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Quelles opportunités pour investir en Afrique australe ?


| 1443 mots

Cobasa

Investir en Afrique australe ? (Encore) loin d’être une évidence pour les acteurs économiques français. Mais cela doit être considéré selon Cobasa, société de conseil en investissement fondé en 2001 par Henri de Villeneuve, organisateur de la conférence organisée ce lundi à l’Hôtel Crillon et intitulée « Angola - Zimbabwe - Afrique du Sud. Les têtes tombent : quelles leçons en tirer ? ». CFNEWS et Lex Africa, la première et la plus importante alliance panafricaine de cabinets juridiques, étaient partenaires de l'événement.

Premier constat unanime : la faiblesse de la présence des entreprises françaises en Afrique du Sud, au Zimbabwe et en Angola. Ces trois pays de la Communauté de développement d'Afrique australe (CDAA ou SADC en anglais) se trouvent en effet éclipsés par les pays d’Afrique francophone, pour des raisons historiques et culturelles. Tous trois ont cependant pour point commun d’être en pleine mutation politique.

Vrais changements ou faux semblants ?

Table ronde 1 : Hugo Capdevielle et Aurore de Villeneuve (Cobasa), Laurent Bigot (Gaskiya), Thomas Hofnung (The Conversation France), Pamela Wadi (FTI Consulting) et Victor Magnani (Ifri).

Table ronde 1 : Hugo Capdevielle et Aurore de Villeneuve (Cobasa), Laurent Bigot (Gaskiya), Thomas Hofnung (The Conversation France), Pamela Wadi (FTI Consulting) et Victor Magnani (Ifri).

Alors que la région semblait épargnée par les conflits intra ou inter-étatiques, sa stabilité a été mise à l’épreuve ces derniers mois par de profonds changements : remplacement des anciens dirigeants, fin des partis de libération et réaction au retournement des prix des matières premières. Même si les scénarios politiques diffèrent entre les trois pays étudiés - démission plus ou moins forcée en Afrique du Sud, coup d’État au Zimbabwe, retraite de la vie politique de l’ex-président en Angola - ces mutations majeures impliquent des enjeux similaires. Selon Henri de Villeneuve, DG de Cobasa, les partis de gouvernement sont traversés par des divisions internes qu’il importe d’étudier pour comprendre ce qui se passe. Il explique ainsi qu’au sein de l’ANC (Congrès national africain), parti de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma, coexistent deux blocs, l’un autour de l’épouse de l’ancien dirigeant, l’autre autour du nouveau chef de l’État, Cyril Ramaphosa. Si le second bloc l’a emporté, le premier conserve une influence considérable sur les décisions politiques. Dans ces trois pays, les présidents actuels « se prévalent d’incarner une rupture par rapport à leurs prédécesseurs », poursuit Henri de Villeneuve. Cette rupture passe par la lutte contre la corruption et la relance de l’économie, notamment avec l’ouverture aux capitaux étrangers. Les nouveaux dirigeants se montrent par conséquent plus conciliants à l’égard des instances internationales et des pays occidentaux. Pamela Wadi, directrice Afrique Litige et Legal chez FTI Consulting, cabinet de conseil, estime de son côté que la volatilité des matières premières impose à ces pays de diversifier leurs ressources : les biens de consommation, le tourisme et l’agriculture constituent quelques-uns des secteurs offrant nombre d’opportunités pour les investisseurs.

Pour Laurent Bigot, ancien « Monsieur Afrique de l'Ouest » au Quai d'Orsay et DG du cabinet de conseil Gaskiya, outre les raisons historiques qui expliquent la faible présence de la France dans cette région, les considérations économiques prévalent : dans le commerce extérieur de la France, la part de l’Afrique n’est que de 5 à 6 %, l’Afrique du Sud représentant seulement 0,2 % des échanges globaux. La croissance de ces pays d’Afrique australe est bien inférieure aux 7 % annuels qui seraient nécessaires sur une décennie pour permettre un réel développement africain d’après la CNUCED. Ces États n’ont donc « pas atteint la masse critique nécessaire pour exister dans le regard des décideurs », souligne t-il. D’un autre côté, l’Hexagone fait figure de pays impérialiste aux yeux des dirigeants africains. Sur le plan institutionnel, la France n’apparaît « pas suffisamment structurée pour relever les défis de l’investissement », contrairement aux Américains ou aux Chinois qui font bloc. Mais certaines entreprises françaises ne devraient pas hésiter à y aller de façon autonome, en s'assurant d'être bien conseillées. Laurent Padoux du Conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN) rappelle que, sur la longue durée, l’Afrique du Sud représente de loin le premier client de la France en Afrique subsaharienne. Environ quatre cent entreprises françaises y sont implantées et deux événements récents témoignent de l’intérêt réel des investisseurs : l’ouverture d’un magasin Leroy Merlinsur 16 000 m2 en septembre dernier, et l’acquisition par Lactalis de la division infantile d’Aspen Pharmacare (voir bulletin #20).

