Les fonds LBO étrangers sont à nouveau mis à mal par le législateur français. En effet, un nouveau dispositif "anti-abus" limitant la déduction des charges d’intérêts par des investisseurs étrangers a été adopté en lecture définitive le 22 décembre 2011 par l’Assemblée nationale et s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012.
Ce dispositif interdit la déduction pendant neuf ans des charges d’intérêts d'emprunts afférents à l'acquisition de titres de participation lorsque :
- les titres acquis ne sont pas "effectivement gérés" (hypothèse de "contrôle fictif"), par la société française qui les détient ou par une société française appartenant au même groupe économique. La société française apparaissant comme un relais fiscal de la société étrangère.
- La société cible n’est dans les faits pas "contrôlée" par la société française qui les détient ou par une société française appartenant au même groupe économique.
La holding doit avoir une autonomie propre
Inspiré du dispositif de "l'amendement Charasse", il inverse au surplus la charge de la preuve. Celle-ci pèsera sur la holding d’acquisition, laquelle devra être en mesure de prouver par tous moyens :
- que les décisions relatives aux titres acquis sont effectivement prises par elle, ou une société française qui la contrôle ou une société sœur française, au sens de l'article L.233-3 du Code de commerce; et
- dans le cas où la société cessionnaire exercerait un contrôle ou une influence sur la société cible, que ce contrôle ou cette influence est effectivement exercé par elle, une société française qui la contrôle ou une société sœur française, au sens de l'article L.233-3 du Code de commerce.
A ce titre, preuve devra être faite que le holding d'acquisition ou une société du même groupe économique constitue un centre de décision disposant d'une autonomie propre, pour la gestion des titres de participation détenus dans la société cible.
Risque de délocalisation
Dans ce cadre, ce dispositif pourrait s’avérer relativement contraignant pour les investisseurs notamment étrangers principalement visés, qui souhaitent créer une holding de reprise et bénéficier du régime d’intégration fiscale pour l’acquisition d’une société cible située en France. L’impulsion des décisions et le contrôle étant généralement situés à l’étranger, la holding ne pourra que difficilement démontrer qu’ elle agit comme un centre de décision. Ces investisseurs étrangers, privés d'effet de levier fiscal en France, pourront être tentés par une localisation du véhicule d'acquisition dans d'autres pays ou dans leur propre pays selon le cas.
Aussi, afin de pouvoir déduire les charges d'intérêts, une certaine autonomie et pouvoir de gestion devront donc être laissés à la holding. A cet effet, la holding pourra démontrer son autonomie de gestion notamment et non seulement par la présence d’hommes clés décisionnaires de la société ou du groupe à l’initiative de l’acquisition mais également de managers de la société cible.
Des exceptions :
A noter que fort heureusement, ce dispositif ne s’applique pas lorsque :
- la valeur des titres de participation détenus est inférieure à un million d’euros ;
- la société détentrice apporte la preuve que les acquisitions de titres de participations n’ont pas été financées par des emprunts dont elle ou une autre société du groupe auquel elle appartient supporte les charges ;
- le ratio d’endettement du groupe auquel la société détentrice appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d’endettement, ce qui contribue à montrer que l’endettement de la société n’est pas artificiel et motivé par un but exclusivement fiscal. Cette exception est inspirée de celle existant en matière de sous-capitalisation.
Par ailleurs, le cas des restructurations (fusions, scissions, etc.) intervenant durant la période de réintégration a également été prévu en mettant la réintégration des charges d’intérêts non déductibles sur l’entité venant aux droits de l’entreprise ayant initialement acquis les titres.
Par ce dispositif rigoureux, le législateur semble faire droit à la position de l’administration fiscale qui a tenté à certaines occasions de faire échec aux opérations de LBO en les qualifiant d’abusives, et ce malgré la décision contraire du conseil d’Etat du 27 janvier 2011.
Sources :
Article 40 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 définitivement adopté le 22 décembre 2011.
Rapport de la commission des finances du Sénat.
Feuillet rapide, 45/11 p.7.
CE 27 janvier 2011 n° 320313, 9e et 10e s.-s., Bourdon : RJF 4/11 n°472.