Il y a quelques semaines encore, de nombreux acteurs du monde du private equity se montraient réticents à l'idée d'assister à une nouvelle édition de l'IPEM quatre mois seulement après la précédente. A plus forte raison encore, si, comme initialement escompté, seuls GPs et LPs étaient conviés. Ils sont finalement 2 779 (parmi lesquels 354 LPs et 391 GPs) à avoir fait le déplacement à Cannes du 23 au 25 janvier. Si l'organisation de cette 8ème édition avait tout d'un challenge pour les équipes organisatrices de l'IPEM, la majorité des visiteurs a salué le retour à « un événement à taille humaine », après un épisode 2022 fort de plus de 5 300 invités venus du monde entier. Un record, pour l'événement créé en 2016 par René Pérès et désormais placé sous la houlette d'Antoine Colson.
Peu de nuages sur le smid cap
Dans les allées du Palais des Festivals, 600 sociétés étrangères en provenance de 43 pays. Les fonds small et mid cap - encore épargnés par la disette de deals - y ont particulièrement trouvé leur compte. Parmi les exposants en phase de levée, on notera notamment Meanings CP, en quête depuis l'automne de 250 M€ pour son nouveau millésime Mid cap, ou encore InnovaFonds avec une toute nouvelle stratégie mezzanine visant 100 M€ (hard cap à 120 M€). Des first time funds émergent aussi, plus discrets, notamment dans l'univers de la décarbonation d'entreprises small cap positionnées sur des business « traditionnels » dans la lignée d'acteurs installés en phase de définition d'une stratégie sur ce segment, comme Argos Wityu ou Trocadero CP. Le premier a, pour mémoire, embauché Sandra Lagumina et Jack Azoulay l'an passé pour lever « plusieurs centaines de millions d'euros », tandis que le second a lancé Trocadero Environnement & Performance avec une ambition de collecter 120 M€. Mais tous les vents ne leur sont pas favorables. Et pour cause, selon un baromètre réalisé par AlixPartners dans le cadre de l'IPEM, quelque 81 % des GPs sont convaincus que 2023 sera une année compliquée en termes de levée de fonds (contre 28 % en 2022). Un contexte qui rendrait donc encore plus attendue l'initiative du FEI qui, selon des bruits de couloirs, réfléchirait à structurer un fonds permettant de soutenir les first time funds.
Une démocratisation en marche
Autre type d'équipes émergentes : celles qui poussent le private equity dans le portefeuille des particuliers. Tygrow, par exemple, a profité de cette 8ème édition de l'IPEM pour sortir du bois, en vue d'accompagner la démocratisation du capital-investissement, en aidant « les gérants d’actifs non cotés à créer facilement leurs fonds et d’en digitaliser la gestion ». L'objectif de la société co-fondée par Nicolas Baboin et Stephane Lubiarz est notamment de faciliter la gestion des « petites » lignes portées par le retail. Un marché sur lequel évolue iCapital - déjà bien connu outre-Atlantique à travers les « plans 401(k) » - qui aimerait désormais se frayer une place sur le marché hexagonal, comme en témoignait sa présence à Cannes. Timing opportun, dans le cadre de la réforme des retraites et de l'importance que peut prendre le non-coté dans une perspective d'épargne de long terme complémentaire, à travers notamment les PER version loi Pacte. « Cette démocratisation doit être assortie d'une importante pédagogie, a toutefois martelé West Lockhart, managing director chez Blackrock lors d'une table ronde. Selon le responsable, un fossé est également en train de se creuser entre deux types d'acteurs : « ceux qui sont suffisamment bien outillés pour réalisés les appels de fonds progressifs et les autres ». Au risque, pour ceux qui ne sont pas équipés, de « faire perdre les bénéfices du private equity aux clients finaux », a complété Tom Slocock, managing director chez iCapital.
Des discussions autour des OR
Au-delà de l'appel du pied réalisé par les fonds smid cap, les LPs pourraient aussi être invités à mettre la main à la poche dans le cadre de plusieurs incentives publiques. Notamment via les Obligations Relance, qui avaient réuni 6 Md€ et seraient désormais quasi-entièrement déployées. « La réponse de Bercy et de France Assureurs quant à la reconduction du dispositif est attendue d'ici mi-février. Chaque groupement pourrait se voir confié 150 M€ », glisse l'un des gestionnaires actuels du dispositif. Initié en même temps que les OR, les Prêts participatifs Relance ont, eux, moins rencontré leur public. « Moins de 2 Md€ ont été déployés sur l'enveloppe totale de 11 Md€. Mais la remontée des taux pourrait rendre ces produits plus intéressants et certaines banques commencent déjà à accélérer leur commercialisation », commente un observateur. Sans compter que le renouvellement de l'initiative Tibi, initialement lancée en 2020 pour soutenir le développement des fonds growth Tech dans l'Hexagone, est attendu pour le mois de mars. Pour autant, le gouvernement n'aurait pour l'heure donné aucune nouvelle sur la feuille de route. « Un nouvel accord Tibi pour flécher plusieurs Mds € dans les entreprises pourrait être mal perçu par l'opinion publique, dans le contexte de réforme des retraites », reconnait l'une des parties prenantes du dispositif.
Le secondaire et le restructuring
« Tibi a eu pour vertu de faire prendre conscience aux institutionnels qu'il était important d'allouer des capitaux significatifs à la Tech, qui reste un domaine essentiel pour le développement de l'économie », ajoute le patron d'un fonds de capital-innovation européen, peu inquiet de la chute des valorisations sur son activité : « Nous avons gardé des liquidités pour réinvestir dans nos participations et connaissons des opportunités d'entrée plus intéressantes. Les sorties "naturelles" vont toutefois se compliquer, mais cela peut être source d'opportunités pour le secondaire », reconnait-il. Si les fonds les plus imposants étaient pour la plupart aux abonnés absents, les acteurs du secondaire - généralement bien garnis - étaient quant à eux bien représentés sur les stands de l'IPEM (Committed Advisors, CapitalDynamics, Bex Capital...).. Et pour cause, l'année polycrise qu'a été 2022 (retournement du cycle de crédit, crises géopolitiques, l'effondrement des marchés publics...), laisse encore des traces. « La baisse sur les marchés cotés ne s'est pas encore reflétée sur les NAV des sociétés non cotées et les LPs, en quête de liquidité, continuent de s'alléger », exprime le MD d'un fonds secondaire. Un autre segment pourrait, aussi, tirer son épingle du jeu : le retournement. Près de 80 % des répondants à l'enquête AlixPartners s'attendent ainsi à davantage d'opportunités en restructuring cette année. Quelques éléments de réponse seront peut-être apportés lors de la prochaine édition de l'IPEM, attendue du 18 au 20 septembre prochain... au jardin des Tuileries, à Paris.