Isabelle Buffard-Bastide, Desfilis
Il peut être parfois plus risqué de continuer à soutenir financièrement une filiale en difficulté que de cesser de la soutenir.
Il n’est pas rare que la responsabilité d’une société mère soit recherchée lorsqu’elle décide de cesser d’aider une filiale en difficulté. Le droit français offre en effet de nombreux outils pour atteindre la société mère qui aurait abandonné sa filiale.
La procédure la plus répandue est l’action en comblement du passif qui permet de mettre à la charge de la société mère tout ou partie de l’insuffisance d’actifs de la filiale en liquidation judiciaire. Il suffit que la société mère soit un dirigeant de droit ou de fait et de relever une faute commise par la société mère ayant un lien de causalité avec l’insuffisance d’actifs de la filiale.
Plus généralement, toute personne qui aurait subi un préjudice du fait de la disparition de la filiale peut être fondée à agir à l’encontre de la société mère si celle-ci a commis une faute ayant contribué à la disparition de la filiale.
La jurisprudence est abondante, une faute simple peut être retenue, peu importe sa gravité et l’existence d’un élément intentionnel. Le simple fait d’avoir sacrifié l’intérêt de sa filiale à son propre intérêt suffit. Ainsi, le fait d’avoir procédé à des remontées de dividendes (en toute légalité) mais d’avoir ainsi privé sa filiale de financement et de fonds propres dont elle aurait eu besoin, peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la société mère.
Pour autant une société mère comme tout associé de société dont responsabilité est limitée au montant des apports, n’a aucune obligation d’apporter à sa filiale des fonds complémentaires, de sorte qu’aucune faute en tant que telle ne devrait pouvoir lui être reprochée si elle décide de cesser de soutenir sa filiale. Le devoir d’associé n’existe pas en droit français.
Au contraire, dans certaines situations, l’apport de nouveaux fonds par la société mère pourrait être critiquable en particulier :
- Si la société mère n’est pas en capacité financière d’aider sa filiale ou si une telle aide est de nature à la mettre elle-même en difficulté. Dans ces hypothèses, la société mère est certainement bien fondée à conserver ses réserves pour financer ses propres besoins. Les dirigeants de la société mère s’ils s’obstinaient à soutenir une filiale au détriment de leur société pourraient se voir reprocher de n’avoir pas été des dirigeants prudents et diligents. Rappelons que la notion de groupe est une notion plus économique que juridique et que des sociétés appartenant à un groupe restent indépendantes avec un patrimoine propre. L’intérêt social de chaque société doit prévaloir.
- Si la situation de la filiale est irrémédiablement compromise :
Il est généralement admis que cette situation, qui n’est pas définie par la loi, est constituée par l’impossibilité de poursuivre l’exploitation. C’est par exemple la société qui ne peut pas retrouver des conditions normales d’exploitation et donc de rentabilité. Ce n’est pas seulement un problème de solvabilité ou de cessation des paiements c’est avant tout un problème de pérennité. Si la filiale est dans une telle situation, la société mère pourrait voir sa responsabilité engagée pour l’avoir trop soutenue et avoir ainsi créé une apparence trompeuse vis-à-vis des tiers. Dans une telle hypothèse, la société mère pourrait être tenue responsable de l’aggravation du passif qui pourrait en résulter.
Il conviendrait donc de veiller, lorsque la société mère décide de doter sa filiale de nouveaux fonds, que ces derniers ne représentent pas une charge financière trop lourde eu égard aux prévisions d’activité et de résultats de la filiale.
Rappelons également que le fait d’avoir tardé à effectuer la déclaration de cessation des paiements est constitutif d’une faute de gestion dans le cadre d’une action en comblement du passif.
Il convient donc de ne pas trop soutenir et pendant trop longtemps sa filiale en difficulté. C’est donc un vrai dilemme pour les sociétés mères de filiales en difficulté. Cesser de soutenir ou trop soutenir, nonobstant l’option retenue, en cas de défaillance de la filiale, les décisions de la société mère seront examinées a postériori et sa responsabilité pourra être recherchée.
Une autre voie existe pourtant celle de la cession de la filiale en difficulté à un tiers à un prix « négatif », en particulier lorsque la société mère ne peut pas ou ne souhaite pas mener le redressement de sa filiale. Cette solution permet en effet de confier la responsabilité du redressement à un tiers. En cas d’échec, c’est en principe sur le repreneur que pèseront les risques liés à
la défaillance de la filiale. Cette solution doit cependant être minutieusement préparée et documentée sur le plan juridique.
Elle suppose également qu’elle soit réalisée suffisamment tôt. L’anticipation est toujours la clé du succès du redressement des entreprises en difficulté.