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TECH | SPAC : Que se « Spac » t-il ?

Grande folie sur les SPAC. Le truc malin des financiers. Soudain tout le monde s’y met. Mais qu’est-ce qu’un SPAC ? « Sublime Perfect Absurd and Caring » ? A quoi cela sert-il ? Pourquoi cette frénésie ?

| 1311 mots

Depuis toujours les financiers ont eu l’idée de créer des sociétés dédiées à une opération précise d’investissement.

Au début, la création de ces véhicules avait comme objet de rassembler des investisseurs sur une acquisition précise et/ou d’être « opaque » quant à la détention fiscale ou juridique ultime (de nombreuses sociétés ont ainsi été créées dans des paradis fiscaux permettant ainsi par exemple de ne pas avoir à déclarer l’identité de ou des actionnaires ultimes.) Cela était particulièrement utile dans le cas d’investissements dans des sociétés cotées. C’est ainsi que de nombreuses opérations activistes ont été montées, à une époque où la législation sur la transparence était moins regardante. Ces véhicules permettaient de fédérer quelques investisseurs pour acquérir ensemble des actions cotées, franchir un seuil, et ensuite peser sur la direction de la société. Et comme les actionnaires étaient cachés derrière le véhicule écran, ils pouvaient participer à l’opération, appréhender les plus-values éventuelles, sans pour autant se faire désigner comme spéculateur ou autre. Un des ancêtres des SPAC dans les années 80 aux Etats-Unis étaient ainsi les Blind-Pools, sociétés à qui l’on confiait de fait des chèques en blanc.

Et puis, un jour, le monde devint fou

Avec des politiques gouvernementales axées sur le « Quoiqu’il en coute » les puissances publiques ont inondé la planète de liquidités pour enrayer les effets de la crise sanitaire. Quand il y a plein d’argent, nous le savons tous, les financiers se réjouissent. De même que la matière première du menuisier est le bois, celle du financier est l’argent. De plus le vrai talent, chez le financier, c’est sa capacité à surfer sur une vague. Et là la vague était immense (et liquide…).

Alors l’idée d’utiliser des véhicules pour lever un maximum d’argent autour d’une équipe sur un projet global que l’on peut résumer à « nous allons acquérir des sociétés … » est apparue. Le SPAC « Special Purpose Acquisition Vehicle » se base sur une équipe, généralement qui a fait ses preuves. L’équipe est constituée, on annonce un secteur cible (les yogourts bretons par exemple) et on lève de l’argent en introduisant son SPAC en bourse. Et les actionnaires souscrivent, séduits par l’équipe qui leur promet alors de racheter les entreprises de yogourts bretons (et de faire un pôle de yogourt bretons). Bien évidemment on oublie ici toute notion d’EbitDA, de PER, de rentabilité, de compétition, de marché etc…. Tout cela n’est plus sujet. Tout cela est monde d’hier. Vive les coffre forts remplis de cash. Tout le monde veut lever son SPAC. « Do you want to SPAC with me ?”

Comme me le précise tante Agathe (deux enfants, Sciences-Po, vacances en Grèce, esprit vif et affuté…) :  Il s’agit donc tout simplement d’introduire de l’argent en bourse.

Introduire de l’argent en bourse

La beauté de l’opération est que tout le monde est content :  les banquiers (ils encaissent commissions sur commissions, publient des communiqués, parlent dans les diners etc…), les équipes (assises sur un tas de cash, pas de pression, un sens à leur vie future, et aussi l’idée que par cette opération les investisseurs reconnaissent leur talents…) ; les communicants (qui ont de la matière pour communiquer et grâce à cet argent sont payés), et les investisseurs…

