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Alternext : guide pratique du transfert de titres cotés d'Euronext


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Laurent Bensaid, King & Spalding

Les émetteurs, dont les titres sont admis aux négociations sur les compartiments B et C d’Euronext Paris, disposent désormais de la faculté de solliciter auprès de NYSE Euronext le transfert de leur cotation vers Alternext, sans être contraint de mettre préalablement en œuvre une offre publique de retrait suivie d’un retrait obligatoire [1].

Le nouveau dispositif législatif et réglementaire permettant la réalisation d’un tel transfert (loi n°2009–1255 du 19 octobre 2009, nouvelles dispositions du Règlement général de l’AMF issues de l’arrêté du 4 novembre 2009 et règles d’Alternext du 16 novembre 2009), fait suite à différents travaux organisés par l’AMF sur les conditions de fluidité entre plateformes de cotation. Il s’inscrit par ailleurs dans le cadre des réflexions menées à ce jour au niveau français et européen sur le développement et la cotation des petites et moyennes entreprises. Madame Christine Lagarde, ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, a ainsi confié le 30 octobre 2009 une mission à M. Fabrice Demarigny, associé du cabinet Mazars et ancien secrétaire général du CESR, visant à proposer les mesures du « Small business act » du droit boursier européen qui sera présenté par la France à la Commission européenne d’ici fin 2009.

Une centaine d'émetteurs à ce jour

Alternext, marché organisé qui regroupe à ce jour une centaine d’émetteurs, souffre d’une notoriété encore réduite à l’étranger et d’une liquidité parfois insuffisante. Mais cette situation pourrait bien évoluer en raison de l’avènement du nouveau dispositif. Depuis le début du mois de décembre, quatre émetteurs (Cerep, Keyyo, Makheia et Sical) dont la capitalisation boursière est inférieure à 50 millions d’euros, ont déjà manifesté publiquement leur intention de mettre en œuvre la procédure de transfert. D’autres PME cotées sur Euronext, qui souffrent des obligations d’information étendues imposées par ce marché ainsi que des coûts y afférents, pourraient bien également se laisser séduire. Il est vrai que les obligations de transparence financière, comptable et juridique imposées par les textes aux sociétés cotées sur Alternext sont moins contraignantes que celles applicables aux émetteurs cotés sur Euronext (préparation des états financiers suivant les normes comptables nationales applicables ou les normes IFRS (au choix de l’émetteur); publication du rapport semestriel dans les quatre mois suivant la fin du second semestre ; absence d’obligation de publication de comptes trimestriels ou de transmission à l’AMF des clauses des pactes d’actionnaires prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions,…).

Pour les PME désireuses de suivre le mouvement, voici une synthèse de quelques règles applicables à la procédure de transfert issue du nouveau dispositif législatif et réglementaire. [2]

1. Approbation préalable de l’assemblée générale des actionnaires, information du public et maintien de certaines obligations légales et réglementaires

Afin de procéder au transfert de cotation sur Alternext, la loi du 19 octobre 2009 et le Règlement général de l’AMF prévoient :

- Une approbation préalable de l’assemblée générale des actionnaires. Alors que l’on aurait pu considérer que le simple vote du Conseil d’administration aurait été suffisant, la loi précitée requière l’obtention d’un vote favorable de l’assemblée des actionnaires sur le transfert de cotation. Le texte de cette loi ne précise pas si ce vote relève de la compétence de l’assemblée ordinaire ou extraordinaire. En l’absence de modification statutaire liée au transfert de cotation, l’assemblée générale ordinaire devrait être compétente. Notons que la loi du 19 octobre 2009 impose en outre que le transfert de cotation ait lieu dans un délai minimum de deux mois suivant la date de réunion de ladite assemblée.

- Une information préalable du public : au moins deux mois avant la date envisagée du transfert des titres d’Euronext vers Alternext, l’émetteur sera tenu d’informer le public du projet de transfert par la diffusion d’un premier communiqué de presse. En application du nouvel article 223–36 du Règlement général de l’AMF, l’émetteur devra détailler, à l’occasion de ce communiqué, les raisons pour lesquelles une telle opération est envisagée, les conséquences du transfert pour les actionnaires et le public, ainsi qu’un calendrier prévisionnel de réalisation. Cet article prévoit une seconde information du public, une fois la mise en œuvre du transfert décidée par l’organe de direction de l’émetteur à l’issue de l’assemblée générale visée ci–dessus. A la lecture des nouvelles dispositions du Règlement général de l’AMF [3], il apparaît nécessaire de procéder à la publication du premier communiqué de presse au plus tard le jour du vote par l’assemblée générale de la résolution portant sur le transfert de cotation. En effet, en telle hypothèse, les délais de deux mois prévus par les textes [4] coïncideront et le transfert effectif de cotation pourra avoir lieu au plus tôt, c’est–à–dire exactement deux mois après la tenue de l’assemblée générale. En pratique, il est toutefois vraisemblable que les émetteurs choisiront de communiquer sur le projet de transfert dès la publication de l’avis de réunion dans la mesure où cet avis révélera au marché le projet de transfert envisagé.

