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Transactions et décarbonation : entre complexité, urgence et opportunités

Dans la perspective d’une transaction, la décarbonation devient centrale. Avant tout investissement, il s’agit d’estimer les capex liés à la décarbonation ainsi que les éventuelles opportunités qui en découlent.

| 1243 mots
Nicolas Cottis, KPMG Transaction Services et Bertrand Grau, KPMG Global Strategy Group

Nicolas Cottis, KPMG Transaction Services et Bertrand Grau, KPMG Global Strategy Group

L’année 2016 a vu naître l’Accord de Paris lors de la Cop21, signé par 1961 pays ou régions du monde. Conséquence ? Même si la Cop 21 n’en est pas l’unique raison, le processus de décarbonation, en particulier dans l’industrie, se généralise. Bien plus, dans la perspective d’une transaction – Fusion-acquisition, LBOs…-, la décarbonation devient centrale.  Avant tout investissement, il s’agit d’estimer les capex liés à la décarbonation ainsi que les éventuelles opportunités qui en découlent. Or, les investisseurs ne possèdent pas toujours les outils ni les clefs de compréhension pour appréhender cet enjeu de taille.

Un faisceau de facteurs accélère la décarbonation des entreprises 

Régulièrement, de nouvelles réglementations voient le jour : le Green Deal de l’Union européenne2, signé en 2019, la réglementation sur la « Finance verte » (SFDR), le règlement européen sur la taxonomie environnementale établi en 2020, ou encore le décret d’application de l’article 29 de la loi française énergie-climat, publié en mai 2021. A cela s’ajoute la structuration d’une réflexion scientifique autour de l’enjeu de la décarbonation. Avec force études, calculs et schémas de réduction, la communauté scientifique le prouve : il existe un lien direct entre l’activité des entreprises et l’augmentation des températures. Et le 6e rapport du GIEC ne laisse aucune place à l’ambiguïté : à l’échelle mondiale, les émissions de gaz à effet de serre (GES) doivent avoir atteint leur pic, au plus tard, d’ici 2025, pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5° Celsius.3 Dès lors, les investisseurs eux-mêmes se montrent de plus en plus sensibles à la question du climat et de la décarbonation : à titre d’exemple, le fonds BlackRock a annoncé, avoir voté contre la reconduction de plus de 60 dirigeants dans plus de 50 sociétés en 2020 en raison d’absence de progrès sur la cause climatique. 4Autre source de motivation et non des moindres : la pression citoyenne, avec des mouvements comme « Fridays for Future », ou l’action en justice engagée contre Shell par les Amis de la Terre aux Pays-Bas. Une action qui a conduit à la condamnation de la compagnie et à des sanctions engageant la responsabilité personnelle des dirigeants.5
Les gouvernements de pays, jusqu’ici plus discrets sur la question, manifestent, eux aussi, de plus en plus un engagement certain envers le climat : l’Australie n’a-t-elle pas annoncé, le 16 juin, un objectif de réduction de ses GES de 43%, d’ici 2030, contre les 30% visés par son gouvernement précédent ? Parallèlement, 2600 entreprises se sont engagées à suivre la Science Based Target Initiative (SBTI) et à lancer des projets d’envergure en faveur du climat. Et plus de 300 compagnies ont signé le RE100 pour devenir 100% renouvelables. Ce sont là autant de facteurs complémentaires qui doivent inciter les fonds d’investissements et les entreprises, à considérer la décarbonation comme un enjeu stratégique, teinté d’urgence.

La décarbonation, c’est urgent, mais c’est complexe !

Pour un fonds en Private Equity, pendant les Due Diligences, estimer les Capex dus à la décarbonation, est important pour concevoir sa stratégie d’investissement. Or les initiatives ne sont pas forcément identifiées à ce jour et les coûts associés sont, de ce fait, difficiles à évaluer. Une première raison à cela : du reporting à l’action, les réglementations sont plurielles et leur décryptage complexe. Directives CSRD, EPBD ; catégories Scope 1, scope 2, scope 3 ; objectif net 0vs neutralité carbone…Comment s’y retrouver, lorsque l’on n’est pas expert de l’ESG ?
Autre écueil de taille : les nouveaux matériaux et technologies mis en œuvre dans une démarche de réduction des GES sont encore granulaires et peu éprouvés. À titre d’exemples, sont toujours en phase de test les procédés de « Carbon capture, and Storage » (CCS) ou les matériaux à base d’algues qui viendraient à remplacer le plastique. Enfin, constat indéniable : on manque de recul source process relativement récent de décarbonation ; l’investisseur, rarement expert des enjeux ESG, se projette sur des terres quasi inconnues. Quelle stratégie adopter ? Sur quel cadre s’appuyer ? Quels subventions et financements sont possibles ? Quels risques sont à éviter ? Par ailleurs, tous les projets de décarbonation se mesurent en valeur absolue par rapport à une année de référence. Une entreprise en croissance aura donc d’autant plus de difficultés à se lancer dans une démarche de réduction que son activité croît fortement.
Pourtant, il s’agit d’anticiper…

Pour les fonds d’investissement, certains points de vigilance s’imposent

Tout d’abord, d’une entreprise à l’autre, l’enjeu de décarbonation et les actions correspondantes, ne sont jamais les mêmes. Deux acteurs d’un même secteur, qui fabriquent le même produit, peuvent avoir une empreinte carbone différente. Plusieurs raisons à cela : entre autres, la différence d’outil de production ; l’implantation des fournisseurs de la matière première ; les sources d’énergie utilisées, ou encore la destination des exportations. Les initiatives à mettre en place pour réduire les GES seront donc différentes, ainsi que les coûts associés. Par ailleurs, pour certaines TPE-PME, la décarbonation peut impliquer une véritable transformation du Business model. Pour le fonds, dans la perspective de la revente à 5 ou 7 ans, de réelles questions d’arbitrage se posent alors : faut-il adapter la chaîne logistique ? Reconsidérer les produits ? Revoir les prix ? Changer d’outil de production ? De fournisseurs ? De modes de commercialisation ? Ou faut-il opter pour une autre entreprise ? 
Autre élément majeur : dès la transaction accomplie, un fonds doit lancer la stratégie de décarbonation même s’il prévoit de sortir du capital avant 2030, date fixée par les accords de Paris. Qui, en effet, rachèterait les participations dans une entreprise où aucun plan de réduction des GES n’a été anticipé ?  En somme, la décarbonation est aussi complexe que vitale. Parallèlement, les facteurs de motivation, voire parfois de pression, pour les entreprises comme pour les fonds d’investissement sont pluriels. Pour mener à bien cette démarche tournée vers l’avenir, ces organisations, d’un côté, peuvent s’appuyer sur des subventions de l’État et des possibilités de financement à taux plus faibles. De l’autre, et c’est là sans doute l’une des conditions pour réussir le processus, elles doivent bénéficier d’un accompagnement et d’un conseil adaptés. Car la décarbonation peut représenter également une authentique opportunité de transformer l’entreprise vers un modèle plus efficient. Bien avant le closing de la transaction, les organisations ont tout à gagner à se faire accompagner d’experts en ESG.

1 (Source : United Nation Climate Change)
2 Le Green Deal est un engament pris par les 27 États de l’UE pour faire face au réchauffement climatique.
3 https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/
4 Source BlackRock, https://www.blackrock.com/corporate/literature/publication/our-2020-sustainability-actions.pdf
5 Source : https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/victoire-historique-les-amis-de-la-terre-remportent-le-proces-climatique-contre-shell/
6Source Les Echos, 16 juin 2022

 

 

 

 

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