B&B, Sebia, Picard, Spotless et bientôt Trescal ou Linvoges... les LBO sont de retour. Zoom sur les 155 deals depuis début 2010 compilés par CFnews et les tendances pour la fin de l'année.
B&B Hôtels, Histoire d’Or-Marc Orian, Picard, Eduservices, Trescal… Ces dernières semaines, voire les derniers jours de juillet, avant la trêve estivale du mois d’août ont été intenses pour les fonds de LBO et leurs conseils qui se sont employés - et beaucoup y sont parvenus - à signer leur exclusivité de cession. Cette effervescence du marché, quelque peu exceptionnelle, laisse pourtant présager une reprise très progressive, encore hésitante, du secteur. Avec 155 LBO enregistrés dans nos colonnes depuis le début de l’année (voir le tableau ci-dessous), une tendance identique semble se profiler en 2010 par rapport à l’an dernier où 209 opérations ont été recensées par CFnews. Mais, c’est certainement sans compter les nombreuses opérations encore en cours qui pourraient trouver une issue cette année voire dès la fin de l'été, ce qui devrait gonfler le bilan annuel 2010.
Nombreux deals attendus à la rentrée
Parmi les opérations encore attendues figure le groupe de cliniques Médi-Partenaires, détenu par LBO France et Barclays PE, qui n’a à priori pas réussi à s’entendre avec Blackstone avant l’été. Pourtant, le secteur de la santé apparaît comme le plus attractif pour les fonds. Pour rappel, le laboratoire d’analyses biologiques Cerba, propriété d’IK Investment, a signé un LBO quaternaire pour près de 500 M€ avec PAI Partner au printemps dernier, un des plus gros deals du semestre (voir le tableau des deals supérieurs à 50 M€). Dans cette fourchette haute on compte aussi Picard ou encore Spotless, Go Voyages mais il n'est pas certain que la rentrée soit aussi faste. Si certains pensaient voir Quick au tableau de chasse des plus gros LBO de l'année, il va falloir attendre. En effet, selon nos informations, Qualium a décidé de reporter sine die cette cession (lire notre "confidentiel"). Reste le cas de Yoplait, détenu par PAI Partners, pour lequel une sortie corporate semble plus réaliste.
Dans le mid cap, Activa Capital, qui vient de signer une exclusivité pour céder Linvosges Saget à Alpha pour un montant de 90 M€, doit encore se séparer de Materne. Le spécialiste des systèmes de mesure, Trescal, mis en vente par Astorg, devrait encore concrétiser un deuxième LBO avec 3i et TCR Capital. Indigo Capital, qui avait annulé la vente de Prezioso en avril 2009, ne compte pas quant à lui remettre sur le marché ce spécialiste des services pour le BTP. "Nous n'avons aucun projet de cession de Prezioso à court ou moyen terme et au contraire nous avons fait le choix d'accompagner son développement actuel et futur", commente Cyril de Galea, associé au sein d'Indigo Capital. Pourtant, bien d’autres dossiers cherchent de nouveaux propriétaires. « Après deux ans de calme relatif, les premiers signes de la reprise de LBO ont débuté en janvier et depuis mai, les dossiers se multiplient avec une diversité de type et de taille de transactions », souligne Alban Neveux (photo ci-contre), Dg d’Advention qui a suivi une trentaine de deals depuis le début de l’année. Seul bémol, les discussions s’allongent et les délais de closing sont souvent multipliés par deux.
Une reprise amorcée soutenue par le secondaire
Avec près d'une cinquantaine d'opérations comptabilisées seulement sur les mois d'avril et de mai, l'activité de ce dernier semestre a été marquée par deux périodes. Un premier trimestre en retrait et un deuxième qui s'est animé après notamment les annonces d'opérations de taille plus significatives notamment du LBO sur Spotless par Axa PE « Le redémarrage de l’activité se fait sentir depuis la mi-avril et pourrait encore s’accélérer d’ici à la fin de l’année avec entre autres le retour des opérations primaires », explique Jean-François Pourdieu, associé de De Pardieu Brocas Maffei, qui a conseillé entre autres les LBO sur Trecobat ou encore Go Voyages. Les dossiers primaires, une soixantaine depuis le mois de janvier, réapparaissent. Parmi eux, on peut citer le fabricant de chaudières à condensation Giannoni qui a signé son premier LBO avec Carlyle pour 490 M€ dont 250 M€ de dette. Les opérations de MBO (30), OBO (20) et MBI (10) continuent de dominer le segment qui reste largement tiré par le mid market. « Plus nombreux, les dossiers secondaires dénotent une volonté de certains fonds de faire tourner une partie de leur participation, venue à leur terme. Ce qui peut indiquer davantage un cycle financier qu’une réelle reprise économique », nuance Stéphane Argyropoulos, director au sein de Crédit Suisse qui a, entre autres, conseillé les managers de Go Voyages lors du LBO avec Axa PE.
