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Afrique #85 : Covid-19, I&M Bank Rwanda, Yeelen, FEI, Afza Capital...


| 2380 mots
L'expansion de la pandémie du coronavirus en Afrique, à la date du 20 mars 2020 (en noir les pays où au moins un décès a été confirmé, en rouge les pays où l'on recense au moins un cas avéré) - © MehdiBitw98

L'expansion de la pandémie du coronavirus en Afrique, à la date du 20 mars 2020 (en noir les pays où au moins un décès a été confirmé, en rouge les pays où l'on recense au moins un cas avéré) - © MehdiBitw98

Focus Covid-19 : le point sur la pandémie en Afrique

Depuis l’annonce, le 14 février dernier, du premier cas sur le sol africain, le coronavirus a poursuivi sa lente et inexorable progression sur le continent, où la barre des mille personnes contaminées a été franchie le 21 mars. Certains sites et médias ont mis en ligne une carte interactive permettant de suivre en temps réel l’évolution de l’épidémie Covid-19. D’après celle publiée par l’agence suisse Ecofin, l’Afrique du Sud a détrôné l’Égypte en termes de nombre de cas (402 confirmés contre 336, selon les chiffres d’aujourd’hui à 10h), même si le second conserve encore le triste record du nombre de décès (19 à ce jour). Après une première phase de cas très majoritairement importés d’Europe, phénomène qui a suscité maintes hypothèses concernant une sorte d’exception africaine, le continent semble basculer à présent dans une seconde phase où la peur d’une transmission « communautaire » durable et généralisée est à redouter selon l’OMS. Selon un rapport publié par la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA), Covid-19 a déjà fait perdre aux économies africaines près de 27 Md€ (29 Md$), soit l’équivalent du PIB actuel de l'Ouganda.

Face à ce fléau, grands ensembles régionaux mais aussi principales institutions financières et acteurs étatiques tentent d’apporter une réponse africaine à la fois sanitaire et économique. Petit tour d’horizon (non exhaustif) des mesures économiques et financières mises en œuvre. Au niveau régional, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), va implémenter des mesures pour appuyer les huit pays membres de l’Union Économique et Monétaire d’Afrique de l'Ouest (UEMOA), à commencer par l’augmentation du montant accordé chaque semaine aux établissements bancaires. Au Maroc, le fonds spécial de lutte contre le coronavirus, institué le 17 mars dernier, a atteint tous ses objectifs, avec la contribution record des grands acteurs nationaux tels que la Banque Centrale Populaire (BCP), qui a contribué à hauteur de 200 M€, ou de la BMCE Bank Of Africa, qui a injecté 100 M€ soit 1 MdMAD (l’équivalent de 50 % des bénéfices du groupe). Le gouvernement a mis en place un Comité de veille économique (CVE), un organe destiné à suivre l’évolution de la situation économique du pays dans ce contexte de crise, et à identifier les mesures appropriées en termes d’accompagnement des entreprises (suspension des charges sociales, report de l’impôt sur les sociétés, soutien de la trésorerie, indemnité pour les salariés…). Au Sénégal, où l’état d’urgence a été décrété, un fonds de solidarité de 1,5 Md€ (1000 MdXOF), baptisé Force Covid 19, vient d’être mis en place pour soutenir l’économie, garantir l’approvisionnement du pays en produits pharmaceutiques et alimentaires. À Maurice, la SBM Bank propose une ligne de crédit de 47 M€ (2 MdMUR) pour aider les entreprises vulnérables face au Covid-19 (notamment celles de secteurs tels que l’import-export et l’industrie touristique). Fonds et entreprises ne restent pas inactifs non plus. Qu’elles soient actives dans l’e-commerce, l’information ou la santé, les entreprises de la tech cherchent à déployer des solutions pour freiner la pandémie. La licorne africaine de e-commerce Jumia s’est ainsi alliée avec le groupe coté britannique Reckitt Bensicker, fabricant-distributeur de produits d’entretien et de produits pharmaceutiques, et a mis à disposition des gouvernements africains son réseau de livraison pour la distribution de fournitures aux établissements de santé et aux travailleurs. Ventures Platform, un VC panafricain basé au Nigeria, s’est engagé à apporter un soutien financier et structurel aux fondateurs, aux développeurs et aux passionnés de technologie qui peuvent utiliser leurs compétences pour développer des technologies susceptibles d'aider le gouvernement nigérian dans la lutte contre Covid-19. Dans cette optique, il a noué un partenariat avec le gouvernement de l'État de Lagos, afin de trouver des solutions techniques pour faire face à la pandémie, et fournir un financement et une assistance opérationnelle aux équipes et aux start-up sélectionnées. EquaLife, un fonds de dette basé à Nairobi, compte lancer d’ici le 15 avril prochain, un fonds d'allègement de la dette de 18 M€ (20 M$), baptisé Africa Venture Debt Relief Fund, pour aider les entreprises touchées par les ramifications économiques de la crise, en se focalisant dans un premier temps sur l’Afrique de l’Est.

