Les tours à trois chiffres en millions d'euros en France se comptent sur les doigts d'une main depuis l'été dernier. Pasqal rejoint Homa Games, Contentsquare, Innovafeed et Amolyt Pharma en levant 100 M€. Le concepteur d'ordinateurs quantiques a réuni juste avant Noël cette série B menée par Temasek et impliquant comme nouvel entrant le fonds du Conseil Européen de l'Innovation et Wa'ed Ventures, du pétrolier saoudien Aramco. Déjà actionnaire via Innovation Défense, Bpifrance mobilise cette fois Large Venture, tandis que remettent au pot Quantonation, maintenant sa quote-part supérieure à 15 %, Daphni et le fonds du pétrolier italien Eni. Au terme d'un processus confié à la banque d'affaires Perella Weinberg, Temasek s'adjuge une participation de l'ordre de 5 %, selon l'un des actionnaires. Avec cette opération, Pasqal atteint le statut de demi licorne. « Cette levée était prévue puisque la précédente remonte a presque deux ans. Mais son montant, dans un contexte beaucoup moins favorable aux gros tours dans la tech, est à souligner. Il s'agit de la plus grosse levée en equity d'une société européenne dans l'informatique quantique », assure Olivier Tonneau, associé de Quantonation. Les 128 M€ annoncés par le finlandais IQM en juillet incluent en effet une partie d'un emprunt de 35 M€ auprès de la Banque européenne d'investissement.
Un prix Nobel en cours de process
Pasqal, dont l'un des fondateurs, Alain Aspect, obtenait le prix Nobel de physique moins de trois mois avant le closing, semble bien placée pour profiter de l'essor attendu d'un marché encore bourgeonnant. La pépite livrera en fin d'année ses deux premières machines à des centres de calcul intensif en France (Gensi) et en Allemagne (Jülich) et a conclu des accords avec OVH, Amazon (AWS) et Microsoft (Azure) pour héberger dans le cloud une plateforme de calcul de ses ordinateurs. Elle vise également en 2023 l'atteinte d'une puissance de 1 000 qubits générés par son processeur utilisant la technologie des atomes neutres. « Nous sommes aujourd'hui prêts à aller sur le marché et cela signifie trois choses. D'abord, nous avons fait la preuve que nos machines fonctionnaient. Ensuite, la puissance de calcul peut être accessible via une interface cloud. Enfin, nous avons développé des cas d'usage variés et constatons la forte demande de sociétés pour le quantique », résume Georges-Olivier Reymond, président et co-fondateur. Crédit Agricole CIB, Thales, EDF, Airbus, BASF, Siemens, LG Electronics et Johnson & Johnson font partie des entreprises avec qui le spin-off de l'Institut d'Optique travaille.
Présence internationale renforcée
C'est bien en vendant aux grands comptes des heures de calcul, plutôt que des ordinateurs quantiques et la maintenance associée, que Pasqal espère générer à terme l'essentiel de son chiffre d'affaires. « La vente de machines sur site sera l'exception. Il n'existe que 50 centres de HPC [high performance computing, ou calcul intensif] dans le monde, c'est un petit marché », relève Georges-Olivier Reymond. Déjà présente en Allemagne, à Sherbrooke au Québec et à Boston, la jeune pousse de 100 personnes, et le double dans l'année, s'implante actuellement aux Émirats arabes unis et compte bien profiter du soutien du fonds souverain singapourien Temasek pour ouvrir un bureau en Asie. La poursuite de la croissance externe fait partie de la stratégie de développement, après les réussites des rachats du néerlandais Qu & Co il y a un an et celui plus discret du français My Cryo Firm dans la cryogénie l'été dernier.