« Après avoir longtemps affiché un optimisme outrancier, les GPs manifestent aujourd'hui plus de lucidité et d'honnêteté face aux enjeux que traverse l'industrie ». L'analyse d'un gérant de fonds de fonds présent à l'IPEM résume plutôt bien l'effervescence studieuse du salon phare du private equity, qui s'est tenu du 9 au 11 septembre au Palais des Congrès à Paris. Il faut dire que les fonds ne peuvent plus cacher l'écart entre leurs objectifs de levée et la cible effectivement atteinte par leurs véhicules. Plusieurs d'entre eux ont récemment revu leurs ambitions à la baisse - comme Astorg qui a passé le hard cap de son dernier fonds de 6 Md€ à 4,5 Md€. L'étude menée par le conseil AlixPartners en partenariat avec l'IPEM témoigne, en outre, d'un allongement des durées de levée. Ainsi quelque 31 % des 1 064 GPs sondés sont encore en phase de fundraising alors qu'ils ont réalisé un premier closing il y a 12 à 18 mois (vs 19 % lors de l'édition précédente). De quoi laisser présager un nombre important d'extensions des périodes de souscription, celles-ci étant généralement fixées à 18 mois après le premier closing. « Nous sommes en levée depuis mi-2022 et il nous reste à trouver 15 M€ pour atteindre notre objectif de 80 M€. Le chemin nous semble encore très long », témoigne un VC à impact qui ouvre pour la première fois sa stratégie aux institutionnels externes à sa maison-mère.
Un dialogue LPs / GPs réactivé
Le pari de réunir une clientèle internationale semble en tout cas tenu par l'IPEM, puisque 60 % des 5 500 participants recensés provenaient de l'étranger. Quelque 1 200 LPs ont fait acte de présence, soit 15 % de plus que la précédente édition, faisant la joie des RI rencontrés dans les allées du salon. « Le niveau de fréquentation est stable par rapport à la précédente édition, mais le nombre de LPs et de GPs a augmenté pour représenter 70 % de l'affluence. A cet égard, le salon est une vraie réussite puisque nous avions la volonté d'en faire un événement de fundraising très efficace », nous livre Antoine Colson, CEO de l'IPEM (retrouvez également son interview vidéo ci-dessous). Avec quelque 110 Md€ d'argent frais à engager sur les 12 prochains mois (vs 140 Md€ il y a un an), selon la data collectée par AlixPartners en amont de l'évènement, ces investisseurs convoités semblent bien décidés à déployer des tickets plus petits par véhicule. Ils sont en effet 68,9 % à vouloir allouer des tickets unitaires inférieurs à 100 M€, selon l'étude IPEM/AlixPartners contre 62,5% lors du précédent sondage. Si le private equity reste le segment du non-coté dans lequel les investisseurs entendent allouer le plus d'argent, ce segment recoupe en son sein des réalités différentes.
Faire confiance aux relations existantes
Et pour cause, les LPs entendent diminuer leur allocation au secondaire (1,8 point de moins vs 2023) et augmenter la part engagée dans des fonds de restructuring (segment qui gagne deux points sur un an). Le re-up est également de retour, en particulier sur le private equity, avec 3,3 points de plus que l'an passé pour atteindre 47,6% des intentions d'allocation dirigées vers des gérants déjà en portefeuille. A l'inverse, on observe une diversification des relations dans les actifs réels et la dette privée... mais surtout dans le segment du VC, où 50,1% des LPs envisagent de faire de la place à de nouveaux gérants, soit 5,8 points de plus qu'il y a un an (et même une augmentation de 9,5 points sur le segment de l'early stage). Peut-être le signe que les relations déjà existantes n'ont pas délivré leurs promesses ? Peu de stands de VC étaient en tout cas présents sur le salon.
Place à l'opérationnel...
