C’est une première en France. Quatre présidents des plus grands cabinets de gestion de patrimoine français étaient invités sur scène pour aborder la révolution apportée par le private equity dans leur industrie. Meyer Azogui (Cyrus), Olivier Farouz (Premium), Patrick Ganansia (Herez) et Bruno Narchal (Crystal), ont d'abord partagé leur expérience avec un fonds à leur capital. Alors que l’entrée de Montefiore en 2018 (auquel s'est ajouté Eurazeo en 2021) répondait à une logique de transmission pour Premium, Cyrus - aujourd'hui soutenu par Bridgepoint - a accueilli UI en 2008 comme un « chevalier blanc face à une attaque hostile d’un industriel ». Crystal a, lui aussi, préféré un fonds (Apax) à l'offre qu’il avait reçue d’un corporate, libérant ainsi sa volonté de se muer en consolidateur de son marché. Un projet pour lequel le dirigeant d'Herez a, lui, choisi le FO Florac en 2020, après avoir vu une quinzaine de fonds. « La réalité est très différente de ce qu’on peut s’imaginer. Il y a beaucoup d'éthique au sein des fonds d’investissement », a souligné Olivier Farouz, tordant le cou à certaines idées reçues. Si certains dirigeants ont parfois nourri quelques craintes, notamment autour de la part du capital à placer aux mains des fonds, l'accompagnement par les financiers a été clé dans le développement de leur structure. Premium est, ainsi, passé de 25 M€ de revenus à 191 M€ en 2022, tandis qu'Herez a acquis dix structures pour passer à 4,7 Md€ d'actifs... contre 1,5 Md€ à l’arrivée de Florac. Quant à Crystal, son patron est explicite : « Apax nous a aidé sur trois secteurs en particulier : la croissance externe, l'organisation de l’entreprise et la digitalisation ». Cet appui nécessite, aussi, de bien anticiper les besoins, aussi dynamiques qu'exigeants. « Préparez-vous, ayez les équipes adéquates afin de ne pas être sous stress permanent pour répondre aux différentes demandes des fonds ! », a averti Meyer Azogui.
Mais la consolidation du marché va-t-elle se poursuivre à un rythme aussi soutenu ? Rien de moins sûr, au vu du nouvel environnement. « Nous sommes passés d’un monde où l’argent était quasiment gratuit, à un monde où l’unitranche coûte autour de 10 % », a chiffré Jean-Louis Duverney-Guichard, fondateur de la banque d'affaires NewCo CF, néanmoins confiant sur l'avenir. Pas de signe, non plus, d'un éventuel tassement des prix, se sont accordés les dirigeants, les ventes se négociant aujourd'hui autour de 12x l'Ebitda. Si le dirigeant de NewCo CF a rappelé que la valorisation n'avait rien de « mécanique », Meyer Azogui a mis en avant l’importance du taux de croissance du chiffre d’affaires dans l'exercice. « Avec la hausse des taux, nous allons nous orienter - comme sur les marchés cotés - vers du "flight to quality" », a-t-il prédit. Pour Bruno Narchal (Crystal) qui a réalisé quelque 20 acquisitions en 20 mois avec Apax, l'agrégat le plus important est finalement « la capacité à s’intégrer à un projet ». Outre la poursuite de la croissance externe, certains envisagent de grandir à l'international. Groupe Premium - en phase de recherche d'un fonds pour son LBO ter - vise ainsi l'Italie, l'Espagne, la Suisse et l'Allemagne. Un virage que compte aussi prendre Cyrus, via son activité de distribution BtoB matérialisée par sa société de gestion Amplegest.
L'offre des CGP s'enrichit grâce à la démocratisation du non-coté
A l’occasion de la seconde table ronde, Jean-François Fliti (fondateur du multi-FO Allure Finance), François-Xavier Legendre (CEO de Dauphine Patrimoine) et Dominique Payen (fondateur d'Opti Finance) et Stéphane Rudzinski (président de Rhétorès Finance) ont échangé sur la place du capital-investissement dans leur offre. « Avec 15 points de surperformance par an entre les fonds du 1er quartile par rapport par rapport aux marchés cotés, le private equity a tous les ingrédients pour devenir une classe d’actifs importante », a introduit Frédéric Stolar, managing partner et co-fondateur d'Altaroc, faisant état d’un taux d’équipement de plus de 30 % pour les family offices américains (dont le patrimoine est supérieur à 200M€) contre 0,5 % en France. Rhétorès Finance a perçu cet intérêt dès sa création il y a une douzaine d’années, notamment « de la part des clients entrepreneurs ». Opti Finance a quant à lui franchi le cap il y a cinq ans, mais « à doses homéopathiques ». Grâce notamment à l’offre Altaroc, la classe d’actifs dépasse désormais 10 % de sa collecte (d'environ 170 M€) en 2022. En stock, le non-coté représente même 20 % de l’actif de Dauphine Patrimoine. Il faut dire que le cabinet adresse la classe d’actifs de longue date, d’abord via des FCPI puis des FCPR et des fonds immobiliers. « Mais il nous manquait le PE professionnel rentable, qui fait rêver », a dépeint le dirigeant, qui s’est pour cela tourné vers Altaroc. Allure Finance a, lui, attendu la création d’une offre éligible à l’assurance-vie et au PER, son dirigeant étant convaincu - en bon fiscaliste - de la « pertinence » de ces enveloppes d'un point de vue fiscal mais aussi dans une perspective de détention à long terme.
