Afrique : Jumia, Carrefour, Mowali, Ecolia Labs...

#29 : Carrefour et Jumia s'allient ; nouvelle JV d'Orange et MTN ; Bolloré finance Ecolia Labs ; Yusudi... Chaque semaine, CFNEWS résume l'actualité économique en Afrique.

Distribution & e-commerce : Jumia / Carrefour (Afrique / France)

Carrefourse renforce en Afrique grâce à un partenariat historique avec Jumia (ex-Africa Internet Group), qui lui permettra de référencer ses produits sur la plateforme d’e-commerce de la première licorne du continent. Dans un premier temps, seuls les pays où les deux groupes sont déjà opérationnels seront concernés, à savoir le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Sénégal. Cette alliance résulte d’accords commerciaux entre Jumia et les partenaires locaux du géant français de la distribution, Majid Al Futtaim au Kenya et CFAO Retail pour la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Sénégal (via la JV Adialea, co-entreprise de Carrefour et de CFAO).

Surnommé « l’Amazon » ou « l’Alibaba africain », Jumia a vu le jour en 2012 au Nigeria et a levé plus de 600 M€ en six ans d’existence, dont la moitié lors du tour de table de 2016, qui a réuni les français Orange et Axa, l'allemand Rocket Internet et le sud-africain MTN (relire l’article CFNEWS Africa Internet Group fait affaire avec deux industriels français). Employant 3 000 salariés et collaborant avec 50 000 vendeurs, la pépite panafricaine est actuellement opérationnelle dans quatorze pays du continent. Si elle n’est pas encore rentable, elle a enregistré 8 millions de commandes l’an dernier, prévoit d’en atteindre 15 à 20 millions cette année et vise 1 Md€ de volume d’affaires en 2019.

En s’appuyant sur Jumia, Carrefour - fort d’un chiffre d’affaires de 88,2 Md€ l’an passé - entend accroître son rayonnement en Afrique, où il est présent en franchise dans sept pays avec des partenaires locaux dans 227 magasins. Le groupe français coté y avait déjà tenté une incursion sur le web, à travers le site Africashop, expérience ayant avorté en juin dernier. Partenaire de longue date de Carrefour, Majid Al Futtaim compte 250 magasins au Moyen-Orient et en Afrique dont six au Kenya. Lancée en 2013, la JV CFAO Retail, détenue à 55 % par CFAO (filiale française du groupe japonais TTC et leader de la distribution pharmaceutique et automobile en Afrique) et à 45 % par Carrefour, bénéficie d’un droit exclusif de distribution lui permettant de développer différents formats de magasins Carrefour en Côte d’Ivoire (où il vient d’inaugurer sa troisième implantation commerciale), au Cameroun et prochainement au Sénégal.

Services financiers : Mowali / Orange / MTN (Afrique / France)

Le géant français des télécoms Orange et le sud-africain MTN, deux des plus grands opérateurs de mobile money en Afrique, lancent une joint-venture pour permettre l’interopérabilité des paiements sur l’ensemble du continent. Baptisée Mowali, cette plateforme de connexion entre fournisseurs de services financiers et clients rend possible tout transfert de fonds entre comptes de mobile money, en temps réel et à coût réduit, quel que soit l’opérateur et le pays. L’objectif de cette co-entreprise est d’accroître l’usage des services de mobile money, tant auprès des utilisateurs que des commerçants. Elle devrait également favoriser l’innovation dans l’écosystème des services financiers mobiles à travers le continent. Comme le souligne Stéphane Richard, P-dg d’Orange, « accroître l’inclusion financière en utilisant les technologies du numérique est un élément essentiel pour le développement économique de l’Afrique ». L’opérateur français est présent dans vingt-et-un pays d’Afrique et du Moyen-Orient, à l’instar de MTN Group. Tandis que le premier revendique 121 millions de clients dans la région (soit un Africain sur dix), le deuxième, fondé en 1994 et coté à la Bourse de Johannesbourg, y recense plus de 225 millions d’abonnés. A l’heure actuelle, Mowali regroupe plus de cent millions d’abonnés des deux sociétés télécoms ; à terme, elle devrait interconnecter les 153 services mobile money déployés sur le continent, représentant 338 millions d’abonnés. Grâce à cette JV, MTN et Orange pourraient multiplier par quatre, d’ici fin 2019, le volume de transactions financières dans le mobile money en Afrique, estimé à 1,2 milliard en 2017, pour une valeur financière de 17,6 Md€.

