The Next Big Thing -Biotech : le vieillissement, source de jouvence du venture?

Le raccourcissement des chromosomes avec l'âge semble être l'une des clés du vieillissement et est devenu un sujet d'étude majeur dans les laboratoires du monde entier. Vaxon, Pharminox, Biovex, Syntivia, Ipsogen, U3 Pharma , autant de chercheurs - et de levées de fonds - sur l'éternelle jeunesse?

C'est en fait l'évolution des télomères qui suscite cet éternel espoir de l'espèce humaine : la jeunesse éternelle. Le télomère est l'extrémité (la partie distale) des chromosomes, ces hélices enroulées très serrées au centre de chacune de nos cellules comme une spire de ressort, et qui encodent ce que nous sommes, notre identité génétique. Et c'est bien sûr valable pour tous les organismes vivants de notre planète - et peut être même ailleurs dans l'Univers, autre éternelle interrogation de notre espèce.

Et autre quête inhérente à notre espèce : celle de la conquête d'un fabuleux marché, et des énormes profits financiers à la clé. Un petit tour dans les bases de données de CFnews retourne spécifiquement sur les thèmes approfondis ci-dessous (vieillesse et cancer) 23 opérations dont 15 levées (5 pour la seule Biovex) , 3 IPOs, 3 M&As, et 2 LBOs. Quand aux sorties... il y en a et on y reviendra (et tableau récap ci-dessous).

Un peu de médecine

Regardons d'un peu plus près - de beaucoup plus près même, puisque l'échelle à laquelle nous nous situons (on parle de biotech) est celle du milliardième de mètre. Nous savons tous que que les cellules savent se diviser, c'est à dire qu'une bactérie, par exemple, peut se reproduire en se scindant pour donner… deux bactéries. Ce faisant, les chromosomes contenus dans la cellule initiale se dupliquent, de sorte que la cellule fille contient exactement le même code génétique que la cellule d'origine, ce code définissant ce qu'elle est et régissant, par une cascade de réactions biochimiques autorégulées, son fonctionnement.

Ce qui paraît très simple à l'échelle d'un organisme unicellulaire l'est un peu moins à notre échelle à nous, organismes humains complexes constitués de milliards de cellules. Au départ nous sommes issus d'un oeuf (ovule), dûment fécondé par diverses méthodes, et qui contient le mélange aléatoire du code génétique des deux parents mâle et femelle. Cet unique cellule oeuf doit donner neuf mois plus tard naissance à un bébé complet en se multipliant de très nombreuses fois mais aussi et en parallèle… en se différenciant de manière pilotée pour donner des cellules spécialisées qui vont constituer nos différents tissus. Et cela va se poursuivre pendant la croissance pour donner un(e) adolescent(e) bouillonnant de cellules, puis un adulte… qui va vieillir. Cette science de l'embryologie, qui explore des mécanismes très complexes de croissance différenciée contrôlée, est aussi fascinante que mal connue.

Fini les rides?

Or on observe que l'oeuf initial, la cellule "totipotente" qui contient à la fois le code génétique qui définit l'individu final mais aussi le "programme" qui va orchestrer son développement, possède des télomères très longs. Ceux du bébé aussi et ce pendant sa croissance, puis… ils raccourcissent à l'âge adulte. D'où une première interprétation : les télomères sont le régulateur de la division cellulaire contrôlée, l'organisme ayant moins besoin de multiplication cellulaire puisqu'il abandonne la croissance tissulaire pour passer en mode "maintenance". Dit autrement, la croissance cellulaire grignote l'extrémité des chromosomes, et ce grâce à l'inactivation progressive d'une enzyme, la télomérase (photo), et s'autorégulerait puisque moins on en a besoin, plus le chromosome est court. En plus, une activité anormale de la télomérase est observable dans nombre de "maladies qui filent un coup de vieux" : certains cancers, le vieillissement prématuré, les maladies cardiovasculaires précoces.

Alors, Mesdames, vous-direz vous, un peu de télomérase, et fini les rides? Toujours pas si simple. N'oublions pas que le vieillissement a aussi une vertu biologique : celle de réduire les risques de transformation de cellules saines en cellules prêtes à se multiplier de façon anarchique, c'est à dire en… cancers. Ces derniers sont toujours latents, prêts à échapper au "pilotage" de la division cellulaire à l'occasion d'une division. Les chercheurs ont observé que le raccourcissement des télomères - et donc le ralentissement de la multiplication des cellules - fait aussi intervenir des anti-oncogènes. Donc Mesdames, la crème de soins à la télomérase serait… cancérigène, on vous préfère donc comme vous êtes.

Investissements convergents

C'est pourquoi les chercheurs s'orientent vers d'autres pistes en parallèle : si la longueur des chromosomes est un facteur reconnu du vieillissement, ce n'est qu'un facteur parmi d'autres, et qui semblent étroitement liés à la recherche sur le cancer. Comme toujours en biologie, tout est une affaire d'interactions et de régulation : les liens avec le métabolisme (activité mitochondriale), les radicaux libres de l'oxygène et donc in fine le style de vie sont des pistes prometteuses.

Les chercheurs et leurs investisseurs ne s'y sont pas trompés puisque la seule Biovex, après avoir levé 104 M€ en 5 tours, s'est revendue à l'américain AmGen… 730 M€ en ce début d'année. Dans tout le secteur "Biotechnologies", ce sont 448 deals France et cross-border que nous indiquent les bases de données de CFnews, dont 235 levées de fonds totalisant… 1,52 Md€ depuis 10 ans. Et la plupart de sociétés sont actives dans les mécanismes cellulaires plus ou moins liés à la multiplication, au cancer et à la sénescence.

Sur ce même secteur, on recense 26 sorties totalisant (pour les seuls montants disclosés)… 2, 87 Md€ se répartissant notamment entre 7 LBOs, 14 IPOs, et 13 M&A…

C'est en fait une course à la convergence, le(s) gagnant(s) sera probablement celui qui aura acquis le plus d'équipes dont les sujets de recherches s'avèreront former le bon mix", celui de l'élixir de jeunesse. Un bain de jouvence donc pour les venture capitalists... Mais, comme dans un roman de Barjavel ("Le Grand Secret"), faudra-t-il le laisser entre les mains du secteur privé? Un thème récurrent, celui des ponts entre la recherche publique et privée, que je laisse à un prochain billet.

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