Vous remarquerez ici que nous sommes à l’opposé total de la structuration de projets qui a prévalu pour des personnes nées avant 2000. Ringard ! Comment qualifier autrement ce monde où il fallait définir et porter un projet, ou cibler une acquisition. Ensuite nous devions convaincre les investisseurs potentiels que l’équipe allait pouvoir exécuter l’opération. Puis et surtout il y avait une analyse financière, une étude d’investissement. La confrontation : se battre sur les « métriques » de l’opération. Des comparatifs boursiers, des transactions similaires, des références de marché… et tout cela pour arriver à lever de l’argent, à fédérer des investisseurs, dont la ligne de téléphone restait parfois de longues journées à sonner dans le vide, et qui le plus souvent vous renvoyait sur un « junior », lequel très compétent, essayait par tous les sens de vous faire entrer dans son tableur Excel et son Power Point.

Mais ça c’était hier

Aujourd’hui on met plein d’argent dans une coquille, et puis on verra. On verra…

Quand même, quand même, ce que vend le SPAC (coquille donc vide d’activité mais pleine de cash) c’est l’idée qu’elle va acquérir des sociétés pour laquelle la cotation est compliquée, et du fait de leur acquisition puis d’une fusion (aux États-Unis appelée « Initial Business Combination » (IBC), ou SPAC-ING, la cotation se fera automatiquement…. Donc on introduit de l’argent en bourse pour racheter une ou plusieurs sociétés pour leur éviter de s’introduire en bourse.

D’après une remarquable étude de M. Laurent Grillet-Aubert publiée par l’AMF en juillet 2021 (SPAC : Opportunités et risques d’une nouvelle façon de se coter en bourse) en 2020, 83Mds$ ont été levés aux États-Unis par 248 SPAC contre 0,5Md€ en Europe pour 6 SPAC.

Le premier SPAC coté en bourse en France est Mediawan qui a levé́ 250 M€ en 2016. Tentative assez innovante à l’époque (Et qui est d’ailleurs sorti de la bourse depuis). Depuis de nombreux projets ont fait jour comme par exemple, en 2020, 2MX Organic, lancé par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari (300 M€) ou les trois SPACs admis à Paris en juin 2021 : le SPAC d’Accor qui est une SPAC d’entreprise et qui vise des «secteurs connexes au cœur de métier hôtelier d’Accor» , Transition qui est le premier SPAC européen dédié à la transition énergétique (215M€) et DEE Tech, le SPAC Tech piloté par Marc Menasé et qui visait 150 M€. Pour finir il convient aussi de citer Pegasus (nom latin du cheval ailé Pégase de la mythologie grecque), le SPAC monté (500 M€) aux Pays-Bas par Jean-Pierre Mustier, Tikehau Capital et Bernard Arnault et cotée sur Euronext Amsterdam.

Goldman Sachs, dans une analyse en 2020, estime que les performances des SPAC une fois fusionnées sont inférieures à celle des indices S&P 500 ou Russel 2000. De même certains comparent les SPACS à un système de Ponzi. Enfin certaines autorités boursières voient dans les SPAC la matérialisation d’une bulle spéculative (triste sires…). Quoiqu’il en soit, la moitié des IPO aux USA en 2020 a été le fait des SPAC. Et toutes les places financières s’y sont mises en 2021.

Enfin, compte tenu de son côté spéculatif, les SPAC commencent à attirer les fonds que certains qualifient de vautours. S’il y a un retournement de marché, que vont devenir ces coffre-forts de cash cotés ? N’ayant pas d’objectif de rentabilité, il est fort probable qu’ils afficheront des décotes, comme d’ailleurs toute holding, et que ces décotes seront élevées. Alors ces fonds « vautours » ne risquent-ils pas de se jeter avec voracité sur ces véhicules pour mettre la main sur ces liquidités à vil prix ? Ce serait l’acte 2 : Spac : Le retour !

 

Retrouvez toutes les informations (deal lists, équipes, cessions, véhicules...) :

MEDIAWAN
Xavier Niel
Bernard Arnault
Marc Ménasé
Matthieu Pigasse
Jean-Pierre Mustier
Moez-Alexandre Zouari
DEE TECH

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