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Maxime Legourd et Philippe Lorentz, August Debouzy
La loi de finances pour 2025 réforme en profondeur le régime social et fiscal des management packages en instaurant un nouveau régime à l’article 163 bis H du code général des impôts. Cette réforme s’applique à compter du 16 février 2025, à tous les packages non encore débouclés, incluant ceux émis dans le cadre d’un régime qualifiant comme les actions gratuites, BSPCE et stock-options. Antérieurement à cette réforme, les gains de management packages étaient en principe considérés comme des plus-values mobilières et donc soumis au prélèvement forfaitaire unique (jusqu’à 34 % d’imposition effective). Toutefois, ces gains étaient susceptibles d’être requalifiés en salaires en cas de contrôle lorsqu’ils étaient considérés comme acquis en contrepartie des fonctions de managers dans la société, selon une grille de lecture encore imprécise et résultant des décisions du Conseil d’Etat de juillet 2021. Une telle requalification n’était pas sans conséquence pour les managers puisque cela entraînait l’imposition de l’intégralité du gain au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Au niveau de l’employeur, ce risque de requalification par les URSSAF existait également et le rendait redevable des cotisations sociales sur ces gains issus du package.
Nouvelles règles
Le nouveau régime instauré par la loi de finances pour 2025 s’applique en principe à ces mêmes gains « acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant » et prévoit qu’ils ne seront dorénavant plus soumis aux cotisations de sécurité sociale, et imposés comme suit pour le manager :
• par principe, imposition selon les règles des traitements et salaires (i.e. absence de bénéfice des mécanismes de report ou sursis d’imposition en cas d’apport) et application d’une cotisation salariale spécifique (nouvellement créée) au taux de 10 %, portant le taux d’imposition marginal à 59 % (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus « CEHR » incluse) ;
• sous réserve de deux conditions cumulatives, imposition du gain, dans la limite d’un plafond fonction du prix d’acquisition des titres et de la performance financière de la société cible, dans la catégorie des plus-values (soit un taux d’imposition marginal de 34 %). Attention toutefois, le bénéfice du régime des plus-values requiert que (i) les titres présentent un risque de perte de valeur pour le manager et que (ii) les titres aient été acquis depuis plus de deux ans ou aient été émis dans le cadre d’un plan qualifiant (actions gratuites, BSPCE et stock-options).
Le plafond ci-avant mentionné est calculé en multipliant d’une part, le prix d’acquisition du titre (ou par exemple la valeur au jour de leur attribution définitive pour les actions gratuites) et d’autre part, « trois fois le ratio de performance financière » de la société cible, puis en minorant ce résultat du prix d’acquisition des titres. Le ratio de performance financière correspond au rapport de la valeur réelle des capitaux propres de la société cible à la date d’acquisition des titres et celle à leur date de cession. La valeur réelle retenue est majorée des dettes consenties par les actionnaires et les entreprises liées existantes lors de l’acquisition ou souscrites postérieurement. Cela aura par exemple pour effet de neutraliser les impacts du sweet equity venant minorer la valeur des capitaux propres uniquement en début de projet, notamment en cas de conversion en equity avant le débouclage du package. Ce mécanisme de correction ne peut toutefois avoir pour effet de majorer le ratio de performance financière, et n’est ainsi susceptible que de minorer le montant imposable en tant que plus-value.
Des ajustements potentiels à venir
Ce nouveau régime a largement ému le monde du private equity comme en atteste la presse spécialisée des derniers jours. En effet, l’instauration de ce régime, qui semble reprendre les principes dégagés en 2021 par le Conseil d’Etat, est susceptible d’entraîner la majorité des management packages en place dans son champ d’application. Cela ne sera pas sans poser de difficultés par exemple lorsque les managers participeront au réinvestissement dans le cadre de LBO successifs puisque le gain alors imposable en tant que salaire ne sera pas éligible au régime du sursis ou du report d’imposition entraînant ainsi un frottement fiscal important pour ceux-ci.
En pratique, si dans certaines situations (relativement restreintes) le nouveau régime pourrait être favorable aux managers, on s’aperçoit surtout que dans de nombreuses success stories, la majorité des managers risqueraient d’être perdants. Cela ne devrait pas être sans conséquence sur les négociations en cours et à venir entre fonds et managers dans le cadre de la structuration des packages futurs, mais aussi actuels. En effet, les managers disposant d’un package non encore débouclé pourraient vouloir entamer de nouvelles négociations, surtout en début de projet. Ils auraient d’ailleurs des arguments à faire valoir et des contreparties à proposer afin de faire supporter une partie de ce surcoût d’imposition par les investisseurs, qui eux ont vu leur situation sécurisée. Par ailleurs, ce nouveau régime, du fait de l’exigence d’un lien avec les fonctions de salarié ou dirigeant, devrait également rebattre les cartes sur les aspects contractuels des management packages, avec vraisemblablement un retour des good/bad leavers, des clauses de non-concurrence, etc.
La prudence reste toutefois de mise dans la structuration des packages compte tenu du fait que ce nouveau régime semble souffrir d’importantes lacunes et de difficultés d’articulation avec le droit existant. Des ajustements et précisions devraient sûrement être apportés dans un futur proche. Surtout, le régime social est fixé jusqu’au 31 décembre 2027. On ignore notamment si l’exonération de cotisations de sécurité sociale perdurera après cette date.