Côté GPs, le moment est venu de passer à l'action après l'immobilisme général de 2023. Les sociétés de gestion repensent leur business model en passant la seconde sur le plan de la création de valeur, et mettent principalement en avant leur capacité à adresser ce sujet lorsqu'ils commercialisent leurs fonds auprès des LPs, selon l'étude AlixPartners. « L’époque où les thèses reposaient principalement sur l’expansion des multiples est loin derrière les fonds. Dans un marché où la concurrence augmente, la capacité des GPs à créer de la valeur une fois les fonds levés est essentielle pour apporter de la crédibilité à long terme », livre Nicolas Beaugrand, partner et MD chez AlixPartners. Pour autant, cette compétence n'arrive qu'en troisième position chez les critères de beauté regardés par les LPs, plus soucieux de la constance des retours apportés par leurs GPs. Si ce critère est corrélé au premier, il témoigne, peut-être, de l'impatience des LPs face au manque de liquidités... comme s'est amusé à le rappeler la plateforme Moonfare sur une casquette flanquée de la formule « DPI > IRR » que seuls les plus chanceux du salon ont pu se procurer. Pour répondre à ce besoin de créer activement de la valeur, un acteur du lower mid cap nous confiait vouloir accélérer sa « plateformisation » avec des expertises spécifiquement dédiées à plusieurs métiers, et affichait sa volonté de « créer une équipe d'efficacité opérationnelle » dédiée aux managers de son portefeuille. Un projet partagé par un acteur du small cap du Grand Ouest, qui s'attache par ailleurs à doubler la taille de ses RI pour mieux répondre à la demande de ses LPs et améliorer la « qualité de service » apportée à ces derniers via la digitalisation des souscriptions.
...et à l'innovation
Pour trouver de nouveaux relais de croissance, les GPs se positionnent aussi sur de nouveaux segments. L'IPEM a notamment accueilli de nouveaux acteurs de l'investissement passif dans les marchés privés, comme le jeune américain Newvest, qui profitait de l'événement pour promouvoir son nouveau fonds de fonds infra (qui vise à répliquer la performance du marché en investissant dans les 28 fonds représentatifs du benchmark de ce segment, lequel surperformerait la plupart des allocations des LPs qui s'adonnent à du stock picking). Classe d'actifs bien appréciée par les LPs, l'infrastructure suscite aussi l'intérêt de GPs du monde du secondaire. « Il y a eu tellement d'investissements sur ce segment qu'il semble désormais nécessaire d'en assurer la liquidité », nous confiait la filiale d'un groupe bancaire bien décidée à se positionner sur ce créneau peu adressé. A en croire le sondage AlixPartners, il peut également être intéressant pour un GP de se positionner sur les fonds d'une taille de plus de 2 Md€, et à plus forte raison encore lorsqu'ils dépassent 10 Md€. De même, le secondaire reste sous-servi, alors même que les LPs manifestent moins d'intérêt que l'an dernier sur cette classe d'actifs. A l'inverse, le segment des fonds de taille inférieure à 500 M€ reste très compétitif, bien que la demande des LPs reste particulièrement élevée sur ce segment.
Création de l'IPEM Wealth
Quelle que soit leur taille et comme c'est la tendance depuis plusieurs éditions déjà, de plus en plus de GPs étaient présents avec leur RI dédié au segment de la clientèle privée. Notons par exemple la présence d'Eliesse Boudokhane, fraîchement arrivé au sein du fonds small cap Ciclad, mais aussi celle de Joséphine Loréal, désormais bien installée chez Astorg. Pour la prochaine édition, prévue à Cannes entre le 28 et le 30 janvier 2025, Antoine Colson prévoit déjà de lancer une nouvelle formule baptisée IPEM Wealth, dont les contours restent encore à définir mais qui sera incubé lors de l'événement cannois. Avant cela, il faudra également compter sur une édition de l'IPEM en Chine au mois de novembre, avant de s'envoler pour Chicago en 2025. D'ici là, la plupart des acteurs espèrent voir le marché transactionnel repartir, notamment avec le coup de pouce apporté par l'atterrissage des taux et la dry powder à déployer... et à laquelle devrait se mêler les capitaux en cours de levée par de nouveaux acteurs comme Ardabelle Capital ou Agila Growth, créés respectivement par Virginie Morgon et Laurent Foata, tous deux présents à l'occasion du salon du fundraising.