Cyril Temin, Degroof Petercam Investment Banking
Ne plus voir la Bourse comme une porte de sortie mais comme un mode de financement complémentaire pour les PME est indispensable, souligne Cyril Temin, associé Euroland Finance.
Lors de la création d’Alternext, en mai 2005, les fonds de private equity avaient retrouvé le goût de la Bourse. Ils ont pu apprécier les possibilités que les marchés offraient en termes de valorisation, liquidité et opportunités d’investissements. Aujourd’hui, cette place compte 116 sociétés cotées, et selon les statistiques Nyse-Euronext, plus de la moitié de ces entreprises comptaient des fonds à leur capital lors de leur arrivée sur la cote. La Bourse, en général, et le marché Alternext, en particulier réservé aux PME, ont permis à de nombreux financiers de trouver une liquidité et de réaliser une plus-value sur leur investissement. La période euphorique des marchés, de 2005 à mi-2007, leur a permis de réaliser : - des IPO : leguide.com, Sporever, Xiring, Genfit… - des P.i.p.e. (investissements minoritaires par des fonds de private equity dans des entreprises cotées) : Seventure sur Xiring, Truffle Venture sur Goadv, Développement & Partenariat dans CRM Company Group, Odyssée Venture dans Maesa… - des retraits de cote : Montefiore Investment prend le contrôle d’Autoescape, Acto entre au capital de L’Inventoriste… - des prises de participation majoritaires : Serma Technologies sous LBO avec mbopartenaires, Homair Vacances contrôlée par Montefiore Investment… Depuis ces temps, qui paraissent déjà bien lointains, plus rien. La disette. Plus aucune introduction, aucun fonds d’investissement n’a tenté d’amener en Bourse une de ses participations et il n’y a plus eu d’opérations financières en capital structurantes. Et pour cause ! Le contexte exécrable, depuis la crise financière et la chute des liquidités allouées aux PME cotées, depuis juillet 2007, a réduit à néant toutes les ardeurs.
55 IPO signées outre-Atlantique
Et pourtant, les introductions ont repris en Asie, et spécifiquement en Chine, tout comme aux Etats-Unis, avec des opérations sursouscrites… En 2009, la Chine a même créé une place dédiée aux start-up et PME chinoises, le ChiNext ! Ce marché compte déjà 28 sociétés cotées, à ce jour. Outre-Atlantique, le marché des IPO a retrouvé des couleurs principalement grâce à des fonds d’investissement, comme TPG avec la firme australienne Myer, et Sequoia avec A123 Battery, ou encore les start-up de la Silicon Valley ; déjà 27 entrées en Bourse ont été réalisées en 2009 sur le Nasdaq OMX, et 82 dossiers sont en cours selon Bob Greifeld, président du Nasdaq OMX. On atteint le chiffre de 55 en comptabilisant les introductions réalisées sur Nyse-Euronext New York, et les montants levés lors de ces introductions en Bourse dépasse les 20 Md$. En période de crise, ce n’est pas si mal ! Dans le même temps, la France tente un timide retour dans la course, avec le spin-off de la CFAO par PPR, ou le projet concernant Medica, pour 2010. Sur les small caps, rien encore. Des projets et encore des projets… Les mentalités entre les fonds d’investissement français et internationaux sont radicalement différentes. Ici, nous préférons attendre que cinq ou six introductions réussissent avant de se décider, pour ensuite voir la file d’attente s’allonger au guichet de Nyse-Euronext et souvent arriver trop tard !
Des sociétés rentables pour Alternext
Et pourtant, de nombreux fonds d’investissement recapitalisent depuis des mois leurs participations, pour faire face à la crise et aux difficultés ou, au contraire, pour financer des acquisitions et des opportunités de croissance. Dans ce dernier cas, pourquoi ne pas envisager une introduction en Bourse concomitante à ces opérations de financement ? Car une nouvelle manière de penser une telle opération se fait jour. Les temps changent, les mentalités évoluent, les marchés se modernisent, et de nouvelles opportunités se présentent. Il est possible d’introduire sur Alternext des entreprises rentables sur leur dernier exercice et réalisant un chiffre d’affaires minimal de 5 millions d’euros, excepté pour les entreprises actives en biotech et en cleantech. Il y a deux principales méthodes pour cela : - Réaliser une introduction en Bourse par une Offre Au Public (ex-Appel Public à l’Epargne) et lever en augmentation de capital et / ou cession au moins 2,5 millions d’euros. Cette opération permet au public d’y participer et à la société d’être cotée en continu. Il faut obtenir un visa de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) sur un prospectus complet et avoir l’approbation du Comité d’Admission de Nyse-Euronext. - Réaliser une introduction en Bourse par le biais d’un placement privé réservé aux investisseurs institutionnels. Les critères économiques cités ci-dessus sont identiques pour cette méthode. Toutefois, le montant à lever est de 5 millions d’euros, auprès de cinq investisseurs, et uniquement en augmentation de capital. Ce seuil pourrait être abaissé et fixé à 2,5 millions d’euros dès 2010 par Nyse-Euronext. La rédaction d’un Offering Circular (équivalent du prospectus, pour cette technique), qui ne nécessite pas d’être visé par l’AMF, est obligatoire pour obtenir l’accord d’introduction de Nyse-Euronext.