TIC : Ecolia Labs / Bolloré (Cameroun / France)

L’incubateur et centre d’innovation technologique Ecolia Labs, qui regroupe des startuppers camerounais, vient de recevoir un financement d’un montant de 15,2 K€ (10 MFCFA) du groupe Bolloré. Cet apport permettra la mise en œuvre de la première phase d’un projet d’orientation des jeunes vers l’entrepreneuriat numérique. Au terme de la première année, les deux partenaires espèrent former mille jeunes dans les métiers du numériques, incuber cent start-up, créer cinq cents emplois directs, et installer un Tech hub à Douala, la capitale économique du Cameroun. Étudiants et demandeurs d’emploi devraient être les principaux bénéficiaires de cette initiative qui s’inscrit dans le cadre du développement de l’économie numérique du pays. Fondé en 2014 par Yves Cédric Ntsama, Ecolia Labs a déjà formé plus de trois cents personnes et incubé une dizaine de start-up actives dans la edtech, par exemple Afrika Akiri (plateforme de partage de compétences sur les défis de développement durable) ou Zukulu Games (jeux vidéos éducatifs). En septembre dernier, il a intégré Afric’innov, un programme financé par l’Agence Française de Développement (AFD) et la Banque Mondiale, qui vise à développer des services d’appui aux incubateurs africains et à tester de nouveaux mécanismes de financement d’amorçage pour les porteurs de projets.

Éducation & formation continue : Yusudi / GreenTec Capital Partners (Kenya / Allemagne)

Au Kenya, l’institut de formation Yusudi fait entrer à son capital le fonds d’investissement allemand GreenTec Capital Partners pour un montant non divulgué. Fondée en 2015 par deux jeunes entrepreneuses, Charlotte de Ridder et Anastasia (Nastia) Gutso, la start-up kényane a vocation à préparer les jeunes kényans aux attentes du marché et de les placer directement dans des entreprises. Spécialisée dans le développement personnel, elle propose des cours d’apprentissage mixte, alliant formation, mentorat et stage pratique. Comptant deux cents moyennes entreprises parmi ses partenaires, principalement dans les secteurs de l’informatique et du marketing, elle devrait poursuivre son développement en Afrique de l’Est grâce à cet apport financier. Pour étendre son impact, elle souhaite numériser ses contenus et les rendre accessibles via un nouvel outil de cours en ligne qu’elle compte mettre sur pied. D’ici 2023, l’institut espère attirer plus de 300 000 utilisateurs sur cette plateforme, qui offrira - sur abonnement - des cours en ligne personnalisés grâce à l’intelligence artificielle. Les co-fondatrices espèrent vendre cet outil à des écoles et des entreprises. Basé à Francfort-sur-le-Main, GreenTec Capital Partners dispose aussi de bureaux à Paris, Addis Ababa en Éthiopie et Lagos au Nigeria. Ciblant les start-up et PME africaines, il a notamment pris des participations, au cours des derniers mois, dans la société de logistique nigériane Parcel-It et l’agrégateur d’assurance kényan Bismart Insurance.

Bourse - Immobilier & Éducation : Cira (Égypte)

Le groupe d’éducation privée Cairo for Investment and Real Estate Development (Cira), spécialisé dans le développement, la promotion et la gestion d'actifs immobiliers (établissements scolaires et sanitaires et bâtiments administratifs), s’est introduit récemment sur l'Egyptian Stock Exchange, pour un montant de 59,1 M€ (1,2 Md de livres égyptiennes). Fondé en 1992, c’est le plus important groupe d’éducation privée du pays, mais il est également actif dans les secteurs de l’immobilier, de l’ingénierie et de la construction, l’informatique, la formation professionnelle ou encore la santé. L’égyptien EFG Hermes Promoting and Underwriting, conseillé par Gide, est intervenu en qualité d'unique coordinateur global et teneur de livre. Plus de 200 millions d'actions ont été émises par voie d'offre au public dans le pays, et par placement privé réservé à des investisseurs institutionnels dans plusieurs juridictions, notamment à des investisseurs institutionnels qualifiés aux États-Unis.

