Le lobby de l'écosystème start-up fait quinze propositions, visant notamment à dynamiser l'investissement dans la tech. Parmi ses idées, le retour des particuliers via l'IR PME, le renforcement de Bpifrance comme du Fonds européen d'investissement, et l'essor du LBO tech.
À l'origine de difficultés et d'incertitudes pour des pans entiers de l'économie, la crise du Covid-19 s'analyse également comme une source d'opportunités. France Digitale entend profiter du nouveau contexte pour pousser ses pions au service de l'écosystème numérique. L'association paritaire d'entrepreneurs et d'investisseurs de start-up formule quinze propositions dans un plan baptisé « Alternatives ». Elles visent notamment au « réarmement technologique » de la France via 10 Md€ de dépenses publiques sur deux ans, à un effort « d'alphabétisation numérique » de la population, et à la transition environnementale encouragée par le numérique. Un volet financement regroupe des idées pour assurer 10 Md€ d'investissement privé dans les jeunes pousses, renforcer Bpifrance, les business angels et les VCs. Voici les mesures concernant les acteurs du capital-investissement de ce plan de « redirection », et non de simple « relance ».
Rappelant la disparition de l’ISF, donc de l’ISF PME, et constatant le recul des montants collectés par les fonds au titre de l’IR PME (dispositif Madelin) depuis 2017, France Digitale compte favoriser le retour des particuliers dans le financement des entreprises, pas seulement des start-up. Pour cela, le lobby propose d’augmenter à 50 % le taux de réduction d’IR dans les PME de moins de sept ans, contre 18 % actuellement en attendant le décret devant le porter à 25 %. Une réduction spécifique bénéficiant aux entreprises d’utilité sociale ou environnementale (EUSE) est envisagée, de 50 % plafonnée à 100 K€ par part fiscale. Outre un plus grand avantage fiscal, les investisseurs particuliers bénéficieraient d’un risque réduit puisqu’ils pourraient imputer les moins-values sur l’ensemble de leur revenu imposable.
Trois mesures permettant d’espérer atteindre 1 Md€ d’investissements de personnes physiques chaque année dans les PME, ETI et PME à impact.
Hausse de 20 % du volume d'investissement de Bpifrance
Autre acteur de l’écosystème du financement appelé à renforcer son poids dans le plan de France Digitale : Bpifrance, dont le volume d’investissement, en direct ou comme fonds de fonds, dans l’innovation, la deep tech et l’impact, progresserait de 20 % dès 2022. Pour parvenir à cet objectif, il faudrait en passer par un relèvement du ratio d’emprise de la banque publique - c’est-à-dire son poids relatif - dans les véhicules de VCs comme dans le capital des sociétés. Le soutien aux VCs se traduirait indirectement par de nouveaux mécanismes de co-investissement, sous forme de prêt à long terme « avec franchise de remboursement de deux ans et/ou d’obligations convertibles, financé par un nouveau PIA. »
L’argent des investisseurs institutionnels est également bienvenu, mais non plus cantonné au stade du growth tel que le prévoit le schéma actuel issu du rapport Tibi. « Post-Covid, le risque principal de défaillance pour les startups va se situer aux stades de seed, séries A et B, aujourd’hui non couverts par les investissement des institutionnels », analyse l’association dirigée par Nicolas Brien, qui demande une accélération du calendrier de déploiement des 6 Md€ d’engagement des zinzins [dont la moitié en coté, ndlr], prévu initialement sur trois ans.
Le LBO tech comme troisième sortie
Pour ouvrir davantage de portes de sortie aux fonds de capital-innovation, France Digitale défend le développement du segment du LBO tech. Une piste pratiquement par défaut, puisque les deux autres options apparaissent limitées au moins à court terme. La cession industrielle est en effet fragilisée par les difficultés des grands groupes et la volatilité des marchés pénalise encore davantage la Bourse, déjà peu utilisée avant la crise. Le plan demande à Bpifrance et au Fonds européen d’investissement de créer des fonds et des fonds de fonds de LBO tech, « dans des secteurs stratégiques pour la France et l’Europe (santé, cybersécurité, intelligences artificielle, informatique quantique, blockchain…) ».
Le M&A est néanmoins encouragé par une adaptation des règles européennes de droit à la concurrence dans l’optique de « garantir l’indépendance technologique de l’Union Européenne » dans ces mêmes domaines stratégiques.
Le FEI au cœur du volet européen
La dimension européenne des propositions de France Digitale, organisation très impliquée à l’échelle continentale, se retrouve plus loin. Par exemple, les investissements du FEI et les financements de la BEI doivent se réaliser plus strictement au sein de l’UE, alors que le Royaume-Uni n’en fait plus partie depuis quatre mois. Les fonds alloués aux VCs britanniques - 2,3 Md€ dans 144 fonds de 2011 à 2015 - devront ainsi être redéployés.
Au cœur de plusieurs suggestions, le Fonds Européen d'Investissement est invité à accroître son poids dans les fonds (ratio d’emprise), à accélérer l’analyse des dossiers de souscription alors que cette phase prend en moyenne neuf mois aujourd’hui, et plus généralement à augmenter ses volumes de co-investissement direct. Il pourrait aussi abonder, dans un schéma de 1 pour 1, aux investissements des VCs via des prêts et/ou des OC. Enfin, le dispositif European Angels Fund (EAF) du FEI, dont l’objet est de co-investir avec certains business angels, devrait être adopté en France. Existant déjà dans sept pays, dont l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas, l’EAF sélectionne des investisseurs privés ayant fait leurs preuves et disposant d’au moins 250 K€ à miser sur dix ans. Par ailleurs, les sociétés de gestion devraient bénéficier d’une garantie afin d’emprunter, en période de désinvestissement, dans le but de renforcer leurs réserves destinées à leurs participations européennes.
Prenant acte du poids des VCs extra-européens, essentiellement américains et asiatiques, France Digitale veut rendre « praticables » les règles du contrôle des investissements étrangers dans l'Hexagone. Il faut par exemple que ces critères soient fondés non pas sur la technologie développée par la société cible, mais sur son application. Afin de ne pas faire capoter une transaction avec un fonds étranger, une entreprise doit pouvoir solliciter l'administration et obtenir rapidement une réponse circonstanciée. L'association présentera ses quinze propositions à Bruno Le Maire vendredi.