C’est devenu un sujet sensible chez les LPs. La preuve en est. Pas une semaine sans son article de presse sur les commissions de gestion. Entre le sondage sur les prévisions d’allocation des investisseurs institutionnels, qui déclarent être attentifs aux frais et commissions des fonds, et les annonces récentes de certains gérants sur le niveau de leur commission de gestion, le sujet fait débat.
On en oublierait presque le sujet de la TVA. Pourtant à 20 %, le sujet n’est pas neutre. Le calcul est simple. Pour un fonds de private equity classique, d’une durée de 10 ans, avec une taille de 200 M€ et une commission de gestion à 2 %, cela fait tout de même 8 M€ de TVA…
Alors certes, la gestion de fonds est exonérée de TVA. Du moins en principe…
Ce principe est posé par le code général des impôts. Et en la matière, un revirement est peu probable car le code général des impôts ne fait que transposer une règle européenne. La 6è directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des états membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires dispose que « les États membres exonèrent (…) la gestion de fonds communs de placement tels qu'ils sont définis par les États membres ».
Donc, sauf option contraire de la société de gestion (qui sera alors dispensée de s’acquitter de la taxe sur les salaires), la commission de gestion qui lui est payée par le Fonds - et donc ses LPs - n’est pas soumise à TVA. Mais la Directive AIFM a fait apparaitre un nouveau sujet, voire même une opportunité.
En effet, jusqu’en juillet 2013, les « fonds communs de placement » visaient uniquement les OPCVM à savoir les SICAV et les fonds communs de placement. La gestion de tout autre véhicule d’investissement qui, économiquement s’analysait comme un fonds, mais pas juridiquement, était donc soumise à TVA. Ainsi, la gestion de SCR et de holdings, quand bien même assurée par des sociétés de gestion, était assujettie à TVA. Ce qui en faisait parfois un critère discriminant pour les LPs, préférant le « fonds communs de placement ». Mais avec la transposition de la Directive AIFM, le champ des « fonds communs de placement » a considérablement élargi. A coté des OPCVM, on compte désormais les Fonds d’Investissement Alternatifs, plus connus sous leur acronyme de « FIA » et notamment ce que la loi désigne sous le terme de « Autres FIA », au cœur de notre sujet. Or, assez étonnamment, en transposant la Directive AIFM par voie d’ordonnance, le gouvernement a pris soin de mettre à jour les dispositions du code général des impôts. Mais pas au point de viser les « Autres FIA ». Pourtant, il y a assez peu de place au doute. Il résulte de la combinaison des Directives en matière de TVA et d’AIFM que la gestion d’un FIA devrait être exonérée de TVA…
Alors quand Monsieur le Secrétaire d’Etat au Budget déclarait devant la représentation nationale examinant le PLFR2014, que « l’amendement no 529 tend à soumettre à cette contribution (ie la contribution AMF) les placements collectifs qui ne relèvent pas de la catégorie juridique des organismes de placement collectif, comme certaines sociétés de capital risque et certaines sociétés civiles immobilières, les groupements fonciers agricoles et certaines SICAV, ainsi que les sociétés de gestion étrangères qui gèrent des fonds d’investissement alternatifs de droit français et les fonds étrangers commercialisés en France sur la base d’une simple notification à l’AMF. Il s’agit par conséquent de traiter sur un pied d’égalité toutes les déclarations faites à l’AMF et d’asseoir la contribution au financement de l’AMF sur l’ensemble de ces produits », on aurait aimé que le gouvernement ne traite pas uniquement sur un pied d’égalité les Autres FIA quand cela arrange les finances de l’Etat.
Mais que recouvre la gestion d’un fonds exactement ?
C’est là la seconde question. Et elle concerne tous les fonds, OPCVM et FIA. La gestion est définie par la Directive UCITS pour les OPCVM et par la Directive AIFM pour les FIA. Chaque directive contient une annexe listant les actes et fonctions relevant de la gestion. La Directive AIFM liste ainsi :
« 1. Fonctions de gestion des investissements qu’un gestionnaire exerce au minimum lorsqu’il gère un FIA:
a) gestion du portefeuille;
b) gestion des risques.
