Une virée entre amis dans la vallée de l’Agly, ce coin de Roussillon qui débouche sur Maury, sur les derniers contreforts de Pyrénées et au pied des châteaux cathares. Un gros programme de dégustations au menu. Le Mas Amiel bien sur, le Domaine des Schistes, Gauby, Le Clos de fées…, la profusion des vignerons de talent est telle dans cette vallée, que cela nous a donné soif. Nous arrêtons la voiture au centre de Maury devant le Resto cave la Pichenouille. Une allure d’attrape touristes, mais comme il ne faut jamais déguster le ventre vide, nous décidons de casser la croute. Juste un petit frichti et un petit verre, et après on passe aux choses sérieuses ! Le piège ! Les tables sont sympathiques, une ambiance de bar à vin parisien, une cave qui invite à déguster toutes les plus belles bouteilles du coin, et plus encore.
Un Carignan du moment qu'il est vieux ...
Le patron et jovial et pire que tout c’est le rendez-vous de tous ces jeunes fous de vignerons qui font des merveilles en prenant cela à la rigolade. Cela n’a pas manqué : fallait gouter à la production des habitués. Un petit blanc sec un rien oxydé, un rouge gouleyant pour se mettre en jambes. A table ! Une énorme côte de bœuf pour deux, combien ? Une par personne, patron ! Et avec cela ? Les sorcières du clos des Fées, pardi ! Deuxième erreur, il ne faut jamais commencer par un vin aussi riche. Dès la deuxième bouteille, aucun de nous ne pensait sérieusement que nous allions accomplir le circuit initiatique que nous avions concocté. « Hé patron, vous n’avez pas un vieux Carignan ? » Cela n’a pas manqué, j’ai un copain qui ne jure que par le Carignan. Nous sommes toujours prêts à le suivre du moment que le Carignan en question est « vieux ».
Les Coste à travers trois siècles ...
Il y a des limites tout de même ! Jeune, ce cépage produit avant tout des vins violacés et plus rudes que la montée au château de Quérébus sous le cagnard. « J’ai ce qu’il vous faut, répond le patron en carafant une bouteille. Dès la première gorgée, nous nous sommes tous regardé. Une trouvaille ! Et pour du vieux, c’est du vieux. Un coup d’œil à la contre étiquette nous apprend que les vignes ont été plantées en 1875, juste après le phylloxéra par un certain Adrien Coste. Ces vignes ont surmonté trois siècles différents ! Le Carignan se fait velours, il flatte le palais, s’installe, sûr de son effet. Il est bluffant le vieux ! La cuvée « Aux Temps d’histoire » du domaine du Grand Arc. Un étranger à Maury, car situé à quelques kilomètres de là dans les Corbières. Il n’est plus Roussillon, mais Languedoc. Foin de régionalisme, ce vin là mérite les honneurs de la patrie ! Nous rendons immédiatement hommage à cet ancien combattant avec une deuxième bouteille.
Il y a une dizaine d’années, les viticulteurs, Fabienne et Bruno Schenck ont adopté la région, les vignes de la famille Coste et surtout le respect du travail des anciens. Ils n’ont rien retranché, n’ont pas fait du passé table rase. En revanche, ils ont apporté en plus une précision et un sens de la juste maturité des raisins. Chapeau ! Nous ne leur avons pas rendu visite, pas plus qu’aux autres vignerons du programme. Nous avons préféré terminer la journée en plongeant dans l’Agly, rivière vive et rafraichissante.
Domaine du grand Arc - cuvée aux temps d’histoire, environ 13 euros
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