Services financiers : I&M Bank Rwanda / AfricInvest (Rwanda / Tunisie)

© I&M Bank Rwanda

© I&M Bank Rwanda

AfricInvest Financial Inclusion VEhicle (FIVE), géré par le leader panafricain du capital-investissement AfricInvest, acquiert une participation minoritaire - pour un montant non divulgué - dans le capital de la banque cotée I&M Bank Rwanda, filiale d’I&M Holdings, un groupe régional de services financiers en Afrique de l’Est. Son DG, Robin Bairstow, a précisé que cette levée de fonds permettra à son établissement de consolider sa position de fournisseur de services financiers de premier plan grâce à l’innovation numérique. Constituée en 1963, I&M Bank Rwanda (ex Banque Commerciale du Rwanda) est la plus ancienne institution financière du pays, cotée à à la fois la bourse rwandaise et à la Nairobi Securities Exchange au Kenya. C’est par le biais d’AfricInvest Evergreen Investments, un véhicule spécial mis sur pied par AfricInvest, que la prise de participation a été réalisée. Lancé en 2017 pour investir au sein d’institutions financières africaines et soutenir leurs stratégies de digitalisation, en tirant avantage de la faible bancarisation de l'Afrique subsaharienne, FIVE est soutenu par divers investisseurs institutionnels tels que des institutions de financement du développement, ainsi que par des investisseurs institutionnels africains, des fonds de pension et des family offices. Ciblant une taille finale de 200 M€, il a récolté près de 83 M€ lors du quatrième et plus récent closing, au printemps dernier (voir fiche du véhicule sur CFNEWS).

Fonds - Services financiers : Yeelen Financial Fund / BAD (Togo / Maurice / Afrique de l’Ouest)

Benjamin Kouakou, Cauris Management

Benjamin Kouakou, Cauris Management

Yeelen Financial Fund (YFF), fonds d’investissement dédié au secteur financier domicilié à Lomé (Togo) et Maurice, accueille à son capital la Banque Africaine de Développement (BAD), qui investit 12 M€ afin de renforcer l’inclusion financière dans la zone de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). Lancé en juillet 2017 à l’initiative de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et géré par Cauris Management, première structure de gestion de fonds de capital-investissement en Afrique de l’Ouest Francophone, YFF a vocation à soutenir les banques, institutions de microfinance, fintechs et compagnies d’assurance des huit pays de l’UEMOA (Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Cette dernière apparaît en effet aujourd’hui comme l’une des zones les moins bien desservies par les produits financiers (comme les micro-crédits), et par les produits d'assurance (tels que l’assurance climatique, la micro et la méso-assurance). Le véhicule ouest-africain a décidé de se recentrer sur des investisseurs régionaux et de rabaisser sa taille cible à 65 M€. « On a volontairement réduit la taille du fonds. On a attendu des investissements directs depuis l’étranger, mais la tendance actuelle est à l’investissement direct dans les établissements, sans passer par des fonds comme Yeelen. Les marchés sont considérés par les investisseurs comme matures », a confié Benjamin Kouakou, directeur associé de Cauris Management et directeur opérationnel du YFF. L’apport de la BAD contribuera à aider les institutions financières de la région à se conformer aux exigences réglementaires en termes de minimum de capital et de fonds propres, ainsi que de soutenir leur expansion en élargissant leur portée aux populations financièrement exclues et en développant des produits de crédit et d’assurance adaptés à leurs conditions. Yeelen s’apprête par ailleurs à enregistrer plusieurs opérations dans le secteur des assurances.

Fonds - EnR : FEI / BAD / KfW / Norfund (Afrique / Europe / International)

La Facility for Energy Inclusion (FEI) se subdivise en deux parties, l'une vouée à la production électrique destinée au réseau, et l'autre (plus modeste) dédiée à l’off-grid. - © BAD

La Facility for Energy Inclusion (FEI) se subdivise en deux parties, l'une vouée à la production électrique destinée au réseau, et l'autre (plus modeste) dédiée à l’off-grid. - © BAD

La Facilité pour l’Inclusion Énergétique (FEI), un mécanisme de financement par emprunt de la Banque Africaine de Développement (BAD), vient de mobiliser près de 148 M€ (160 M$) auprès de plusieurs institutions du développement pour financer des projets d’accès à l’électricité verte à petite échelle en Afrique. La somme totale recueillie comprend un investissement direct de 18,5 M€ de la BAD. Parmi les autres contributeurs figurent la Commission Européenne et Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), l’agence allemande de développement, qui ont chacun alloué 23 M€ (25 M$), ou encore Norfund, une société de capital-investissement du gouvernement norvégien (21 M€ soit 23 M$). La FEI dispose désormais par ailleurs d’un mécanisme de préparation de projets (PPF) de 9,2 M€ (10 M$) du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) qui fournira des subventions remboursables pour le conseil en matière de transactions afin de faciliter le closing financier. Gérée par LHGP Asset Management, une division du groupe britannique Lion’s Head Group, spécialisé dans l’apport de solutions financières innovantes aux marchés émergents, la FEI est une plateforme de financement destinée à catalyser le soutien à des solutions innovantes d'accès à l'énergie, et qui dispose d’une enveloppe totale de 462 M€ (500 M$) à ce jour. 80 % de ce montant permettra de soutenir les grands projets, et bénéficiera ainsi aux producteurs indépendants d’électricité (IPP), qui développent des projets de moins de 25 MW et qui nécessitent un investissement d’un peu moins de 30 M€. Le solde a vocation à financer l’off-grid : l’argent alloué permettra aux fournisseurs de systèmes solaires hors réseau d’étendre leurs services, en particulier dans les zones rurales.