Bourse - Aménagement & habitat : Al Omrane (Maroc)

Le marocain Al Omrane (HAO), premier opérateur d’aménagement et de l’habitat du pays, vient de lever sur le marché financier national près de 100 M€ (1 Md de dirhams), grâce une émission obligataire par appel public à l’épargne sous forme d’obligations de type « Social & Green Bonds » (la première émission de ce type au Maroc). L’opération d’une maturité de dix ans a enregistré 761 M€ ( 8,2 MdDH) de souscription, principalement auprès d’investisseurs institutionnels dont les OPCVM, les établissements de crédit, les compagnies d’assurance et les organismes de retraite. La moitié des fonds récoltés sera consacré au soutien du plan de développement du groupe ; l’autre refinancera des projets à impacts sociaux et des projets à impacts environnementaux. Né en 2007 de la volonté de l’État de créer un opérateur-aménageur pour la mise en œuvre de sa politique en matière d’habitat et d’aménagement urbain, Al Omrane réalise 464 M€ de chiffre d’affaires annuel (5 MdDH). Il est présent sur l’ensemble du royaume à travers ses quatorze filiales et quarante-trois agences, plus une représentation à Paris. Selon Badre Kanouni, le président du directoire du groupe, son action aurait déjà permis d’« améliorer les conditions d’habitat de 5 millions de Marocains dans le cadre de la mise à niveau urbaine, et autour de 1,5 million d’habitants dans le cadre des options de l’habitat insalubre ».

Bourse - Banque : Bank of Kigali (Rwanda / Kenya)

Comme annoncé dans le bulletin du 5 juin dernier, Bank of Kigali, la première banque commerciale rwandaise avec 6,3 Md€ d’actifs, réalise cette semaine une opération de cross-listing à la bourse de Nairobi (NSE) au Kenya. Introduite à la Rwanda Stock Exchange (RSE) en 2011, dans le cadre d’une offre publique initiale, elle souhaite élargir sa base d’investisseurs et accélérer l’intégration des marchés régionaux. Elle espère grâce à cette cotation secondaire lever 60,3 M€ (7Md de shillings kényans) par augmentation de capital, afin de financer son expansion. Ses principaux actionnaires sont le gouvernement rwandais (29,5 %), la Sécurité sociale rwandaise (25,1 %) et les investisseurs institutionnels internationaux (14 %).

Nomination - Bourses : Association des Bourses Africaines

L’Association des Bourses Africaines (ASEA), composée des bourses de Johannesburg, de Casablanca, de Nairobi, d’Accra, de Douala, du Caire, de Kigali, de Gaborone et de la BRVM (UEMOA), vient de mettre en place son nouveau comité exécutif pour un mandat de deux ans. Karim Hajji, DG de la Bourse de Casablanca a été élu président et le Togolais Edoh Kossi Amenounve, DG de la BRVM, vice-président. Le tandem pilotera la nouvelle stratégie de l’association ainsi que le processus d’intégration des bourses Africaines (« African Exchange Linkage Project ») pour un meilleur financement des économies du continent.

Nomination - Électronique : Thales (Maroc / France)

Le groupe coté français Thales, spécialisé dans l'aérospatiale, la défense, la sécurité et le transport terrestre, vient de nommer Hicham Alj au poste de directeur général pour le Maroc. Précédemment Customer Operations - Global Head of E2E Cloud Sales chez Nokia à Dubaï, il possède plus de vingt-deux ans d’expertise dans le domaine de la transformation numérique, du cloud, de la sécurité de bout en bout, sur des projets de développement commercial et de conduite de programmes. Thales est présent dans le royaume chérifien depuis plus de quarante ans dans les domaines civils et militaires.

Ouvrage : Africa’s Business Revolution: How to Succeed in the World’s Next Big Growth Market?

Le conseil en stratégie américain McKinsey publie une nouvelle étude sur le « potentiel de croissance extraordinaire de l’Afrique », huit ans après son rapport sur les progrès et potentiels des économies africaines. Selon les auteurs d'Africa’s Business Revolution, « les entreprises qui y réussissent le mieux sont souvent des sociétés africaines, même si leurs fondateurs sont parfois occidentaux, indiens ou chinois. Les organisations les plus rentables dans la durée sont aussi celles qui ont démontré une tolérance plus élevée au risque, celles qui sont prêtes à adapter leurs produits, mais aussi leurs modes de production et de distribution aux exigences des consommateurs africains, et enfin celles qui investissent et développent leurs activités dans une perspective de long terme. » Parmi les entreprises africaines ayant su convertir des opportunités en valeur ajoutée durable, sont cités le conglomérat nigérian Dangote Industries et Jumia, pionnier du commerce électronique fondé par deux co-directeurs généraux français, Jeremy Hodara et Sacha Poignonnec. On évalue à 4 945 Md€ (5 600 Md$) le montant total de dépenses de la part des consommateurs et des entreprises d’ici 2025 en Afrique.