- Le maintien de certaines obligations de transparence : les dispositions relatives aux déclarations de franchissements de seuils et aux déclarations d’intention issues du Code de commerce et du Règlement général de l’AMF continueront à s’appliquer aux émetteurs et à leurs actionnaires pendant trois ans à compter du transfert de cotation vers Alternext [5].

- Une protection accrue des actionnaires minoritaires : les dispositions sur les offres publiques d’acquisition applicables aux sociétés cotées sur Euronext Paris (incluant celles relatives aux offres publiques obligatoires, aux offres publiques de retrait et au retrait obligatoire) demeureront applicables à l’émetteur ayant procédé au transfert de cotation pendant un délai de trois ans à compter dudit transfert [6]. A cet égard, il convient de préciser qu’à l’exception de la procédure de garantie de cours et de l’offre publique de retrait réalisée en vue d’un retrait obligatoire, le Règlement général de l’AMF et les règles publiées par Alternext le 16 novembre 2009 ne prévoient pas l’application du droit des offres publiques stricto sensu aux sociétés cotées sur Alternext. Ajoutons que l’article 3.2 des règles Alternext conditionne le transfert de cotation sur Alternext au fait que l’émetteur puisse justifier de la « diffusion de ses titres dans le public », via son marché d’origine, pour un montant d’au moins 2,5 millions d’euros. Cette exigence d’une ouverture minimum du capital de l’émetteur reste à clarifier, le critère de diffusion des titres dans le public ainsi que le moment d’appréciation du montant de 2,5 millions d’euros pouvant donner lieu à de multiples interprétations.

2. Rédaction d’un document d’information et choix d’un « Listing Sponsor »

L’article 3.3 des règles Alternext impose à l’émetteur souhaitant procéder au transfert de cotation de produire un document d’information intégrant (i) le dernier rapport annuel et les états financiers des deux derniers exercices, complétés s’ils remontent à plus de neuf mois par des comptes intermédiaires, (ii) la situation de trésorerie de l’émetteur datant de moins de trois mois, (iii) l’évolution récente de son cours de bourse et (iv) un état des communications effectués sur Euronext durant une période significative. Par ailleurs, l’émetteur sollicitant le transfert de cotation sur Alternext devra s’être préalablement assuré les services d’un Listing Sponsor. Ce dernier présentera la candidature de l’émetteur à la cotation sur Alternext, attestera qu’il a bien rempli ses obligations de communication sur son marché d’origine et vérifiera, pendant une période d’au moins deux années, le respect de ses obligations périodiques d’information. Dans l’hypothèse où l’émetteur sollicitant le transfert de cotation n’aurait pas choisi de Listing Sponsor préalablement audit transfert, il disposera de trois mois pour le faire. La « personne responsable » de l’émetteur au sens de la Directive Prospectus sera alors tenue de produire l’attestation de régularité visée ci–dessus. Le nouveau dispositif législatif et réglementaire rend attractif, pour les petites et moyennes entreprises cotées sur Euronext, le transfert de leurs titres vers Alternext dans la mesure où il n’impose pas la mise en œuvre d’une procédure complexe et dispense les émetteurs de la réalisation préalable d’une offre publique de retrait suivie d’un retrait obligatoire. Espérons que le développement de ces opérations de transfert ainsi que les réflexions combinées de NYSE Euronext et des pouvoirs publics, menées actuellement, déboucheront sur des mesures concrètes qui viendront combler les principaux écueils dont souffre à ce jour ce marché : une notoriété réduite et une liquidité parfois insuffisante.

Notes :

[1] L’AMF a toujours considéré, sur le fondement de sa mission générale consistant à « veiller à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers (…) », ainsi que sur la base de son ancien droit formel d’opposition à la radiation, qu’une société française souhaitant être radiée d’un marché réglementé devait préalablement lancer une offre publique de retrait suivie d’un retrait obligatoire. En outre, les règles de NYSE Euronext, qui régissaient le transfert de cotation hors Euronext, renvoyaient à la « réglementation nationale ». Or, cette dernière était, en France, inexistante. Ainsi, jusqu’à l’adoption du nouveau dispositif législatif et réglementaire, l’opération consistant pour une société à quitter Euronext pour rejoindre Alternext imposait un coût relatif au retrait de la cote, correspondant au rachat de 100% des titres, et un coût relatif à l’admission aux négociations sur Alternext.

[2] Voir également l’article de l’auteur à paraître au Bulletin Joly Bourse de Novembre–décembre 2009.

[3] Commentées par un communiqué de presse publié par l’AMF le 16 novembre 2009.

[4] Le délai de deux mois devant être respecté entre la date d’annonce du projet et sa réalisation effective, et celui devant séparer la date de l’assemblée générale et la date du transfert.

[5] Article L. 233–7–I du Code de commerce et art. 223–15–2 du Règlement Général.

[6] Articles L. 433–5 du Code monétaire et financier.

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