Octobre et ses premières pluies indiquent qu’il est temps de prendre ses quartiers d’hiver. Direction Marseille, la seule ville capable de me réconcilier avec l’automne. Ici plus qu’ailleurs, quand on a une idée, il faut la mener à terme. Prenez la corniche mais prenez là jusqu’au bout. Car à la fin de cette route se trouve la calanque de Callelongue, la partie la plus grecque de la citée phocéenne. Niché au fond d’un cirque calcaire sauvage, le petit port avec ses maisons bancales et surtout le restaurant La Grotte dont la décoration grand siècle offre un peu de ce mauvais gout qu’on apprécie tant à Marseille. Le site est magnifique , la terrasse rêvée et la cuisine de grande qualité. Choisissez un poisson du jour, il sera le meilleur prétexte à ouvrir la carte des vins. Installé ici, ce n’est pas le moment de flancher, ni d’hésiter. Ne laissez pas vos amis entamer de ces discussions stériles : on prend un rosé ou un rouge, une bouteille ou un pichet ? Vous n’avez pas fait un millier de kilomètres pour ergoter sur la qualité du vin. Ce sera un château Simone blanc ! Vous ne pouvez pas vous tromper c’est le flacon le plus cher de la carte.
Mais aussitôt, château Simone effacera tous les mauvais souvenirs de vins de Provence. Un soir pour oublier des décennies de vacances dans le Sud, cela n’a pas de prix. Seul, ou presque, domaine de la microscopique appellation Palette, le château Simone domine dans les trois couleurs. Même si le blanc, majoritairement vinifié à partir du cépage Clairette, est le seul vin capable d’entrer dans la cour des grands blancs de notre pays.
Son nez développe des notes florales qui répondent agréablement à sa belle robe dorée. Mais c’est la bouche qui donne toute la mesure. Franche, développant ce beau gras si fragile qu’il faut toute la rigueur de l’élevage du vin pour ne pas perdre l’équilibre. Pensez un instant à Paris, puis regardez autour de vous. Cela ne fera que décupler votre bonheur.
C’est dans ce sens qu’il faut aborder le château Simone. De Marseille à Aix en Provence, de la franche camaraderie marseillaise à la distance aristocratique aixoise. Car le domaine est situé aux portes d’Aix en Provence. Attention, château Simone n’est plus tout à fait en Provence, il est déjà en Toscane. Tout y rappelle l’Italie. La frontière entre les faubourgs de la ville et le domaine est marquée symboliquement par le passage d’un petit pont romain, étroit et pierreux. Puis s’ouvre les grilles du domaine et au bout d’une très longue avenue pentue : le château. La veille, vous en avez eu un aperçu sur l’étiquette de la bouteille. Il manquait simplement les couleurs, les cyprès, la légèreté de l’air et les montagnes en fond. Il manquait la Toscane. « Château Simone, Théatre des grands vins », telle est la signature du domaine, un peu pompeuse il faut le reconnaitre.
La terrasse du château est l’endroit le plus magique, elle donne sur les petites parcelles de clairettes orientées vers le Nord. Il n’y a pas de grand vin qui ne naisse dans un bel endroit. Seule déception, on ne peut pas, ou du moins je n’ai pas pu, déguster les vins en cave. Mais vous pouvez acheter sans risque le rouge, le rosé et surtout le blanc que vous avez gouté à Callelongue. Ensuite, allez saluer la Sainte Victoire. Une fois par an, j’ai besoin de voir cette montagne sacrée. C’est vital.