Cessions envisageables
Aujourd’hui, sur Alternext, de véritables opportunités se présentent. Une entreprise accompagnée par son actionnaire financier de référence qui déciderait de s’introduire bénéficierait d’ atouts forts pour réussir son opération :
- La société, étant une des rares à s’introduire, attirerait l’attention de toute la presse économique et financière. Il y aurait un double évènement : l’introduction en Bourse d’une société et une des premières arrivées sur la cote depuis deux ans ! L’opération offrirait une visibilité forte à l’entreprise et à ses actionnaires, et un accroissement significatif de notoriété.
- L’entreprise réalise également une opération financière sans risque. Partant du principe que le ou les fonds d’investissement présent(s) au capital de la société introduite décident de participer à une augmentation de capital, avec ou sans introduction en Bourse, ils peuvent garantir l’opération qui serait présentée au marché. Une transaction garantie par les actionnaires historiques, et donc sans risque d’échec, représente une aubaine pour une PME et pour les nouveaux actionnaires, notamment individuels. Les montants investis par les fonds d’investissement historiques bénéficient ainsi d’un « effet de levier » pour augmenter le capital. Pour 1 euro investi par l’actionnaire déjà présent, on peut collecter 2 euros auprès du public…
- De ce fait, la problématique de valorisation n’est plus un sujet de discussion. En effet, de par la participation des actionnaires historiques à cette introduction en Bourse, il n’y a plus de divergences d’intérêts, comme nous avons pu en connaître par le passé, entre une valorisation suffisamment haute pour les actionnaires sortants, et suffisamment basse pour les nouveaux investisseurs. Le management de la PME est donc parfaitement en phase avec ses actionnaires pour présenter un discours cohérent, orienté vers un objectif de création de valeur dans la durée, y compris pour ses actionnaires historiques. Ce faisant, il est soulagé d’un exercice toujours difficile consistant à expliquer au marché que ses actionnaires financiers historiques doivent vendre leur participation à l’occasion de l’arrivée sur la cote et que de nouveaux investisseurs doivent participer à cette opération, car l’essentiel de la création de valeur est à venir. Un grand écart toujours compliqué à réaliser, qui ne devient plus un sujet par cette nouvelle méthode d’introduction en Bourse.
- Enfin, une fois l’entreprise inscrite avec succès de par le montage retenu, elle peut préparer son parcours boursier, prendre date avec ses nouveaux investisseurs, et ainsi bénéficier d’un rebond sérieux et pérenne des marchés financiers et offrir ainsi une liquidité. Et balayons l’argument qui consiste à faire d’une introduction en Bourse un obstacle à une cession globale. Citons quelques opérations réalisées sur le marché Alternext de Nyse-Euronext : Cedip Infrared Systems, racheté par l’américain Flir Systems moins de douze mois après son introduction en Bourse, Groupe Diwan, acquis par France Télécom, ou encore Neotion, repris par General Satellite, leader russe de composants technologiques.
Une voie d’accompagnement préparant la sortie
2010 doit être l’année des introductions en Bourse ! Ce qui permettrait un renouvellement de la cote en France, un accroissement des liquidités dédiées aux PME et un regain d’intérêt pour les small caps. D’autant plus que le cadre règlementaire sera assoupli concernant les small et mid-caps, en 2010. Le ministère de l’Economie et des Finances ainsi que Nyse-Euronext travaillent pour faciliter l’accès des PME aux marchés. Depuis octobre 2009, quinze propositions sont étudiées, comme les garanties apportées à des actionnaires minoritaires en cas de changement de contrôle, la possibilité pour la société de racheter ses actions pour les annuler, rémunérer des acquisitions ou motiver des salariés par des plans d’attribution d’actions… Une véritable dynamique politique est enclenchée depuis quelques mois, concrétisons ces efforts par de nouvelles introductions en Bourse. Pour les fonds, il ne faut plus voir la cotation comme une porte de sortie pour les participations, mais plutôt comme une voie d’accompagnement permettant de préparer par la suite une sortie totale, dans de bonnes conditions.
par Cyril Temin, associé d' EUROLAND FINANCE, expertise Bourse/IPO/levées de fonds
Lire aussi : Alternext, un marché, enfin prometteur, pour les PME en 2010 ? (28/10/2009)