Isabelle Cheradame, Lionel Scotto Le Massese, Scotto Partners
Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs défaillances de management packages ont eu lieu dans le monde du private equity. Alors que la crise gagne en ampleur, le phénomène pourrait s’accentuer et entraîner de nombreuses restructurations de package. Pourtant, plusieurs éléments doivent être pris en considération avant de se lancer dans une renégociation.
Nous sommes tous conscients et témoins des conséquences économiques de la crise de la Covid-19. Même s’il est à craindre que l’ampleur des difficultés pour les entreprises soit loin d’être à son point culminant.
Dans le monde du private equity, cette crise peut également avoir un impact pour les dirigeants à titre personnel, lorsque ceux-ci ont investi dans leur entreprise, et, plus particulièrement, dans un management package. Une situation qui pourrait alors inciter certains d’entre eux à les renégocier.
Ceci est d’ailleurs le cas depuis la fin d’année dernière. Les situations de défaillance des management packages commençant à devenir plus nombreuses, leur restructuration s’est amplifiée, afin de réaligner les intérêts entre le management et les autres parties impliquées dans une opération de LBO.
Mais, pour mener une telle restructuration, plusieurs facteurs sont à prendre en compte tels que la durée du LBO en cours, le secteur de l’entreprise sous LBO, la structuration du package et le profil des managers, et bien entendu la légitimité de ces derniers.
La question de la durée
En ce qui concerne la durée, plus le LBO sera récent, plus les chances que la crise puisse être absorbée avant la sortie des investisseurs seront importantes. Néanmoins, en fonction des secteurs, le temps restant ne sera pas suffisant pour pallier les conséquences de la Covid.
Il est vrai que certains en sortiront renforcés, à l’instar des domaines de la santé, des technologies ou encore de la digitalisation alors que d’autres, n’auront ressenti que des effets nuancés. Mais, hormis quelques exceptions, force est de constater que de nombreux secteurs auront subi l’impact de la crise de plein fouet.
Dans les cas les plus simples, les entreprises auront accusé un décalage du business plan sans autres conséquences. Une sortie encore lointaine ou décalée permettra alors d’annuler l’impact de la crise sur l’investissement et le package.
Dans d’autres cas, en revanche, les entreprises feront face à des difficultés plus sérieuses, nécessitant une restructuration du groupe ou, ad minima, du capital de la holding. Ce scénario les soumettra le cas échéant à une procédure de sauvegarde, de mandat ad hoc, voire, dans les cas extrêmes, à une procédure collective.
Le profil des managers
De même, la structuration du package et le profil des managers doivent être pris en considération. Dans le cas d’un managérat d’un LBO tertiaire ou quaternaire, qui a généralement une partie très significative de son investissement en pari passu, le profil d’investissement identique à l’investisseur majoritaire aide à aligner les intérêts, pour autant qu’une injection additionnelle d’equity ne soit pas requise.
Dans le cas de managers de LBO primaire ou secondaire, la totalité (ou quasi-totalité) de l’investissement bénéficie d’un profil d’incentive. Cela permet au management d’obtenir un retour sur investissement proportionnellement plus important que l’investisseur financier, à la condition, cependant, que le management parvienne à atteindre certains seuils de performance. Seuils qui, malheureusement dans une crise comme celle que nous traversons risquent de ne plus être atteints.
Si un mécanisme de ratchet conditionné à un trigger de multiple peut rester valable, un package structuré sous forme de sweet equity, ou encore de ratchet avec un critère de TRI, nécessitera très vraisemblablement d’être restructuré.
Légitimité des dirigeants
Enfin, la renégociation du package sera naturellement différente selon que les managers investisseurs restent clés pour le développement du groupe ou ont fait place à une nouvelle équipe de dirigeants.
Selon les circonstances, il conviendra de structurer un nouveau package ou bien de restructurer le package existant. En fonction des équilibres entre les différentes parties, les négociations auront lieu avec l’actionnaire historique - lorsque celui-ci reste aux commandes - ou encore avec les créanciers ou le nouveau tour de table.
De même, dans un cas de situation in bonis, la négociation portera sur la captation d’un pourcentage de la plus-value de l’equity. A l’inverse, dans un cas de recovery, il conviendra de permettre au management de capter de la valeur également sur les quasi fonds propres.
Bien entendu, la capacité financière – ou plus vraisemblablement la capacité extrêmement limitée – du management devra également être prise en compte et nécessitera d’opter pour des instruments payants ou gratuits.
Chacun de ces éléments crée un contexte différent. Contexte qu’il est important de prendre en considération et d’analyser en détail avant d’entamer une renégociation de package. Car, la valorisation du package renégocié et les enjeux de fiscalité ajouteront, comme souvent en matière de management package, une dernière touche de complexité à l’exercice de restructuration.
Le bon timing
Dernier point, mais non des moindres, le timing des discussions est comme toujours crucial. D’un point de vue stratégique, le bon timing permet une meilleure négociation. Si les principaux acteurs sont d’ores et déjà convenus des principes de la restructuration de l’opération, ils seront moins enclins à prendre les demandes du management en considération.
D’un point de vue technique ensuite, si la nouvelle structure a déjà été arrêtée, a fortiori si celle-ci a fait l’objet d’une homologation, les possibilités de restructuration du package seront extrêmement limitées. D’où la nécessité, encore une fois, de savoir quel est le moment le plus opportun pour se lancer dans une renégociation et de se faire accompagner.