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Servier devrait finalement bel et bien céder Biogaran. Le laboratoire pharmaceutique francilien avait renoncé l’an dernier à la vente de sa principale filiale spécialisée dans les génériques à l’indien Aurobindo. La pression politique était alors forte sur le groupe fort de 5,9 Md€ de chiffre d'affaires dirigé par Olivier Laureau. Biogaran est à l’origine de 12,5 % des médicaments vendus en France et revendique permettre au système de santé tricolore de réaliser 1 Md€ d’économies grâce à des génériques. Le sujet était d’autant plus sensible que l’entreprise n’est pas industrielle mais passe par des sous-traitants, dont environ la moitié est basée dans l’Hexagone représentant 8 600 emplois sur 43 sites de production, rendant des potentielles délocalisations moins compliquées. Servier n’avait cependant pas définitivement renoncé à céder sa filiale, d’autant qu’entre-temps Sanofi a bien mené le transfert de contrôle de son activité grand public (renommée Opella) à CD&R et Bpifrance. Accompagné par Lazard, il fait finalement affaire dans le cadre de discussions bilatérales avec BC Partners, conseillé par Rothschild & Co et qui avait déjà pris part aux enchères, il y a un an.
Présence future de Bpifrance dans le tour de table ?
« Nous suivons le marché des génériques depuis longtemps, avec plusieurs investissements réussis en amont de la chaîne de valeur, dans le grec Pharmathen et le néerlandais Synthon, rappelle Cédric Dubourdieu, associé et head of France chez BC Partners. Nous avons entamé des premiers échanges avec Servier début 2024 jusqu’à l’arrêt du processus l’été dernier. Nous sommes convaincus du potentiel de Biogaran et avons donc ouvert de nouvelles discussions ces dernières semaines en parvenant à un accord bénéfique pour toutes les parties-prenantes. » Le fonds britannique est ainsi entré en négociations exclusives avec Servier ce 30 juillet en vue de cette acquisition. Il va s’associer avec le management emmené depuis l’automne dernier par Guillaume Recorbet. « Bpifrance travaille activement pour intégrer le tour de table », dévoile une source. BC Partners, qui discutait déjà dans sa première tentative de rachat avec la banque publique d'investissement est ouvert à cette association.
Valorisation comprise de 900 M€
Si l’opération atteint le stade du closing, BC Partners prendra alors possession d’une société affichant 900 M€ de revenus sur l’exercice 2023 – 2024 (clôture des comptes le 30 septembre) pour environ 100 M€ d’Ebitda. Il débourserait environ 1 Md€ dans cette transaction, pour une valorisation autour de 900 M€, le delta étant lié à « clause de sauvegarde et des fonds propres positifs », explique une source. Côté financement, BC Partners compte s’appuyer sur une unitranche d’un levier net compris entre 4 et 5 fois l’Ebitda. Le gérant anglo-saxon se veut rassurant sur l’emploi en France, en indiquant qu’il va maintenir « rôle essentiel que joue Biogaran dans le paysage de la santé en France, et plus largement dans la société française », comme expliqué dans un communiqué. « Le marché des génériques est naturellement porté par les nouvelles molécules dont les brevets arrivent à échéance dans les années à venir, souligne Cédric Dubourdieu. Au-delà de cette croissance naturelle que nous souhaitons capter et d’un travail sur l’amélioration de l’entreprise, nous souhaitons appuyer le développement sur les molécules biologiques biosimilaires. Enfin, nous voulons nous valoriser la marque Biogaran, l’une des plus reconnues en France dans la santé, pour développer la gamme de produits OTC (over the counter). » Cela devrait permettre de générer au moins 5 à 10 % de croissance par an ces prochaines années pour l'entreprise employant 250 collaborateurs (essentiellement pour la R&D, les fonctions support et la gestion).
Virage stratégique pour Servier
Pour Servier, cette opération marque un changement de cap. Le laboratoire accélère son recentrage sur les traitements innovants affichant de meilleures marges d’Ebitda, en oncologie, neurologie et maladies veineuses. Fondé il y a 70 le groupe aujourd’hui contrôlé par une fondation visait initialement 10 Md€ de chiffre d’affaires d’ici 2030, dont 8 Md€ générés par les médicaments princeps et 2 Md€ sur les génériques. Dans le même temps, il ciblait une marge d’Ebitda supérieure à 30 %, contre 24,2 % en 2023-2024. L’atteinte de ce deuxième objectif était donc entravée par l’activité générique (bien moins rentable). En se séparant de Biogaran, il va ainsi s’alléger d’une filiale qui représentait les deux-tiers des 1,4 Md€ de recettes affichées à fin septembre 2024 sur ce segment. En novembre 2024, il s’était déjà délesté de Swipha, sa filiale nigériane active dans les génériques, cédée à l’indien Micro Labs. Il détient deux autres entités actives sur ce marché : Pharlab (Brésil) et Egis (Hongrie). Cette seconde entreprise est la plus importante après Biogaran. Servier s’était s’en était emparé via une OPA signée sur la base d’une capitalisation de 730 M€ en 2013. A la différence de Biogaran, Egis est constitué comme un acteur industriel, en fabricant les médicaments grâce à plusieurs sites de production employant près de 5 000 collaborateurs.