Le plaisir est affaire de perfection. Je vous ai déjà dit combien la beauté des lieux influe sur la qualité d’un vin. Débutez la visite du château Rollan de By par le petit port de Saint Christoly tout proche. Par le dernier soleil d’automne, ce petit port sur l’estuaire de la Gironde donne un aperçu de ce que raconte le haut médoc. L’estuaire mêle les eaux douces du fleuve à celles salées et puissantes de l’Atlantique. Les couleurs sont également assemblées, du pourpre des vignes enfin au repos au bleu lavé du ciel. Aucun élément ne domine, tous concourent à la beauté des lieux.
Assemblé comme un paysage
La même histoire d’assemblage vous sera racontée par Jean Guyon (photo), le propriétaire esthète des châteaux Rolland de By et Haut Condissas. Les parcelles ne sont pas d’un seul tenant, comme celles des vignobles alignés au cordeau des propriétés de Pauillac ou Margaux. Non, il lui a fallu 20 ans pour assembler ses 60 hectares épars de vignes. Avec une telle palette, Jean Guyon compose. Sa seule ambition est de créer des vins de plaisir. Foin des habitudes rigides du Médoc. Son chai flambant neuf est un véritable laboratoire d’idées iconoclastes. Les cuves en inox y sont plus larges, ses techniques de vinification assemblent le meilleur de la Bourgogne et du Médoc. Surtout, le Merlot, son cépage de prédilection, y est dominant. Jean Guyon a les gestes précis du chef d’orchestre.
Carafe improbable
Sur une table du chai (photo) quatre bouteilles de cépages purs de 2009, un millésime non encore mis en bouteille. Le cabernet franc, le merlot, le cabernet sauvignon et le petit verdot. Le cabernet franc donne toute la puissance de son arôme et de ses couleurs. Ce sera la section cuivre. Le merlot joue les violons, le cabernet sauvignon donne sa délicate partition d’instruments à vent. Et enfin, le petit verdot, apporte la finale inédite. Après avoir goûté les quatre cépages séparément, le surplus est mélangé dans une carafe pour donner l’idée d’un vin d’assemblage. Un improbable breuvage composé d’un quart de chacun des cépages. Le goût inimitable d’un vin qui n’existera jamais. Car une fois en bouteille, c’est le merlot qui s’adjugera 60% de la part.
Surclasse le Haut Brion 2001
Les vins de Jean Guyon sont des idées de plaisir qui rivalisent avec celles qu’on se fait des prestigieuses étiquettes (je vous le disais dans une précédente chronique, je ne les ai jamais vénérées). C’est comme cela qu’il les fait goûter. A sa table, un menu d’automne : soupe de potiron et veau aux cèpes. Trois verres à l’aveugle. Deux vins du même millésime, un dernier d’un millésime différent. Ensuite, c’est l'affaire de chacun. Une seule consigne : classer les vins selon ses goûts. A la fin du déjeuner, quatre d’entre nous avons mis en avant le même verre. Même unanimité pour le second. Le troisième du podium coule de source. Bien entendu, le maître des lieux s’est abstenu de tout classement. Le résultat n’est guère surprenant. De nombreux dégustateurs éminemment plus savants que nous en ont déjà fait l’expérience : le Haut Condissas 2001 se classe devant le Haut Brion de la même année ! Bien construit autour d’une structure classique, le Haut Condissas détonne par son intensité et son élégance. Troisième, le Rollan de By 1998, ne démérite pas.
Jean Guyon a mis dans ses vins tout son savoir faire d’architecte décorateur. Visitez son hôtel 4 étoiles à Bégadan (photo). Dans cette chartreuse du 18ème siècle en pierre blonde, il a aménagé 6 suites. Autour d’une même pièce centrale, le lit à baldaquin, il a construit six atmosphères différentes, élégamment luxueuses.
- Château Haut-Condissas : à partir de 35€, chez Joel Robuchon, et sur les tables du Cinq, Guy Savoy, le Grand Hotel, le Crillon, Maison Blanche...
- Château Rollan de By : à partir de 12€ environ
Site web, revue de presse, tables et notes Parker des vins Rollan de By
Site web de l'hotel Rollan de By
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