Danièle Batude, BM&A
« Qui contrôle le passé contrôle l'avenir ». C’est ce qu’écrivait Aldous Huxley et qui reste le fil directeur de la réalisation des due diligence financières. La finalité des travaux de l’auditeur est bien évidemment d’éclairer l’avenir et de permettre à l’acquéreur de porter un jugement averti sur le business plan, que celui-ci soit élaboré dans un contexte de pérennisation des activités passées de l’entreprise ou dans un contexte disruptif. Mais, pour la bonne raison que l’histoire est connue et l’avenir incertain, les travaux de due diligence se portent toujours dans un premier temps sur la compréhension de la rentabilité historique et des équilibres financiers induits.
Pour l’essentiel, l’information recherchée se trouve dans la comptabilité mais elle y est souvent cachée. Dès lors les analyses requises qui portent sur la rentabilité normative et le niveau de dette financière comparé à celui du BFR et des CAPEX peuvent donner lieu à une consommation de temps importante avec une valeur ajoutée faible. Notamment dans les comptabilités générales françaises, la présentation des agrégats du compte de résultat par nature et non par fonction nécessite souvent des reclassements fastidieux pour aboutir à une présentation pertinente des composantes de l’EBITDA, sa mise en relation avec les métriques non financières de la cible pour aboutir au fameux EBITDA normatif qui est le point de départ de la validation des projections. De même, les analyses portant sur les évolutions historiques de la situation de trésorerie peuvent vite achopper sur un manque de suivi sur une base régulière de ces données au sein de la cible et donc à des travaux de reconstitution importants et le plus souvent parcellaires.
Le gain obtenu par le recours à l’intelligence augmentée
Le recours à l’intelligence augmentée au travers d’un logiciel spécifiquement adapté à une lecture éclairante des écritures comptables permet, en utilisant la plus fine granulométrie disponible, de restituer rapidement des analyses complètes et ciblées. La mise en place d’une telle méthode a été facilitée par le législateur qui oblige les entreprises à produire à l’administration fiscale leur Fichier des Ecritures Comptables (le FEC). Ceci signifie qu’il existe systématiquement une trace informatique des écritures comptables unitaires qui peut être exploitée. Ainsi, peuvent être mises en œuvre des solutions informatiques de traitement des écritures comptables unitaires (par exemple une solution telle que GEO - Global Enterprise Observer, clin d’œil au célèbre canard qui Trouve Tout) qui permettent d’analyser les écritures historiques d’une entreprise sous divers aspects.
Les objectifs recherchés lors de l’utilisation d’un tel logiciel peuvent être divers : simulation d’un contrôle fiscal à blanc, recherche d’écritures pouvant être un indice d’opérations frauduleuses, aide à la vérification de la correcte application de la loi SAPIN 2. En particulier, un tel outil peut être utilisé pour accélérer et donner davantage de précision lors des travaux de due diligence financières. Alors que traditionnellement, les auditeurs lors qu’ils interviennent à l’achat ou à la vente réalisent un mapping des soldes comptables à partir de balances générales, travail assez fastidieux et ne traitant que des positions et non des flux, cette solution informatique mise à disposition de l’auditeur part de l’écriture comptable, donc du niveau d’analyse le plus fin, disponible dans la comptabilité générale comme dans la comptabilité auxiliaire (clients, fournisseurs) et peut reconstituer les flux à la demande. Ceci permet non seulement un gain de temps mais aussi une amélioration sensible de la finesse des analyses, comparée à celle produite par les méthodes habituelles. Par exemple, le niveau de BFR comprenant les agrégats souhaités peut être analysé par mois et même de manière intramensuelle. Les délais de règlement clients / fournisseurs peuvent être étudiés de manière fine en ciblant un élément précis ou une famille de clients/ fournisseurs. La recherche des plus gros contributeurs au chiffre d’affaires et aux achats peut être réalisée rapidement et rapprochée des besoins induits en fonds de roulement.
Ceci ne dispense pas l’auditeur d’exercer son jugement dans la mise en perspective des données collectées avec des éléments non financiers pour étudier les indicateurs clé (KPI) et leur évolution, d’examiner des données financières non encore traduites en comptabilité (carnet de commandes,..) . Mais comme le médecin qui aurait eu l’opportunité de passer son patient au scanner, l’auditeur peut acquérir rapidement une vision globale pour porter son diagnostic. Il peut se focaliser toujours avec l’aide de l’intelligence augmentée sur des données plus fines bénéficiant des possibilités de robotisation des recherches et d’analyses des données fournies. Ceci peut trouver à s’appliquer sur les entreprises françaises (assujetties à la production de FEC (Fichiers des Ecritures Comptables)) mais également à des entreprises étrangères sur la base de leur plan de comptes ou encore à des données combinées ou consolidées. De manière générale, ces nouveaux outils permettent à celui qui souhaite une compréhension approfondie et ciblée des comptes d’obtenir rapidement des informations qu’il soit conseiller fiscal, auditeur interne, expert recherchant des opérations frauduleuses ou lors de la réalisation de due diligence. Cette possibilité orientera vraisemblablement l’approche des missions d’analyse et / ou de contrôle financier pour donner davantage de valeur ajoutée à ces travaux en dégageant ceux qui les exécutent de recherches matérielles consommatrices de temps.