Pour Victor Magnani, chargé de projets en Afrique subsaharienne à l’IFRI, les transitions politiques ne sont pas forcément un facteur de dissuasion pour les entreprises étrangères ; elles peuvent même stimuler les investissements, comme c’est le cas pour le Royaume-Uni au Zimbabwe. Laurent Bigot distingue clairement le secteur pétrolier - avec le géant Total, très présent en Angola - des autres secteurs, car bien que pesant lourd, il n’est pas représentatif du monde économique. On assiste bien dans les autres secteurs à une autonomisation croissante des entreprises vis-à-vis du système institutionnel. Enfin, si la France est confrontée en Afrique à la concurrence d’autres États tels que la Chine, l’Inde ou encore la Turquie, on a tendance d’après Laurent Bigot à prêter une influence disproportionnée à la Chine en matière de décisions politiques sur le continent, par exemple dans le cas du coup d’État au Zimbabwe. Dans ce pays comme en Angola, les intervenants s’accordent à reconnaître que les choses sont plus complexes, du fait de la longue crise de liquidités connue par le premier, et du sentiment de ne pas avoir les clés pour entrer dans le second, où les observateurs se sont révélés incapables d’anticiper les bouleversements récents.

Quel rôle pour la France et les entreprises dans la région ?

Table ronde 2 : Louis Bedoucha (PwC), Stéphane Terranova (HOMT Infrastructures), Stéphane Colin (AfricInvest), Henri de Villeneuve (Cobasa) et Nicolas Northcote (McKinsey).

Table ronde 2 : Louis Bedoucha (PwC), Stéphane Terranova (HOMT Infrastructures), Stéphane Colin (AfricInvest), Henri de Villeneuve (Cobasa) et Nicolas Northcote (McKinsey).

En rappelant que la société d’assurance-crédit Coface classe en C l’Afrique du Sud, en D l’Angola et en E le Zimbabwe, Louis Bedoucha, senior advisor chez PwC, se demande comment attirer les capitaux français. « Il faut voir derrière le rideau et être opportuniste », indique Henri de Villeneuve. L’Afrique australe constitue à ses yeux l’une des zones vibrante du continent, et le Zimbabwe pourrait devenir l’un des « drivers » de la région dans les années à venir. « Ce pays a retrouvé son PIB par habitant d’avant l’an 2000 », poursuit-il.

Aux yeux de Stéphane Colin, président du capital-investisseur panafricain AfricInvest, la constance est le maître-mot et cela se révèle payant à terme. Et de citer la participation de 30 %, initiée en 2013, dans la banque zimbabwéenne NMBZ, aux côtés de la banque de développement néerlandaise (FMO) et du fonds norvégien pour les pays en développement (Norfund) . Il insiste sur l’intérêt pour un investisseur de ne pas quitter un pays où il rencontre des difficultés, mais de persévérer tout en se déployant parallèlement ailleurs, dans des régions proches. Gérant 1,3 Md€, AfricInvest incite les familles locales à vendre quand de bonnes opportunités se présentent, et notamment à des sociétés étrangères, puis à réinvestir avec eux - par exemple comme LP - dans l'économie locale. Selon lui, la normalisation récente des relations de l’Angola avec le FMI laisse augurer une amélioration de la situation des investisseurs, avec un déblocage progressif des capitaux en 2019.

A Louis Bedoucha, qui doute du rôle du private equity en Afrique au regard des besoins parfois primaires et énormes des habitants, notamment en matière d’infrastructures, le président d’AfricInvest indique que les autorités africaines sont désireuses de disposer d’opérateurs d’écoles et d’infrastructures qui fonctionnent, dans la mesure où il existe une classe moyenne prête à payer pour de l’enseignement de qualité. Pour le fondateur de Cobasa, depuis 35 ans installé en Afrique du Sud, la solution réside dans une stratégie bottom up, en investissant dans des niches prometteuses qui créent « par osmose des cercles vertueux ». Et pour Stéphane Terranova, DG de HOMT Infrastructures, lever de la dette en Afrique du Sud ou en Angola ne pose pas de problème, pouvant même déboucher sur du business d’investissement.

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