Le crowdfunding est un mode de financement qui repose sur la sollicitation d'un grand nombre de donateurs individuels. C'est le mode de financement historique des associations et fondations. On le retrouve typiquement dans 3 catégories de projets :
- Donations : des individus donnent de l'argent pour voir un projet "cool" aboutir.
- Pre-customers : des individus versent de l'argent pour pré-acheter le produit ou service voulu (exemple : MyFab - voir l'article CFnews) qui sera alors construit ou délivré.
- Revenue share : des individus investissent dans un projet dans le but de participer au succès du venture
Mon cinéma à moi
Avec l'essor du web 2.0 et des réseaux sociaux ,et la diffusion des plateformes de paiement en ligne type Paypal le crowdfunding a trouvé de nouveaux terrains d'utilisation. D'abord dans l'industrie culturelle avec des projets pionniers pour financer des films ou des disques. On peut citer par exemple pour la France MyMajorCompany (voir l'article CFNews) qui est un site de financement d'artistes musicaux, ou Guyom Corp qui a permis le financement du film Demain la Veille.
Puis depuis quelque temps on assiste à l'essor de services de crowdfunding dédiés au financement de start-up. On parle aussi dans ce cas d'Open Investment et on peut citer par exemple 40billion.com, crowdcube.com, capangel.com, cofundit.com, growvc.com, vencorps.com, seedups.com, ulule.com, Profounder, Kickstarter… Même Oséo n'en est pas très loin : à quand un InvestNet ouvert au crowd ?
Ces services reposent à peu près tous sur le même principe : mettre en relation via leur plateforme des porteurs de projets à la recherche de capital et des investisseurs individuels qui cherchent des opportunités de placement et des projets à soutenir. Ils offrent une alternative très intéressante pour les entrepreneurs aux modes de financement classique: emprunt bancaire, subventions à l'innovation, love money, business angel et capital risque.
Wisdom Of The Crowd
Ce modèle séduisant et innovant a-t-il le potentiel de représenter une menace réelle et sérieuse pour l'industrie du capital risque ?
Le crowdfunding repose sur la mobilisation de l'intelligence collective des investisseurs potentiels (
wisdom of the crowd). Il y a donc fort à parier que ce type de financement soit plus ouvert à des projets innovants originaux et sortant du cadre des projets habituellement financés par les VC. Les risques étant par définition répartis sur l'ensemble des investisseurs, ils seront sans doute plus enclins à s'aventurer hors des sentiers battus. La contrepartie est que la sélection des dossiers étant moins rigoureuse et cadrée, le nombre de réussite sera sans doute proportionnellement plus bas. C'est aussi une forme de désintermédiation, les VCs et aussi les conseils en levée de fonds se trouvant court-circuités - et leurs fees par la même occasion.
Limitation 2.0
Le système, séduisant en apprence - et terriblement web 2.0 - trouve certainement sa limite une fois passé l'étape "seed" ou amorçage. Lorsque des sommes plus importantes sont nécessaires pour achever le développement d'un produit (en biotech / médical, en robotique par exemple) et qu'un 2ème, 3ème tour sont nécessaires, comment réaligner les intérêts du "crowd" initial qui risque de se décourager ? Ou faut-il mobiliser un plus grande foule? Comment l'entrepreneur gérera alors (sans recourir à des montages ou pactes complexes qui deviendront une barrière à l'entrée) la multitude de ses actionnaires ? Et, alors que la France offrait à un tel système un avantage majeur avec les avantages fiscaux liés aux FIP/FCPI, leur disparition programmée limitera son expansion dans l'hexagone - qui pourtant a bien besoin d'un dispositif de "seed capital" cher à mon collègue Diogène (lire ses Chroniques du Private Equity dans CFnews)
Que mille fleurs...
Parions plutôt sur une coexistence pacifique, voire une symbiose. Oui, le modèle "pre-customer" se développera en permettant au plus grand nombre d'accèder à des "éditions limitées" d'un produit. Oui, certains entrepreneurs atypiques, qui se lanceront en dehors des sentiers balisés du financement, bénéficieront d'un coup de pouce au démarrage, qu'ils n'auront certainement pas trouvé ailleurs (business angels, venture, ou banques), à condition que leur innovation soit immédiatement compréhensible au plus grand nombre et que les perspectives de retour financier soient claires. Que mille fleurs s'épanouissent, et espérons que le capital risque "classique" y trouvera un nouveau vivier pour amener ces entreprises aux niveaux supérieurs…
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