Un retour de la dette
Toutes les transactions ne se concrétisent pas mais le marché reprend des couleurs, soutenu par un retour du financement. Toujours précautionneuses, les banques apparaissent cependant moins frileuses pour apporter de la dette. Ayant rouvert les robinets du crédit par le biais de club-deal, elles prêtent aussi davantage en particulier sur le small et mid cap. « Sur une opération valorisée 30 M€, l’an passé seul un tiers du montage était constitué par de la dette tandis qu’actuellement le ratio revient plutôt à 50/50 sur ce même type de transaction », explique Marc Fredj, associé chez Simmons & Simmons (photo ci-contre). Par contre, sur les opérations de taille plus importante, les ratios demeurent bien inférieurs, au maximum de l’ordre de trois à quatre fois l’Ebitda. Même si la dette est réapparue, son coût reste important et les banquiers n’octroient plus des multiples de dette de huit à neuf fois l’Ebitda comme dans la période faste. « Une vraie évolution est apparue depuis l’année 2009 puisque les banques tendent désormais à demander aux fonds de consentir des sûretés », commente Christophe Gaillard, associé de De Pardieu Brocas Maffei, conseil des banquiers sur les opérations Sofibo, Aurenis ou Penelope. Les prêts se sont aussi simplifiés pour ne retenir des montages se limitant à de la dette senior ou seulement les deux premières tranches A et B. La mezzanine, plus chère que la dette senior en France - contrairement aux Etats-Unis -, fait pour autant un timide retour. LFPI a ainsi pris en charge la mezzanine lors de sa reprise d'Aurenis ou encore La Toulousaine, repris par Barclays PE en LBO ter, a fait appel à Capzanine pour son montage. Les opérations d'envergure peuvent actuellement se concrétiser via du high yield, ce qui pourrait être le cas pour le dossier Picard, valorisé plus de 1,5 Md€ par Lion Capital qui a signé un accord d'exclusivité.
De l'equity en abondance
Possédant toujours de fortes ressources levées en 2006 et 2007, les fonds doivent encore investir et ils sont donc disposés à mettre davantage d’equity. Certains n’ont donc pas hésité à préempter la transaction totalement en fonds propres, prenant ainsi le risque si la dette souhaitée n'est pas au rendez-vous. Ce fut le cas pour l’anglais Marken en fin d’année dernière repris par Apax LLP et pour Sebia plus récemment acquis par Cinven. « Les acteurs n’ont pas eu peur de bousculer les règles du jeu et de casser leur tirelire lorsqu’ils croient fortement à un dossier. Bien souvent, ils sont moins nombreux qu’avant la crise à s’engager loin dans les négociations. Le marché se polarise davantage et la sélectivité est bien plus grande pour passer les étapes de la négociation», explique Jérôme Souied (photo ci-contre), un des deux associés en charge du private equity chez AT Kearney, conseil en stratégie intervenant principalement sur des opérations supérieures à 150 M€ de valorisation.
Des valorisations élevéestirées par les beaux dossiers
Sur ce point des valorisations, la baisse attendue par les acteurs n’est pas encore au rendez-vous et, bien au contraire, les prix semblent tirés par le haut. « Force est de constater que les prix ont peu baissé puisque seuls les beaux deals, ou les opérations sur un secteur très résilient, ont suscité l’appétit des fonds. Mais courant 2011, la donne pourrait changer si le volume des transactions augmente, comme le laisse supposer le nombre de projets ayant démarré au cours de ces derniers mois », indique Patrick Maurel, associé gérant de Leonardo Midcap, boutique lancée il y a un an par des anciens d’Aforge avec le soutien de la banque Leonardo, qui est intervenu sur le LBO ter de La Toulousaine. Le marché doit aussi faire face à l’appétit des "corporate" qui en 2010 reprennent très activement leur stratégie de croissance externe. Une politique qui ne s’est pas démentie aussi pour les investisseurs qui soutiennent comme en 2009, leurs sociétés en portefeuille par de la croissance externe.
