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« Nous envisageons de déployer 6 Md€ dans 2 500 PME et ETI »


| 1102 mots

Dominique Gaillard, France Invest

Pour aider les fonds de private equity à financer la relance, France Invest structure un dispositif visant à investir 6 Md€ dans 2 500 PME et ETI françaises sur les deux prochaines années. Dominique Gaillard, son président, dévoile les premières lignes de ce plan inédit pour le secteur.

CFNEWS : Face à la crise, la réponse apportée par les acteurs du private equity a-t-elle été à la hauteur ?

D.G.: La vitesse et l'efficacité avec lesquelles les sociétés de gestion se sont mises en ordre de bataille pour aider les entreprises de leurs portefeuilles sont incomparables avec les efforts déployés en 2008. L'expérience a joué à plein au cours des huit semaines de confinement pour permettre aux entreprises de se mettre au télétravail et de bénéficier des différents dispositifs mis en place par l'État, notamment en vue d'obtenir les capacités de trésorerie nécessaires pour traverser cette période difficile (chômage partiel, PGE, prêts Atout et Rebond de Bpifrance). Comme le démontre le baromètre France Invest réalisé avec PwC, les entreprises accompagnées par des fonds s'en sont d'ailleurs mieux sorties que les entreprises familiales.

CFNEWS : Quelle va être la seconde étape pour l'industrie ?

D.G. : Aujourd'hui, les fonds commencent à réfléchir à plus long terme aux opportunités de croissance externe pour leurs participations et à l'éventualité de revoir leur structure bilancielle. Nous sommes convaincus que les entreprises - détenues ou non par des fonds - seront confrontées à des besoins de renforcement de bilan en fonds propres et en quasi-fonds propres à partir de l'automne et pour les 24 mois qui suivront.

CFNEWS : Comment France Invest compte-t-elle accompagner ce mouvement ?

D.G. : Il y a environ six semaines, nous avons structuré un groupe de travail afin de proposer un mécanisme de Place avec l'aide de Bercy, de Matignon et de l'Elysée. Ce dispositif ne s'adresse pas aux entreprises accompagnées par des fonds, mais aux sociétés familiales via des financements non dilutifs en quasi-fonds propres, structurés sous forme d'obligations convertibles ou d'obligations remboursables en actions. Au total, nous envisageons de déployer 6 Md€ au travers de 2 500 PME de plus de 20 salariés et ETI. Dans les détail, des tickets moyens de 2 à 3 M€ seront injectés dans les PME, tandis que les ETI pourront compter sur des montants d'environ 10 M€.

CFNEWS : Pourquoi ne pas intervenir en fonds propres ?

D.G. : Nous ne voulions pas donner le sentiment aux entreprises de profiter de points d'entrée à des niveaux de valorisation trop bas. Charge aux fonds de leur prouver, lors des 7 ou 8 ans de la durée de vie des contrats d'obligations convertibles, qu'ils sont en capacité de leur apporter un soutien non seulement financier, mais aussi en matière de gouvernance, de transformation digitale, ou encore d'identification d'opportunités de croissance externe... et d'ainsi convaincre les dirigeants qu'ils sont bien mieux armés avec un fonds pour accélérer leur croissance et rebondir plus vite.

CFNEWS : D'où proviendront ces capitaux ?

D.G. : Nous avons déjà sollicité les assureurs français, avec l'ambition de les voir contribuer à hauteur de 4 Md€. En parallèle, nous demandons 1 Md€ aux acteurs publics et parapublics, tandis que le milliard restant émanerait des acteurs du private equity gestionnaires de ce dispositif, afin de garantir un parfait alignement d'intérêts des parties prenantes. Le déploiement de l'enveloppe s'appuiera ainsi sur 20 mandats confiés à des acteurs régionaux investissant dans des PME locales, auxquels s'ajouteront 5 à 6 mandats nationaux, dédiés à l'investissement dans les ETI.

CFNEWS : Déjà mis lourdement à contribution, les assureurs disposent-ils encore de moyens suffisants ?

D.G. : Certains sont en effet déjà engagés dans le mécanisme de 1,5 Md€ en cours de structuration par la Fédération Française de l'Assurance (FFA) ou ont mis en place lors propre stratégie - comme Axa avec l'aide de Capza (lire ci-dessous) - mais sont conscients que cela ne va pas suffire. Notre véhicule présente l'avantage d'être bien adapté au fonds en euros des assureurs car les instruments de dette envisagés sont moins chargés en capital (sous Solvabilité 2, NDLR) que les actions, et offrent un revenu récurrent qui permet de servir un rendement aux assurés. Il est également complémentaire avec le fonds de la FFA, lequel vise à flécher 10 % vers des fonds dédiés au tourisme et 40 % vers des fonds Santé. De notre côté, nous avons pris le pari que tous les secteurs d'activité peuvent être éligibles et souhaitons éviter toute dimension sectorielle, afin d'assurer aux investisseurs une juste répartition des risques et une absence de risque de concentration.

CFNEWS : Quel est le calendrier pour ce dispositif ?

D.G. : Les mécanismes en cours de création par la Fédération Bancaire Française (FBF), France Invest et la FFA sont actuellement évalués par le Trésor. Nous nous attacherons, dès le mois prochain, à définir leurs positionnements respectifs en évitant toute concurrence, car la totalité de ces montants est nécessaire pour répondre à ces problématiques des entreprises. L'objectif est un lancement opérationnel le 1er octobre. Nous pensons que les besoins de renforcement bilanciels s'accélèreront entre mars 2021 et juin 2021, notamment pour les sociétés qui ont dû s'endetter pour passer la crise. L'élément déclencheur sera vraisemblablement la date d'anniversaire de l'attribution des PGE. Au terme d'un an, les entreprises pourront choisir de rembourser intégralement le prêt si leur trésorerie est assainie ou de continuer à amortir le prêt sur une durée d'1 à 5 ans, auquel cas elles devront fournir aux banques des prévisions de cash flows satisfaisantes.

CFNEWS : Une relance rapide est-elle conciliable avec l'intégration de critères ESG ?

D.G. : L'ESG est au cœur des processus d'investissement des acteurs du private equity depuis une quinzaine d'années. L'urgence et l'ampleur des fonds à déployer ne se fera pas au détriment des critères ESG et d'amélioration de développement durable des entreprises dans lesquelles les gestionnaires du dispositif vont investir. Cela constituera une priorité, au même titre que le soutien apporté à l'amélioration de leur gouvernance - notamment en matière de parité - et de leur stratégie de croissance.

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