Sans surprise, le septième rapport annuel du VC Partech Africa, publié le 23 janvier, confirme que 2023 ne fut pas une année faste pour l'écosystème tech africain. Si l'on compare avec l'année précédente, où la croissance de 8 % contrastait avec la baisse drastique du financement par capital-risque dans le monde, le bilan s'avère moins positif pour ce millésime. Rejoignant les conclusions d'autres études précédemment publiées, comme celle de TechCabal Insights évoquée en début du mois, le montant total collecté par les start-up a chuté de 46 %, avec 3,2 Md€ (3,5 Md$) levés (equity et dette confondus), pour 547 transactions (-28 % par rapport à 2022). tandis que le nombre d'investisseurs actifs a diminué de 50 % (569 contre 1 149 en 2022). En ce qui concerne la répartition selon les stades d’investissement, c'est le segment du growth qui a le plus souffert ces douze derniers mois : après avoir subi une baisse de 50 % en 2022, la taille moyenne des tickets a encore diminué de 31 % en 2023 pour atteindre 31,9 M€ (34,7 M$). Le recul est moins marqué pour le seed et la série A (respectivement -8 et -16 %). Quant aux tours de financement au stade de série B, ils se sont maintenus à une taille moyenne stable à 18,9 M€ (18,9 M$), similaire à l’année précédente.
« Deux ans après le début de la récession mondiale, il est clair que l’écosystème tech africain subit de plein fouet cette correction, même s'il s'en sort beaucoup mieux que les régions d'Amérique latine et d'Asie du Sud-Est », explique Cyril Collon, general partner chez Partech. « Malgré cette correction, au cours des 10 dernières années, l'écosystème tech africain a connu une croissance de 10x en termes de nombre de transactions et de montant levé, avec environ 20 milliards de dollars investis à travers près de 3 000 transactions, dont 68 % au cours des trois dernières années ». Par ailleurs, le gestionnaire dédié aux jeunes pousses technologiques en Afrique met en exergue la résilience du financement par la dette, qui confirme son rôle de source alternative solide de capitaux pour l'écosystème tech africain. Si le montant total levé a diminué de 22 % - passant de 1,6 Md$ en 2022 à 1,2 Md$ en 2023 - , le nombre d'opérations de dette a connu une légère hausse, avec 74 transactions contre 71 l'année précédente.
Pas de révolution à première vue en termes de répartition géographique : on retrouve le même quatuor en tête, à savoir l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Égypte et le Kenya qui ont monopolisé à eux seuls à 79 % du volume total mobilisé. En nombre d’opérations, ils représentent toutefois 68 % du total, contre 77 % en 2022. La nation arc-en-ciel domine en equity (malgré une baisse de 34 % en glissement annuel), mais le Kenya est en tête si l’on combine fonds propres et dette. Parmi ces pays, la baisse la plus notable concerne l’Égypte, qui révèle une chute de 58 % du nombre d'opérations de financement en equity (60 transactions). Si l’on s’intéresse au reste du classement, on constate que seuls le Maroc et le Ghana dépasse le seuil de 46 M€ (50 M$) de financement en equity. Enseignement marquant de cette édition : 52 % des pays d'Afrique francophone (contre 46 % en 2022) ont réalisé une transaction en 2023, et leur part dans les investissements en equity sur le continent est passé de 11 à 15 % en financements, et de 12 à 20 % en transactions - soit les deux tiers des financements en fonds propres et du nombre de transactions en dehors des quatre premiers marchés. « Dans ce marché difficile, l'écosystème technologique africain a accordé beaucoup plus d'attention à l'Afrique francophone qui a augmenté sa part de transactions et de financement », commente Tidjane Deme, general partner chez Partech. « La croissance constante de cette région au cours des dernières années s'explique par la capacité des investisseurs locaux - de plus en plus présents dans l'écosystème - à aller au-delà des quatre marchés majeurs visibles par les investisseurs globaux. Ils voient les opportunités inexploitées dans les pays francophones ».
Par ailleurs, la fintech conserve sa première place sur le podium, tant par le nombre d'opérations (113) que par le montant du financement (782 M€, soit 852 M$, ce qui équivaut à 37 % de l'investissement total en equity). En deuxième position, on retrouve le e-commerce et la cleantech, avec chacun 13 % du montant total du financement. Enfin, les jeunes pousses fondées par des femmes sur le continent ont représenté 360 M€ (392 M$) des montants investis, soit une diminution de 39 % par rapport à 2022, mais ont augmenté de 4 % en equity (avec 17 % du total investis), représentant ainsi 25 % du total des transactions en equity (+ 3 points de pourcentage).