Isabelle Luy-Landès, LBP AM
La prise en compte des critères de durabilité dans l’analyse et la sélection des sociétés est essentielle car elle vise en premier lieu à s’assurer de la solidité de l’entreprise. À l’inverse, une faible prise en compte de ces dimensions peut constituer un facteur de risque supplémentaire, avec, par exemple, un accès à terme plus difficile aux financements. Outre cette dimension de gestion des risques, la prise en compte des caractéristiques ESG dans la structuration des prêts sur cette classe d’actifs offre une réelle opportunité d’impact sociétal positif. En effet, le dialogue et l’écoute des équipes dirigeantes sont au cœur même du métier de la dette privée corporate qui permet de négocier avec celles-ci des engagements de progrès en matière de durabilité et de les accompagner dans leur réalisation.
L'impact du règlement CSRD
En tant qu’investisseur dans les ETI /PME, nous pouvons jouer un rôle moteur pour les aider à mieux prendre en compte les considérations ESG dans leur modèle d’affaires et à faire évoluer leurs stratégies. C’est d’autant plus un enjeu que ces petites structures, au cœur de l’économie réelle, sont dans l’ensemble moins matures que les grandes entreprises en termes de durabilité, car bénéficiant de moins de ressources à y consacrer et jusqu’à présent moins d’obligations réglementaires.
Or, elles doivent désormais converger avec les pratiques de gestion et reporting de plus grandes sociétés. De fait, avec l’entrée en vigueur du règlement CSRD et l’élargissement progressif de son champ d’application, le nombre de sociétés européennes concernées par la publication de reportings extra-financiers devrait passer de 12 000 à l’heure actuelle à 50 000 (1).
C’est pourquoi nous constatons que la prise en compte de la dimension ESG par leurs financeurs est davantage perçue comme une opportunité par les dirigeants mais aussi les fonds de private equity, qui non seulement sont souvent sensibles à ces enjeux mais perçoivent aujourd’hui que cela peut contribuer à l’attractivité de leur société.
Une intégration concrète
Tout d’abord, au stade des due diligences, les investissements envisagés doivent être compatibles avec la politique des exclusions réglementaires et sectorielles des investisseurs. Ils doivent faire systématiquement l’objet d’une analyse ISR, afin d’apprécier les opportunités et les risques, au même titre que l’analyse des paramètres financiers. Cette analyse peut reposer par exemple sur des méthodologies propres aux investisseurs et adaptées à chaque secteur d’activité, pour mieux rendre compte de la matérialité des risques environnementaux ou sociaux sur chacun de ces secteurs (pondération sectorielle, activation/désactivation de critères d’analyse).
Ensuite, au moment de l’investissement, pour les sustainable linked loans, ou prêts à impact, plusieurs critères de performance en matière de durabilité, peuvent être calibrés en fonction des spécificités de l’entreprise et de son secteur d’activité. Pour chacun des critères, une courbe de progression sur des indicateurs de suivi pertinents doit être définie sur la durée de vie de l’opération de financement. À la clé, un système de bonus ou de malus (si la progression n’est pas tenue pour l’un des critères) sur la marge du financement.
Enfin, durant la vie du prêt, un suivi des trajectoires de l’entreprise sur ces KPI doit être réalisé à un rythme annuel, la courbe de progression devant être certifiée par des certificateurs externes. Ce suivi dans le temps a pour but d’encourager les améliorations des entreprises.
Vous l’aurez compris, l’ESG est devenu un facteur clé pour la valorisation future de l’entreprise !
1 Source : EY