Rhétorès Finance a, lui aussi, choisi Altaroc comme cœur de portefeuille, tout en agrégeant en périphérie des « petites pépites », dont Activa 4 - présent à son capital depuis l'an dernier-, en faisant « des paris spécifiques sur du small et mid cap français ». Un terrain de jeu qui intéresse aussi de plus en plus François-Xavier Legendre. « Plus le client est important, plus on lui met de solutions différentes », a-t-il précisé, indiquant que cette offre Altaroc diversifiée était de nature à « capter de nouveaux clients », notamment face aux banques privées. « En flux, les CGP ont plus que doublé leurs parts de marchés en dix ans », a d’ailleurs noté Jean-François Fliti. Quant au contexte macro-économique, il n’est visiblement pas de nature à freiner cette dynamique. Au contraire. « En raison de l’inflation, il faut trouver des actifs de diversification, moins volatils, qui permettent une rentabilité cohérente par rapport aux besoins de retraite », a analysé François-Xavier Legendre. Jean-François Fliti en est toutefois convaincu : « Les fonds les plus sélectifs s’en sortiront bien mieux que les autres ». Un enjeu de sélectivité auquel se propose de répondre Altaroc, en offrant aux investisseurs privés, parmi les 5 000 fonds annuellement en levée les « six meilleurs », positionnés sur le LBO et forts d'un TRI annuel net minimal de 15 % sur les 20 dernières années (qui s'établit, dans les faits, entre 22 % et 36 % pour chacun des fonds du millésime Altaroc). « Alors que les multiples ont augmenté, on préfère être précautionneux et se surexposer à des secteurs dont la croissance va battre le PIB ». 50 % du portefeuille est ainsi investi dans les logiciels/services tech, 20 % en santé et 30 % dans les places de marché digitales (10% B2B2C et 20% en B2B).
Le private equity redynamise l'assurance-vie
Philippe Jeanjean (directeur des partenariats de Suravenir), Sabrina Rivière (directrice Wealth Solutions de La Mondiale Europartner) et Thomas Riou (directeur d’AXA Thema) ont clôturé les débats avec un focus sur le private equity dans l'assurance-vie. En ouverture des discussions, Aurélia Lovadina, directrice commerciale d'Altaroc, a d'abord rappelé la profondeur de cette enveloppe assurance-vie, qui concentre 75 % des actifs conseillés par les CGP. Sabrina Rivière a notamment rappelé l’intérêt de l’enveloppe de l’assurance-vie luxembourgeoise pour investir en capital-investissement. « Malgré la distribution, le rendement et donc la plus-value, il n’y a pas de taxation au moment de la perception. La fiscalité intervient seulement lors du rachat ou du décès », a-t-elle expliqué. Dans ce type de contrat, le private equity gagnerait du terrain « depuis 3 à 4 ans », auprès de « clients avertis, fortunés (...) qui ont une vocation à se déplacer à l'international », bénéficiant de la portabilité des contrats. Mais selon Thomas Riou, l’assurance-vie française ouvre la voie à une démocratisation plus large. Du fait, d’abord, de tickets d'entrée « de quelques K€ » (contre 100 K€ au Luxembourg), mais aussi « d’un appel de fonds immédiat et simple et d’une liquidité partielle ou totale » proposée par l’assureur.
Une enveloppe dédiée de 500 M€
Malgré la liquidité garantie par Axa sur certaines UC de private equity (dont Altalife, produit d'Altaroc), la classe d'actifs n'en reste pas moins à appréhender sur le long terme par l'épargnant. « La liquidité se matérialise toujours par des coûts affichés ou induits, modélisés dans les risques de rachat éventuels et la capacité à les porter au bilan de la société », a rappelé Thomas Riou. Egalement persuadé de l’intérêt du non-coté pour les épargnants, Suravenir a frappé un grand coup l’an passé, en structurant une enveloppe de 500 M€ (sur ses 50 Md€ d’encours) pour répondre à l’intérêt de ses partenaires et à la volonté de ses clients de « financer l’économie réelle ». La filiale d'Arkea permet donc à ses clients d’investir en PE, dette privée, et infrastructure au minima du contrat d’assurance et référence via six FCPR, dont Altalife, choisi pour notamment « la qualité de sa pédagogie auprès des distributeurs ». Un avantage Altaroc également salué par Sabrina Rivière, vantant en outre les mérites de la classification Article 8 du millésime 2022 d'Altaroc dans un contexte de volonté de plus en plus forte des épargnants d'investir sur des supports responsables.
Vers un marché secondaire pour le retail
Le mot de la fin est revenu à Maurice Tchenio, fondateur d'Altamir et co-fondateur d'Altaroc. « Si on se donne comme ambition que la part investie en private equity par les investisseurs privés atteigne 8 % à horizon 10 ans, il faudra remplir trois conditions ». La première d'entre elle réside dans l'engagement des fournisseurs de solutions à mettre à disposition du retail « le meilleur du capital-investissement mondial » avec une offre surperformante et bien expliquée. La deuxième condition à la réussite de cet objectif se trouve entre les mains des distributeurs, confrontés à la nécessité de ne pas se laisser appâter par des produits les plus généreux en rétro-commissions. Enfin, le fondateur d'Apax a pointé du doigt l'enjeu de la liquidité, qui peut être « résolu par la généreuse mise en place d'enveloppe par les assureurs ou par la réglementation ». Mais « ce ne sont que des ersatz », a-t-il tempéré. Le modèle se trouverait, en effet, du côté de celui adopté par les investisseurs institutionnels pour leur propre bilan. « Nous avons 7 000 clients sur les deux premiers millésimes d'Altaroc. Dès lors que nous en aurons 20 000, nous pourrons constituer une place de marché permettant de confronter l'offre et la demande », a-t-il projeté indiquant qu'il sera alors nécessaire de créer une contrepartie pour réguler ces échanges : des fonds secondaires.