Les build-up toujours à l'honneur
Ainsi, sur les 155 opérations enregistrées dans nos bases, 45 d’entre elles concernent des build-up sur des sociétés cibles affichant moins de 75 M€ de chiffre d’affaires. Plusieurs sociétés sous LBO ont misé sur la diversification de leurs activités. C’est le cas du façonnier de produits pharmaceutiques Synerlab, détenu par Axa PE, qui a repris Pharmaster. Le biscuitier Poult, sponsorisé par LBO France, a quant à lui élargi ses activités en Pologne avec Lider SKG qu’il a racheté pour 100 M€. Une opération qui a néanmoins pénalisé le process de vente en cours - Oaktree ou Capvest étaient en lice - la cession ayant été ajournée.
"Après une forte accalmie en 2009, les LBO repartent incontestablement, appuyés par le retour du financement bancaire, et nous continuons toujours, dans la lignée de stratégie d'investissement, à soutenir nos sociétés en portefeuille par le biais de croissance externe", souligne Olivier Lange, DG de LFPI Gestion (photo ci-contre) qui a réalisé trois opérations depuis le début de l’année - dont un build-up pour Primavista qu'il a aidé à se renforcer dans la photo scolaire avec Tourte et Petitin- et devrait en signer deux nouvelles à la rentrée.
Services et santé: secteurs plébiscités
Concernant les secteurs les plus actifs, les services et produits industriels représentent 18 % des opérations comptabilisées (en nombre) depuis le début de l’année parmi lesquelles T ournus Equipment, Giannoni ou Dirickx. Les conseils et services aux entreprises se placent en deuxième position avec 11 %, talonné de près par la construction avec 10 %. Dans le top 5 des secteurs d’activités, la santé apparaît encore comme le plus attractif aux yeux des investisseurs (voir ci-dessous notre tableau récap des deals par type et secteur). Les rapprochements de cliniques: comme la Clinique Juge repris par Almaviva ou encore des laboratoires se poursuivent activement cette année. Les contraintes réglementaires en font néanmoins un marché difficile d’accès. " Le retour des LBO en France se fait notamment sur des cibles de qualité, souvent bien connues des banquiers et des fonds car ayant déjà fait l'objet de LBO par le passé, et évoluant sur des secteurs d'activité peu cycliques et c'est le cas de la santé ", note Marc Becker (photo ci-contre) , principal au sein du BCG, conseil en stratégie qui via son activité corporate development conseille les fonds lors de leurs dues diligences d'acquisitions et pour améliorer les performances opérationnelles de leurs sociétés en portefeuille.
Le management reste influent
Sur ce marché particulièrement porté par les cessions, le rôle du manager dans les opérations de LBO reste crucial. Le niveau de son management package reste identique et il conserve toujours le même poids dans les discussions, s’il est fortement impliqué dans la vie de la société. « En sortie, un fonds évite de cristalliser un désaccord avec les managers clés de la participation vendue. Ceux-ci peuvent d'ailleurs dans certains cas influencer le choix du prochain investisseur financier au capital », souligne Henri Pieyre de Mandiargues, associé au sein de WSA Avocats (photo ci-contre), qui a notamment conseillé les managers de B&B lors du LBO ter avec Carlyle. Ces derniers auraient ainsi appuyé davantage l’offre de Carlyle, l'emportant devant Bridgepoint.
Des signes de reprise encore plus marquée aux Etats-Unis
Et la France n’apparaît pas à la traîne par rapport à ses voisins européens. En effet, si l’Allemagne et les pays nordiques s’activent, le Royaume-Uni semble plus en retrait puisque son marché était essentiellement constitué d’opérations sur le "large cap". Ce pays a néanmoins enregistré un deal de taille le mois dernier avec la reprise du groupe coté d’ingénierie Tomkins par un consortium canadien emmené par Onex pour 4,5 Md$. Seuls les Etats-Unis semblent avoir retrouvé un bon niveau d’opérations en particulier sur le large cap. Blackstone vient par exemple de signer la reprise de Dynegy pour 3,7 Md€ (lire ci-dessous) ou encore TPG a acquis American Tire Distributors pour 1,3 Md$ en avril dernier. KKR, qui vient de s’introduire en Bourse, participe à un financement mezzanine de 470 M$ sur la reprise des activités de paiement électronique de RBS, signé par Advent International et Bain Capital (lire ci-dessous).
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