
La valeur des cessions a augmenté de 42 % sur un an en 224, selon France Invest.
« Le bilan 2024 est plus positif et dynamique que ce que l'on pouvait craindre, notamment à la sortie du premier semestre », a introduit Bertrand Rambaud, président de France Invest lors de la présentation de l'étude sur l'activité du capital-investissement 2024 réalisée par l'association et Grant Thornton*. Ce « frémissement » s'observe, d'abord, du côté des levées de fonds, qui ont repris une tendance croissante avec 38,9 Md€ levés par les acteurs du capital-investissement en 2024 vs 35,6 Md€ en 2023 (année qui accusait une baisse de 14 % par rapport à 2022). Comme souvent, le deuxième semestre a été particulièrement actif - concentrant 25 Md€ des montants collectés sur l'année. Mais de façon différenciante par rapport à 2023, de nombreuses levées ont été menées par des véhicules de taille intermédiaire (21 fonds de 100 M€ à 1 Md€) « notamment de la part de structures lançant de nouvelles stratégies », note Simon Ponroy, directeur des études économiques et statistiques de France Invest.
Des levées de fonds plus longues
Autre élément marquant : le retour des institutionnels et des banques, qui avaient boudé la classe d'actifs en 2023 en raison du contexte de taux. A l'inverse, les familles et entrepreneurs - deuxièmes financeurs du capital-investissement derrière les fonds de fonds - ont diminué leurs allocations de 15% en 2024. « On ne peut pas s'empêcher de rapprocher cela de l'incertitude sur le traitement fiscal de l'investissement des personnes physiques tout au long du deuxième semestre », tente d'expliquer Alexis Dupont, DG de l'association. Si le marché est bien orienté, la durée des levées reste « anormalement longue », avec 20,9 mois en moyenne entre le premier closing et le closing final (vs 20,5 mois en 2023). Bien loin, donc, des 14 mois observés en 2021 et 2022.
Reprise des gros deals
Dans la continuité de 2023, cet argent frais a été principalement déployé via des réinvestissements et des opérations non primaires, qui ont pesé au total 65 % des volumes. L'étude dénombre par ailleurs une timide augmentation du nombre total de deals - 2692 transactions en 2024 vs 2585 en 2023 - avec une progression plus marquée en valeur : 26 Md€ contre 22,5 Md€ en 2023. L'évolution est particulièrement forte sur les investissements de plus de 100 M€, qui pèsent 36 % des montants totaux investis soit une augmentation de +40 % sur un an. « Ces indicateurs traduisent une reprise des opérations de grande taille », analyse Nicolas Tixier, associé chez Grant Thornton. Quant à la part allouée aux réinvestissements et opérations non primaires : « Cela s'explique par l'environnement complexe amenant un travail important du portefeuille de la part des fonds, qui créent de la valeur à travers les opérations de build-up pour augmenter la taille et la valeur des participations », poursuit l'associé. Ces capitaux restent majoritairement investis en France et en Europe (95 % du total)... et témoignent d'une forte présence des fonds dans les territoires. Ainsi, 46 % des sociétés accompagnées par les acteurs du capital-investissement ont leur siège en Île-de-France, avec 11 914 M€ qui y sont déployés, devant respectivement l'AuRA et le Sud Est. Le secteur des biens et services industriels reste dominant en valeur devant le numérique, avec 26 % des tickets.
Cessions en forte hausse...en valeur
Moteur essentiel du bon fonctionnement du marché, les sorties repartent avec une augmentation en valeur de quelque 42 % (à 12,8 Md€), dynamisées par les opérations de grande taille. Mais leur nombre (1315) reste stable par rapport à 2023, « ce qui démontre que le marché n'a toutefois pas retrouvé le volume de cessions attendu par les investisseurs », témoigne Bertrand Rambaud, estimant qu'il faudrait que l'industrie réalise 30 % d'exits supplémentaires pour renouer avec une « tendance normale ». La première source de liquidité des GPs se trouve du côté... des autres GPs (fonds de continuation inclus), qui ont principalement oeuvré à des sorties sur des tickets de plus de 100 M€, opérations qui concentrent 40 % du total (vs 25% l'an passé). La valeur des deals qui se sont soldés par une perte est quant à elle multipliée par deux sur un an, pour atteindre 554 M€. Une tendance surtout porté par le venture, avec un phénomène de rattrapage après deux années de pertes limitées. « En 2021, les VCs ont financé certaines start-up à des niveaux de valorisation parfois très élevés. Ils devraient donc renouer avec le niveau de casse inhérent à leur modèle, de l'ordre de 30 à 40 % des portefeuilles », projette le président de France Invest.
Polarisation à tous les niveaux
Mais après ces années de largesse, le capital-investissement semble avoir tiré des conclusions salutaires pour son avenir. « De même que les fonds font désormais des choix d'excellence pour sélectionner les entreprises à accompagner, les LPs vont certainement faire les mêmes choix d'excellence pour choisir leurs partenaires », estime Bertrand Rambaud. Malgré l'inconnue - intrinsèquement corrélé à l'évolution des taux - qui pèse encore sur l'avenir des sociétés non cotées, les GPs vont donc devoir encore redoubler d'efforts pour retourner de l'argent à leurs investisseurs et rester à la pointe. En ce sens, « la consolidation de l'industrie devrait se poursuivre », alimentée par des sujets de taille, de performance et d'internationalisation, alors que 43 % des capitaux levés par les fonds de private equity sont réunis auprès de souscripteurs étrangers et que l'européanisation des participations revêt un enjeu croissant de souveraineté face à des américains très gourmands. Autre enjeu, enfin, l'augmentation de la part des particuliers dans les fonds de non-coté, avec l'ambition de contribuer l'économie réelle - et notamment la défense. « A date, le retail représente environ 5 % des montants levés en France, contre 50 % aux Etats-Unis », rappelle Bertrand Rambaud. Pour prendre la pleine mesure des enjeux et établir un état des lieux complet, France Invest devrait publier le mois prochain la deuxième édition de son étude sur les particuliers dans le non-coté.
*383 membres de France Invest ont été interrogés et 356 ont répondu.