Nouveau fonds - Capital-risque : Afza Capital (Kenya / Afrique de l’Est)

Lancement à Nairobi du premier véhicule basé en Afrique de l'Est d'Afza Capital - © Afza Capital

Lancement à Nairobi du premier véhicule basé en Afrique de l'Est d'Afza Capital - © Afza Capital

Le VC Afza Capital, qui dispose de bureaux à Nairobi, Londres et Chicago, lance un nouveau véhicule dédié aux entreprises en phase de démarrage en Afrique de l’Est. Basé au Kenya, il réalisera des investissements entre 23 K€ et 231 K€ dans des entreprises qui génèrent un impact social tout en développant des solutions innovantes, en contrepartie d’une part minoritaire de capital. Il privilégiera les fournisseurs de soins de santé, les sociétés évoluant dans le secteur des services financiers ainsi que les jeunes entreprises axées sur l’éducation et l’agriculture. Outre l’apport financier, les entreprises éligibles aux financements bénéficieront d’un programme de mentorat, de services d’incubation et d’une mise en relation avec un réseau d’investisseurs. Précédemment, Afza Capital avait déjà réalisé au Kenya deux investissements dans le secteur des services financiers (Popote Pay) et dans une entreprise de soins de santé (Daktari Africa, une plateforme de télémédecine).

Et aussi...

  • Directement impacté par la crise du coronavirus sur son sol natal, Heetch, spécialiste français du transport VIP par véhicules et motos-taxis, suspend ses activités au Cameroun, afin de recentrer ses activités sur ses autres marchés. Il s’agissait du dernier pays où la start-up s’était lancée, en septembre dernier, suite à sa levée de fonds de 34 M€ de mai 2019 (relire l’article Heetch veut conduire en Afrique sur CFNEWS). Mauvaise nouvelle pour le Cameroun, où le réseau de 250 motos-taxis VIP de Heetch avait contribué à moderniser le transport par motos dans la capitale économique, Douala.
  • Le groupe coté français Bouygues, à travers sa filiale Énergies et Services, a été choisi pour construire la ligne de transport de de l’énergie électrique à produire par la Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), la société de projet du barrage et de centrale hydroélectrique de Nachtigal au Cameroun. Les travaux, qui viennent de débuter et devraient durer, pour la première phase, jusqu’à la fin du mois d’octobre prochain, consistent tout d’abord à construire les fondations des pylônes qui vont servir de support aux câbles. Comme évoqué dans les bulletins #27 et #31, c’est à EDF qu’a été confié la mission de concevoir, construire et exploiter pour une durée de trente-cinq ans cette centrale d’une capacité de 420 MW. Depuis fin 2018, le capital de la NHPC est détenu à hauteur de 40 % par EDF, 20 % par la Société Financière Internationale (SFI ou IFC, filiale de la Banque Mondiale), 15 % par l’État camerounais, 15 % par Africa50 et 10 % par STOA, fonds dédié aux secteurs des infrastructures et de l’énergie, contrôlé par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et l’Agence Française de Développement (voir fiche de l'opération sur CFNEWS IMMO & INFRA).
  • L’État du Mali et l’Agence Française de Développement (AFD)signent une convention à hauteur de 6,5 M€ pour le financement complémentaire du Projet d’appui au développement de la zone Office du Niger (PADON 2), qui vise à accroître la production agricole de la zone, à partir de la réalisation d’infrastructures hydrauliques publiques et leur mise à disposition aux exploitations agricoles économiquement viables.
  • Fuzu, une entreprise finlandaise de développement de carrière et de recrutement de talents africains, qui a pénétré le marché kényan en 2015 puis celui de l’Ouganda en 2018, lève 3,5 M€ (3,8 M$) auprès de son compatriote Sparkmind.vc, afin de recruter du personnel et financer son expansion à travers l’Afrique.
  • En Afrique du Sud, le promoteur-développeur immobilier coté Balwin Properties, qui s’est fixé pour objectif de devenir le leader national en termes de construction écologique, vient de lancer, en partenariat avec le groupe bancaire Absa Group, le premier prêt immobilier écologique du pays, l’Absa Eco Home Loan.

Bonne fin de semaine et à mardi prochain.

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