Événements :

• RAPPEL - ÉVÉNEMENT en partenariat avec CFNEWS : Paris (Hôtel Crillon), 10 décembre : première conférence « De nouveaux regards sur l'Afrique ». Cobasa , société de conseil en investissement fondé en 2001 par Henri de Villeneuve , organise un petit-déjeuner / débat sur le thème « Angola - Zimbabwe - Afrique du Sud. Les têtes tombent : quelles leçons en tirer ? ». Cette première conférence consacrée à l'Afrique australe inaugurera une série de débats concernant la position de la France et de son influence sur le continent africain, notamment en termes d'investissements. → S'inscrire (date limite : vendredi 7 décembre).
• Marrakech (Villa Janna), 11-13 décembre : édition inaugurale d'African Crossroads, sous l'égide de Hivos (organisation d’aide au développement basé au Pays-Bas), qui rassemble entrepreneurs, informaticiens, concepteurs, chercheurs, artistes et philosophes africains, dans le but d’échanger des connaissances et de façonner l’avenir des sociétés africaines.
• Conakry (Guinée), 27 février - 1er mars 2019 : deuxième édition de l’Africa Building and Industry Guinée Conakry, salon organisé par le centre d'information CDI Maroc en collaboration avec le Ministère de l’Industrie des PME et le Ministère du Commerce de la Guinée, sous le thème « Le bâtiment et l’industrie, vecteurs du développement en Afrique ».

Et aussi...

• Fondé en février dernier, le cabinet français de stratégie et management Kristena Consulting s’installe à Abidjan, dans le cadre de la promotion de la démarche du développement durable (DD) et de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) en Côte d’Ivoire. Il s’agit en effet de l’un des pôles d’expertise de ce cabinet fondé et présidé par Denis Gnanzou, auparavant DG du développement durable au sein du Ministère de l’environnement de Côte d’Ivoire.
• Le Groupe de la Banque Mondiale lance le programme d’accélération L’Afrique Excelle à destination des entrepreneurs d’Afrique francophone. D’une durée de six mois, il soutiendra les vingt start-up les plus prometteuses du secteur numérique, notamment via des financements de 221 K€ à 4,4 M€. Le programme prévoit également deux formations résidentielles d’une semaine, dont l’une à Paris qui s’achèvera par un pitch final lors de VivaTech 2019, où les entrepreneurs présenteront leurs société. Orange Digital Ventureset Investisseurs et Partenaires (I&P)figurent parmi les partenaires de L’Afrique Excelle.
• La plateforme en ligne digital-africa.tech de l’accélérateur Digital Africa vient d’être lancée lors du sommet international des start-up africaines Emerging Valley à Aix-en-Provence (voir “L'AFD dote Digital Africa d’un fonds” dans le bulletin du 29 mai). Elle rassemblera les acteurs de l’écosystème entrepreneurial dans une dynamique visant à mettre l’intelligence collective au service du développement de l’entreprenariat et de l’innovation numérique sur le continent africain.
• Delta Drone South Africa, filiale sud-africaine du constructeur de drones français Delta Drone, accélère son développement avec plusieurs contrats. Le premier avec le groupe minier sud-africain Exxaro prévoit la fourniture de modélisations 3D du site de la mine de Belfast (Afrique du Sud). Cette technologie basée sur une « réalité virtuelle augmentée » vise à répondre à des objectifs sécuritaires. Au Ghana, un autre contrat porte sur des prestations de suivi par drones des relevés et mesures topographiques dans la mine de Newmont Akyem. Delta Drone South Africa, dont le chiffre d’affaires devrait quasiment doubler pour atteindre 1,8 M€ en 2018, se renforce également dans l’agriculture avec deux premiers contrats de prestations de services par drone auprès de groupes semenciers de dimension mondiale.
• Le français Armor, spécialisé dans la production de produits semi-finis sous forme de grosses bobines, accroît sa présence en Afrique en s’implantant au Kenya et en Côte d’Ivoire. Déjà présent au Maroc et en Afrique du Sud, il s’y appuie sur des unités de découpe industrielles pour transformer à la commande les produits semi-finis en rubans adaptés à chaque type d'imprimante industrielle.

Bonne fin de semaine et à mardi prochain.

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