2. Autres fonctions qu’un gestionnaire peut exercer à titre complémentaire dans le cadre de la gestion collective d’un FIA:
a) administration:
i) services juridiques et de gestion comptable du fonds;
ii) demandes de renseignements des clients;
iii) évaluation du portefeuille et détermination de la valeur des parts, y compris les aspects fiscaux;
iv) contrôle du respect des dispositions réglementaires;
v) tenue du registre des porteurs de parts/d’actions;
vi) répartition des revenus;
vii) émissions et rachats de parts/d’actions;
viii) règlement des contrats, y compris envoi des certificats;
ix) enregistrement et conservation des opérations;
b) commercialisation;
c) les activités liées aux actifs d’un FIA, à savoir l’exécution des services nécessaires pour que soient remplis les devoirs fiduciaires du gestionnaire, et assurés la gestion des infrastructures, les activités d’administration des immeubles, le conseil aux entreprises concernant la structure du capital, la stratégie industrielle et les questions connexes, le conseil et les services concernant les fusions et les acquisitions, et d’autres services liés à la gestion du FIA et des sociétés et autres actifs dans lesquels il a investi »
La question se pose alors de savoir si l’ensemble de ses prestations ne devrait pas être exonérée de TVA (sauf option), qu’elles soient rendues par la société de gestion du fonds ou par un tiers. La Cour de Justice des Communautés Européennes a eu l’occasion de nous donner quelques pistes dans deux principaux arrêts.
Dans le premier (Arrêt Abbey National plc c/ Commissioners of Custom& Excise, 18 mai 2006), la CJCE juge que “les opérations visées par cette exonération sont celles qui sont spécifiques à l'activité des organismes de placement collectif”, à savoir notamment « celles d'administration des organismes de placement collectif eux-mêmes, telles que celles indiquées à l'annexe II de la directive.” Elle en conclut que “pour être qualifiées d'opérations exonérées …, les services de gestion administrative et comptable des fonds fournis par un gestionnaire tiers doivent former un ensemble distinct, apprécié de façon globale, qui a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles d'un service.”
Dans un second arrêt (GfBk Gesellschaft für Börsenkommunikation mbH, 7 mars 2013), la CJCE se prononçait au sujet des prestations d’une société de conseil en investissement rendues à une société de gestion. La CJCE indique qu’’il faut « rechercher si le service de conseil en placement de valeurs mobilières fourni par un tiers présente un lien intrinsèque avec l’activité propre à une SPC, en sorte qu’il a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles de la gestion d’un fonds commun de placement ». Elle poursuit en jugeant que « des prestations consistant à adresser des recommandations d’achat et de vente d’actifs à une SPC présentent un lien intrinsèque avec l’activité spécifique à celle-ci », que « le fait que les prestations de conseil et d’information ne soient pas énumérées à l’annexe II de la directive … ne fait pas obstacle à leur inclusion dans la catégorie des services spécifiques relevant des activités de «gestion» d’un fonds commun de placement, …que la liste de ladite annexe «n’est pas exhaustive ».
La CJCE conclut donc que « les prestations de conseil en placement de valeurs mobilières fournies par un tiers à une SPC, gestionnaire d’un fonds commun de placement relèvent de la notion de «gestion de fonds communs de placement» aux fins de l’exonération prévue à ladite disposition ».Pour conclure, selon la CJCE, toute prestation ayant un lien intrinsèque avec la gestion de sorte qu’elle a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles de la gestion d’un fonds commun de placement serait exonérée de TVA. Peu importe qu’elle soit réalisée par le gérant ou un tiers au gérant. Peu importe que cette prestation ne soit pas listée en annexe de la Directive.
Alors, sera-t-il nécessaire de saisir la CJCE pour obtenir que le législateur français exonère expressément de TVA la gestion des Autres FIA ?
Voir aussi l'ouvrage :
Les fonds de Capital Investissement - Principes juridiques et fiscaux-3eme édition
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