Focus : le point sur la pandémie en Afrique : quelles initiatives ?
À l’heure actuelle, l’Afrique demeure le continent le moins touché par la pandémie du Covid-19. Selon les derniers chiffres, vingt-cinq pays sur cinquante-quatre sont contaminés. S’il ne s’agit pour le moment que de cas isolés, les experts estiment probable qu’ils débouchent rapidement sur des clusters (des « grappes » de malades localisées), d’autant que de nombreux états entretiennent des liens étroits avec la Chine et l’Europe, respectivement ancien et actuel épicentre de l'épidémie. C’est en Égypte, avec 126 personnes infectées, puis en Algérie et en Afrique du Sud, qui en comptent une cinquantaine chacun, que l’on recense le plus grand nombre de cas. À noter toutefois que ce décompte est très certainement sous-évalué dans la plupart des pays. D’ores et déjà, la plupart des États multiplient les mesures allant de la simple prudence à la fermeture des frontières, comme au Maroc. Conscients de la fragilité de leur système sanitaire, les autorités s’efforcent d’empêcher au maximum les contaminations locales. À la crise sanitaire s’ajoute celle du pétrole, du fait de l’absence d’accord entre Moscou et Riyad le 6 mars dernier. Les pays membres de l’Opep, dont les sept africains (Congo, Nigeria, Angola, Algérie, Libye, Gabon et Guinée équatoriale), se retrouvent engagés dans une guerre des prix vertigineuse, dont seuls les plus solides devraient se sortir. Selon l’agence de notation Fitch Ratings, la baisse des prix du pétrole et les répercussions du coronavirus sur l’économie mondiale pourraient déclencher un retrait massif des capitaux d’Afrique, où les gouvernements disposent de peu d’outils pour lutter contre les chocs extérieurs.
En Afrique, comme ailleurs dans le monde, des initiatives économiques et financières voient le jour pour tenter d’atténuer les conséquences de cette crise inédite. En Tunisie par exemple, où une vingtaine de cas ont été confirmés, vient d’être lancé un « fonds de résistance à l’épidémie de coronavirus et ses répercussions économiques et sociales ». Pour abonder celui-ci, les opérateurs télécoms Tunisie Telecom, Orange et Ooredoo Tunisie ont, à la demande du gouvernement, mis en place une solution permettant des dons solidaires de la part de la population, ce qui servira notamment à financer des kits de tests. De son côté, le roi Mohammed V du Maroc vient d’ordonner la création immédiate d’un fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie afin de faire face aux dépenses sanitaires exceptionnelles et soutenir les secteurs sinistrés. Doté de 939 M€ (10 MdMAD), il devra financer « la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, en termes d’infrastructures adaptées et de moyens supplémentaires à acquérir, dans l’urgence ».
Fonds - Services financiers : Quona Capital / Accion (États-Unis / Pays émergents)
Le VC américain Quona Capital, qui se focalise sur des fintech et entreprises tech en phase de croissance dans les marchés émergents, vient de réaliser le closing final du véhicule Accion Quona Inclusion Fund à 183 M€ (203 M$), dépassant ainsi de façon significative son objectif de 135 M€ (150 M$). Qona Capital, qui dispose désormais de 327 M€ (363 M$) d’actifs sous gestion, a noué une relation stratégique avec son compatriote Accion, pionnier de l'inclusion financière à but non lucratif, qui est d’ailleurs le sponsor et l'investisseur principal du véhicule. Les autres investisseurs de la levée comprennent des asset managers et compagnies d’assurance, banques commerciales et d’investissements, ainsi que fondations, family offices, et institutions financières de développement. Fondé en 2015 et basé à Washington D.C., avec un bureau secondaire à Bangalore en Inde, Quona Capital cherche à financer les innovations disruptives qui permettent de soutenir l’inclusion financière des particuliers et les petites entreprises mal desservis en Afrique, Amérique latine, Inde et Asie du Sud-Est. À ce jour, il a investi en Afrique dans cinq entreprises, dont Lulalend, un prêteur de fonds de roulement sud-africain finançant des PME numériques, ou des entreprises trop grandes pour accéder à la microfinance et trop petites pour obtenir des prêts à gros capital (relire bulletin #58), et Sokowatch, une start-up kényane d’e-commerce, qui permet aux détaillants du secteur informel d’effectuer des commandes de marchandises via le mobile et de se faire livrer (relire bulletin #82).
