du Crédit Argicole - ou l'affichage publicitaire avec Clear Channel France - porté par Boutaina Araki et dont le spin-off a été financé par Equinox industries.
Des entreprises plus rentables
En matière de capital-innovation, la prise de risque des femmes entrepreneures - pourtant souvent plus risk adverse que les hommes - semble également peu récompensée... mais étonnamment dans une moindre mesure que sur les autres segments. Près de 19 % des 718 start-up financées en 2023 sont en effet dirigées ou fondées par une femme alors qu'elles pesaient 15,5 % en 2022 dans le total des jeunes pousses financées. Cette augmentation n'a finalement rien de l'anomalie, quand on sait que les entreprises dirigées par des femmes et/ou respectant la parité ont tendance à être plus rentables, à en croire une étude BlackRock. Or, en 2023, les start-up ayant vocation à atteindre rapidement l'équilibre ont davantage séduit les VC que les sociétés à forte teneur en marketing et propices au cash burn excessif (lire l'enquête Les acteurs de la Tech retrouvent la raison, parue dans CFNEWS Magazine). Pas de licorne parmi les sociétés gérées par des femmes et financées en 2023 (seules trois start-up de cette nature ayant été référencées sur l'année), mais quelques très beaux dossiers dont Pigment, éditeur d'une plateforme Saas de planification d'entreprise co-fondée par Éléonore Crespo ayant levé 82 M€ lors d'une Série C menée par Iconiq Gowth. Respectivement (co-)fondées par Maud Caillaux et Pascale Senellart-Mardon, la néobanque verte Green Got et le concepteur d'ordinateurs quantiques Quandela ont, eux aussi, levé des capitaux.
L'impact des quotas
Pour pallier ces difficultés d'accès au financement, certains collectifs émergent. En tête desquels SISTA, qui a accompagné 93 entrepreneures depuis son lancement en 2019 dans leur projet de levée de fonds, ou encore WILLA, un homologue également concentré sur le segment de la Tech. La charte TechYourPlace a également été lancée en 2022 sous l'impulsion de l'association MozaïkRH et signée par de nombreux VC (dont Alter Equity, Daphni, Educapital, Eurazeo, Partech...) pour promouvoir la diversité des profils dans leurs participations. De manière plus générale, d'aucuns plaident pour l'instauration d'obligations quantitatives. « Pour accélérer le mouvement de féminisation des équipes dirigeantes dans l’industrie, il faudrait élargir le vivier en intégrant des quotas dans les écoles d'ingénieur », est ainsi convaincue Fanny Picard, associée-fondatrice d'Alter Equity. Une démarche qui a d'ailleurs été adoptée avec la loi Copé-Zimmermann, qui a permis de doubler la part des femmes dans les conseils d'administration des entreprises du SBF 120, pour la porter à plus de 40% aujourd'hui. A charge, également, aux profils plus senior de donner l'exemple en acceptant le statut de rôle modèle. « Cela n’a pas été évident pour moi de me considérer comme tel », commente l'associée, déplorant par ailleurs le manque d'appétence des femmes pour les matières scientifiques et « certains biais » qui les conduisent « à se limiter dans leur projection vers le management et la création d'entreprise ».
Augmenter la part des femmes dans les fonds
A contre-courant du marché, Alter Equity se targue d'avoir, parmi ses 28 start-up financées, une proportion de 54 % des dirigeants issus de la diversité. 46% des jeunes pousses dans lesquelles ont investi ses fonds comptaient au moins une femme dans l’équipe de direction. Il faut dire que la société de gestion à impact est elle-même fortement dotée en femmes, la gent féminine représentant une part de... 73 % de ses effectifs. Pour rappel, sur les 206 mouvements enregistrés chez les fonds en 2023 dans le dernier bilan CFNEWS, 93 étaient des femmes, un proportion de près de 50 %, donc, à un moment où la compétition fait rage au sein des GP pour diversifier des équipes encore largement masculines. Parmi les principales nominations qui ont animé le marché l'an passé, figurent notamment celles de Caroline Folleas, associée de Mérieux EP partie rejoindre Cathay, ou encore le départ de Mélodie de Pimodan d'Otium pour co-fonder le fonds de décarbonation Leto Partners.
Des initiatives dans la finance
D'autres initiatives, comme la Charte pour la parité lancée en 2020 par France Invest, comptent bien faire bouger les lignes. Certaines se veulent même transverses à toute l'industrie de la finance, parmi lesquelles Women in finance, née au Royaume-Uni il y a quelques années et arrivé en France il y a 18 mois. Pilotée par Fabienne Konik, Anne-Sophie Cambay, Vladia Ballesteros et Isabelle Ruhin, elle propose des programmes annuels (qui admettent aussi les hommes !) afin de créer un réseau de pairs en les accompagnant sur du networking, du leadership et par du mentoring. Parmi les premières institutions signataires de cette initiative qui veut surtout accompagner les profils matures (35 à 50 ans), figurent HSBC CIB, Morgan Stanley CIB, Partech ou le CFA Institute. « De nombreuses initiatives dédiées aux femmes de profils juniors existent, mais aucune solution "sur-mesure” et totalement dédiée n'avait été pensée pour les femmes aux postes de leadership en finance plus senior, même au sein des structures dans lesquelles elles évoluent », décrit Anne-Sophie Cambay. Dotée d'une soixantaine de membres à date, l'association se donne désormais pour mission de mesurer les critères qui constituent des leviers d'accélération de la diversité dans les entreprises. Un enjeu clé, pour aider les institutions à se saisir pleinement de ce sujet...