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The Next Big Thing : révolution digitale, la mauvaise réponse des publicitaires


| 1313 mots

Face à la rupture digitale, la 1ère réponse "stratégique" dans les années 98 à 2000 des grands réseaux publicitaires a été d’acheter des "web agencies". Après une période purgatoire, de nouveaux fleurons du web ont émergé et viennent chatouiller les grandes agences traditionnelles. Mais cet empilement d’agences qui fonctionnent encore en silos, offre-t-il la bonne réponse stratégique à moyen terme face à la révolution digitale? Réponses dans cette chronique.

La révolution digitale, avec les nouveaux usages et services qu'elle introduit et diffuse, bouscule de nombreux métiers et secteurs d'activités. On a vu par exemple en quelques années le monde de l'édition musicale perdre ses bastions, puis imploser devant l'irruption des services de téléchargement pirates (Napster) puis l'avènement des services légaux de streaming (Deezer, Spotify, Last FM...). La réaction des patrons des grandes maisons d’éditions marquée par une absence de vision stratégique, faite d’incompréhension, d’aveuglement, d’incrédulité puis de tentatives dérisoires de protectionnisme (DRM sur les CD puis les MP3, offres de téléchargement légales anémiques et surtaxées, lobbying Hadopi…) a de mon point de vue précipité l’industrie musicale dans le gouffre.

Un naufrage programmé

Le plus affligeant est que ce naufrage ne semble pas devoir servir de leçon aux industries cousines que sont le cinéma, la télévision et l’édition à leur tour menacées par de nouvelles ruptures technologiques et habitudes de consommation : déploiement du haut débit (40 millions d'abonnés en France!) puis du très haut débit, adoption massive des box "triple-play" qui démocratisent la Video On Demand (VOD) et la Catch-up TV, développement du marché des eBooks tiré par Apple et Amazon sur un modèle de plateforme de distribution de fichiers adossé à un terminal nomade (iTunes + iPad, et Amazon.com + Kindle). Là encore les acteurs de ces industries semblent privilégier une approche protectionniste et court-termiste. Ainsi, comme l'industrie musicale se bouchait les oreilles, les grandes maisons d'édition pensent être épargnées par le tsunami digital en se cachant les yeux.

En effet la riposte est ridicule :

  • catalogue d’eBook anémique : 10.000 références disponibles en français
  • pricing délirant : les fichiers numériques sont proposés à la vente au même prix voire plus cher que leur équivalent imprimé ;

Faisant ainsi le jeu des grands prédateurs tels qu’Apple ou Amazon.

Destruction créatrice

L’industrie de la publicité est elle aussi confrontée à la rupture schumpétérienne (de "destruction créatrice") que porte la révolution digitale. Sur le front des médias on assiste à un bouleversement des usages et une redistribution rapide des cartes sur le potentiel d’influence des grands média :

  • La télévision se délinéarise grâce à la Catch-up et à la VOD.
  • Les jeunes générations délaissent massivement la consommation de télévision au profit d’Internet et en particulier des médias sociaux.
  • Internet a détrôné le potentiel d’influence de la reine Télévision sur les décisions d’ achat

La logique de broadcasting, de consommation de masse d’un programme unique, de prime-time et autre carrefour d’audience qui faisait le lit des stratégies publicitaires est fortement compromise au profit d’une consommation de contenu individualisée et à la carte. La télévision ayant de moins en moins de "temps de cerveau disponible" à vendre, les publicitaires doivent d’urgence réinventer leur métier. Et franchement je doute que la diffusion de films de pub sur YouTube sous prétexte de "nouveaux médias" suffise à sauver le coup !

Mais Internet fait plus que secouer l’univers médiatique parce qu’en plus d’être un nouveau média, c’est aussi et surtout :

  • Un nouveau canal de distribution (e-commerce),
  • Une révolution de l’essence même de la consommation où l’ accès prime sur la possession (j’écoute de la musique en streaming en payant un abonnement plutôt que d’acheter et de stocker des disques),
  • Un bouleversement des rapports de force entre les marques et les consommateurs (les consommateurs en réseau peuvent émettre des messages, diffuser des contenus et orchestrer des campagnes de communication plus puissantes que celles des marques)
  • Un média nomade (je me connecte où je veux depuis ma tablette, mon portable, ma flat-TV connectée...) et délinéarisé (c'est quand je veux).

… et cette liste n’’est pas limitative ! Et là encore toutes ces dimensions viennent ébranler le sacro-saint tryptique du savoir-faire et des métiers classiques de la publicité au sens large : 1-pub, 2-marketing direct, 3-promotion.

Leaders indépendants

Face à ces ruptures digitales, la 1ère réponse "stratégique" dans les années 98 à 2000 des grands réseaux publicitaires (BBDO, TBWA, DDB, WPP…) a été d’acheter des "web agencies". Souvent, pour ne pas dire toujours, ces acquisitions faites à prix d’or n’ont pas tenues leurs promesses notamment en raison de l’explosion de la 1ère bulle Internet en 2000 et les vilains petits canards du web ont été relégués à la cave pour expier leur crime de lèse-PNL.

Après une période purgatoire de 2001 à 2006, de nouveaux fleurons du web ont émergé, prenant pignon sur rue et venant chatouiller les grandes agences traditionnelles. Souvent - et c'est très révélateur - ce sont des agences indépendantes des grands réseaux internationaux qui se sont imposées comme leader du marché des web agencies.

On peut citer par exemple pour le marché français Duke, FullSix, Business Interactif, ou à l’international Digitas et Razorfish. A partir de 2007, Publicis, qui avait eu la prudence de ne pas faire d’acquisitions hasardeuses dans les années 2000, s’est lancé dans une vaste campagne de croissance externe en s’appropriant pas moins que les deux premiers réseaux mondiaux web que sont Digitas et Razorfish, plus probablement les plus belles agences du marché français avec Business Interactif (qui devient le Digitas France) et Duke (le Razorfish France). En 2010 le digital, très largement grâce à ces opérations pharaoniques de croissance externe, pèse près de 25% du chiffre d’affaire du groupe Publicis, dont par ailleurs le business traditionnel s’effrite lentement mais sûrement.

Nécessaire catalyse

Mais cet empilement d’agences qui fonctionnent encore en silos, s’il sauve les apparences en terme de résultats financiers (la destruction d'un métier en obsolescence finance la croissance créatrice de l'autre) offre-t-il la bonne réponse stratégique à moyen terme face à la révolution digitale ?

Car au fond l’enjeu n’est pas tant de proposer des services digitaux à côté des services de publicité et de marketing services classiques pour augmenter "la surface en linéaire" vis à vis des annonceurs, mais bien de réinventer les métiers de la publicité au sens large. Pour revenir à notre comparaison initiale, l’enjeu n’est pas tant de proposer quelques livres numériques dans un coin à côté des étagères de « vrais » livres mais de réinventer les logiques et les modes d’édition en même temps que la distribution de livres.

Il me semble que pour l’heure aucun groupe publicitaire ne s’est réellement affronté à cette question, celle, au fond, de la meilleure façon de " catalyser" les interactions entre digital et traditionnel, numérique et papier, campagnes et réseaux sociaux, e-commerce et enseignes. "Digital-catalyst", un vrai métier pour les stratèges de demain !

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