Services informatiques : Youverify / Orange (Nigeria / France)
Le fonds d’investissement technologique du groupe Orange, Orange Digital Ventures, vient de réaliser un nouvel investissement sur le continent africain en menant la levée d’amorçage de 1,4 M€ (1,5 M$) du nigérian Youverify. Cette start-up fondée à Lagos en 2017, qui automatise la vérification d’identité au service des acteurs financiers et de télécommunications, est la cinquième entreprise à rejoindre le portefeuille africain du groupe français. Start-up de technologie réglementaire (regtech : recourant à la technologie de l'information pour améliorer les processus réglementaires), elle a l’ambition d’aider les entreprises à automatiser la vérification de données aujourd’hui en silo (comme l’identité, la domiciliation, les historiques de crédit ou encore la reconnaissance faciale), et ce en respectant les plus hauts standards de réglementation et de protection des données. Son P-dg co-fondateur, Gbenga Odegbami, a déclaré que cet apport constituait « une opportunité unique (...) pour aller encore plus loin dans notre ambition de simplifier et sécuriser les processus de nos clients, que ce soit dans l’enrôlement de nouveaux clients, le recrutement de personnels, etc. ». Il espère, grâce à ce tour de table auquel a également participé le fonds américain d'impact LoftyInc Capital Management, renforcer la technologie de la jeune pousse et accélérer son développement au Nigeria et sur l’ensemble du continent (voir fiche opération sur CFNEWS). En deux ans et demi d’existence, Youverify a déjà procédé à plus de 300 000 enregistrements et vérifications clients pour certaines des plus importantes banques et entreprises financières du Nigeria. Doté d’une enveloppe de 150 M€, Orange Digital Ventures se dédie aux pépites innovantes dans les domaines de la connectivité et des réseaux, du SaaS pour les entreprises, de la fintech et de l’internet des objets. Facilitant la mise en place de synergies avec ses nombreuses unités commerciales et ses 263 millions de clients répartis dans vingt-neuf pays, le fonds a lancé en 2017 le véhicule early-stage Orange Digital Ventures Africa. Ce dernier, basé à Dakar, comprend les sociétés Africa's Talking, société kényane de technologie mobile (relire bulletin #4), Yoco, concepteur et fournisseur sud-africain de terminaux de paiements et de logiciels de caisse (relire bulletin #19), Gebeya, marketplace panafricaine de formation et de placement de développeurs (relire bulletin #79).
Fonds : Saviu Ventures / Kibo Capital Partners (France / Maurice / Luxembourg / Afrique)
Le VC dédié au continent africain Saviu Ventures, fondé en 2017 par Arthur Thuet et Benoît Delestre, et disposant de bureaux à Ebene (Maurice), Paris, Nairobi et Abidjan, continue à financer la tech africaine et plus précisément son portefeuille existant fort aujourd’hui de dix investissements. Les actionnaires actuels, à savoir la firme de private equity mauricienne Kibo Capital Partners, ainsi que des family offices et business angels français, belges et luxembourgeois viennent d’investir 4 M€ supplémentaires afin de permettre au fonds et aux sociétés en portefeuille de préparer au mieux les tours de série A prévus dès 2021. Il s’agit de la deuxième augmentation de capital en moins d’un an pour le VC, qui opère sur un modèle « evergreen » et donc avec des levées successives. Le cabinet parisien Solon Avocats, qui a conseillé Saviu Ventures dans cette nouvelle levée (voir fiche opération sur CFNEWS), a également accompagné début 2019 le transfert du siège social du fonds à Ebene, la capitale mauricienne, devenue, avec Casablanca Finance City, l’un des deux hubs juridiques et financiers les plus prisés par les investisseurs sur le continent. Kibo Capital Partners avait déjà participé en fonds propres, via son véhicule Kibo Funds II (doté de 73 M€), à la précédente levée de fonds de mars 2019. Saviu Ventures investit en amorçage et capital-innovation dans des start-up technologiques en pleine croissance en Afrique, actives dans divers secteurs. Son portefeuille comprend des sociétés ayant des portées soit nationales, soit panafricaines, à l’instar de la marketplace franco-ivoirienne Afrikrea (relire bulletin #81), de la plateforme panafricaine de recrutement Talent2Africa, ou encore de Kamtar, la première plateforme digitale de mise en relation entre des transporteurs et des clients professionnels ou particuliers en Afrique de l'Ouest.
Services financiers : TerraPay / Partech Africa / Prime Ventures / SFI / Comviva (Pays-Bas / Sénégal / Inde / Afrique)
La fintech néerlandaise TerraPay, jusqu’alors majoritairement détenue par l’indien Comviva, spécialisé dans la fourniture de services mobiles, vient d’être reprise par un consortium d'investisseurs comprenant les VC Partech Africa (dont le siège social est sis à Dakar) et Prime Ventures (basé aux Pays-Bas et au Royaume-Uni), ainsi que l'équipe de direction de la cible. Fondée en 2015, cette dernière fournit des services d'infrastructure de paiement dans plus de soixante pays en Afrique, Asie et Europe. Le montant de la cession n’a pas été divulgué. En revanche, ses nouveaux actionnaires, aux côtés de la Société Financière Internationale (SFI ou IFC), ont par ailleurs conjointement investi 8,7 M€ (9,6 M$) pour financer l’expansion de la société dans de nouveaux marchés, principalement en Afrique. Selon Cyril Collon, l’un des dirigeants de Partech Africa, ce soutien financier permettra à TerraPay de couvrir vingt pays africains et sur le long terme, d’étendre ses services de transfert d’argent à l’ensemble des pays du continent.
Fonds : ISF Canada - Hummingbird Impact (Canada / Afrique)
L'association Ingénieurs sans frontières Canada (ISF Canada) mobilise 22 M€ (24 M$) auprès de ses partenaires pour investir dans des entreprises sociales et à but lucratif en Afrique. Par l’intermédiaire de son véhicule de capital-risque Hummingbird Impact, l’organisation apportera des financements sous forme de pré-amorçage, amorçage et de série A à des jeunes entreprises technologiques « capables de produire un impact durable et à grande échelle », a déclaré Boris Martin, son dirigeant. Ces ressources seront complétées par une facilité de 3,6 M€ (4 M$) qui sera apportée sous forme d’assistance technique aux sociétés du portefeuille de l’organisation canadienne. Selon son dernier rapport annuel (daté de 2017), ISF Canada aurait alloué plus de 270 M€ (300 M$) à des PME africaines, ce qui aurait bénéficié à environ huit millions de personnes. Parmi les sociétés ayant récemment fait l’objet d’un investissement de l’organisation figure Bloom Impact, une entreprise sociale innovatrice au Ghana qui travaille à offrir des occasions aux petites entreprises qui sont mal desservies par les modèles bancaires et les services financiers traditionnels. Au Canada, Ingénieurs sans frontières a été fondée à Toronto en 2000 par deux diplômés en génie de l'Université de Waterloo, George Roter et Parker Mitchell.
Services financiers : Advans Bank / Proparco (République Démocratique du Congo / France)
Proparco, la filiale dédiée au secteur privé de l’Agence Française de Développement (AFD), accorde une ligne de crédit de 2,7 M€ (3 M$) à la branche congolaise d’Advans Bank, groupe international leader en microfinance actuellement implanté dans neuf pays d’Afrique (Cameroun, Ghana, République Démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Nigeria et Tunisie) et d’Asie (Cambodge, Pakistan et Myanmar). Ces nouvelles ressources permettront de soutenir l’engagement de la cible dans le financement des entrepreneurs et des PME en RDC. Créée en 2008, la banque commerciale Advans Banque Congo a démarré ses opérations à Kinshasa l'année suivante 2009, avec pour mission d’améliorer durablement l’accès aux services financiers pour les populations non ou mal desservies par les systèmes financiers traditionnels. Environ 2 500 personnes ou micro-entreprises auront accès à des produits et des services de microfinance et ce prêt soutiendra la création ou le maintien de près de 2 900 emplois dans le pays.
Nomination - Société / Conseil : Onepoint (France / Afrique)
Le spécialiste français du conseil en transformation numérique Onepoint, fort de plus de 300 M€ de chiffre d’affaires en 2018, se lance à la conquête du continent africain. Fondé en 2002 par David Layani, le cabinet vient notamment d’accueillir l’un des principaux stratèges de Deloitte en Afrique, Thierry Lacroix, au poste, nouvellement créé, d’Africa Business Development Leader. Basé à Paris, il sera à la tête d’une équipe dédiée et aura pour mission de gérer la stratégie de l’ESN sur le continent, en élaborant et en mettant en œuvre des stratégies commerciales pour les marchés et les clients africains, et en développant de nouvelles filiales et de nouveaux projets. Il occupait depuis 2011 le poste de Head of Business Development for Africa chez Deloitte Francophone Africa, une filiale de Deloitte France. Regroupant plus de 2 500 collaborateurs sur quinze sites dans le monde, Onepoint n’est jusqu’à présent implanté sur le continent qu’en Tunisie.
Et aussi...
- L’Agence Française de Développement (AFD) octroie 18,7 M€ à la Côte d’Ivoire, dans le cadre du financement du projet de Centres d’excellence d’Afrique (CEA), des centres régionaux susceptibles d’attirer les meilleurs étudiants, de développer la qualité de leurs formations, et d’articuler leurs activités de recherches autour des enjeux de développement nationaux et régionaux.
- Le fournisseur de soins de santé nigérian Field Intelligence récolte 3,3 M€ (3,6 M$) à l’occasion d’un tour de table mené par le fonds d’impact américain Blue Haven Initiative, afin de développer sa plateforme de distribution de médicaments (Shelf Life), au Nigeria et au Kenya.
- Comme annoncé en décembre dernier (relire bulletin #71), Orange Money vient de lancer officiellement ses activités au Maroc, sous la direction de l’ingénieure Nawal Gharmili Sefrioui, qui a effectué l’ensemble de sa carrière au sein de la filiale marocaine du groupe Orange. Ce service offre une solution de portefeuille dématérialisé, qui permettra ainsi aux Marocains d’utiliser leur téléphone comme moyen de paiement et de transfert d’argent.
- Le capital-investisseur britannique Actis s’est associé avec le conglomérat nigérian Jagal pour acquérir une participation majoritaire dans Rack Centre, un leader nigérian des data centers.
- La France s'apprête à financer à hauteur de 33,5 M€ (22 MdXOF) la construction et l’équipement de soixante collèges de proximité en zone rurale en Côte d’Ivoire.
- Le groupe automobile PSA délocalisera sa plateforme téléphonique de service client au Maroc, suite à la fermeture imminente du site de Roubaix, en France, de l’entreprise américaine de téléconseil Conduent. Ouverte en 2017, cette plateforme avait pour unique client PSA.
Bonne fin de semaine et à mardi prochain.
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