22 IPO et 13 OPA ont animé le marché parisien cette année mais au prix de dépréciations et de levées de fonds plus modestes que prévues. Enquête et retrouvez le tableau de toutes les opérations.
Après une année 2009 catastrophique pour les offres publiques (lire notre enquête Les offres publiques en berne en 2009 (12/03/10) enregistrant seulement cinq opérations sur Alternext, trois IPO sur Euronext (CFAO, Delta Lloyd et Movetis) et des OPA peu significatives, l'amélioration, même relative, est forcément nette sur le millésime 2010. CFnews, s'appuyant sur les données compilées par NYSE Euronext, a enregistré 22 IPO, 13 OPA et 2 OPE Téléchargez le tableau des offres publiques et transferts de marchés en 2010 (pdf), mais au final l'année se termine sur un bilan encore mitigé, assorti de faibles valorisations, de négociations délicates lors des OPA, ou de levées de fonds laborieuses lors des IPO. Aussi, malgré un début d'année encourageant pour le marché des IPO, avec les premiers pas du gérant d'Ephad Medica levant 275 M€ sur Euronext (hors option de sur-allocation), le second semestre s'est révélé chaotique. Les événements macro- économiques, comme les crises grecque et irlandaise, puis le décrochement de l'euro face au dollar, expliquent des IPO plus modestes que prévues, surtout tirées par le small & mid cap. « L'activité du marché primaire est le reflet de l'incertitude et de la volatilité des marchés actions. Mais cela ne remet pas en cause la capacité des investisseurs à intervenir en 2011, où l'on devrait observer un retour des opérations significatives », commente, optimiste, Valérie Vitter-Mouradian (photo), managing director chez RBS, banque conseil sur l'IPO de Medica.
Des IPO tirées par les biotechs et la santé
Sur l'ensemble de l'année, CFnews a compilé 22 introductions en bourse sur le marché parisien , dont 19 avec levées de fonds : 5 sur Euronext, 11 sur Alternext (voir le détail sur le graphique ci-dessus) et 3 sur le marché libre pour des montants respectifs de 1,9 Md€, 93,2 M€ et 51,1 M€ Téléchargez le tableau des IPO en 2010 (pdf) . Et au niveau européen, NYSE Euronext a enregistré respectivement sur les marchés Alternext et Euronext 37 et 14 opérations cette année représentant 87 M€ et 480 M€ de capitaux levés, des volumes très inférieurs à ceux des records de 2007, dernière année avant la crise où 46 sociétés avaient levé 451 M€ sur Alternext et 46 autres 9,2 Md€ sur Euronext. Le secteur de la santé et des biotechnologies a sauvé les meubles, attirant, à lui seul, plus d'un tiers des transactions sur Alternext (4 opérations sur 11 avec Deinove, Neovacs, Integragen et Carmat) et la moitié des volumes sur Euronext (avec Medica, AB Science, Novagali Pharma et Stentys). Mais selon différents interlocuteurs, ce phénomène est moins lié à l'attractivité du secteur, qu'aux contraintes qui lui sont propres, à savoir un secteur très capitalistique, que les capital-risqueurs ne peuvent plus entièrement financer. « Les besoins de financement des sociétés de biotech ou life sciences s'élèvent en moyenne à 20 M€ tous les dix-huit mois, or il est difficile pour un VC d'apporter plus de 40 M€ à la même société », explique Franck Sebag (photo ci-dessus), associé chez Ernst & Young . Pourtant les VCs ont largement soutenu les biotechs dans lesquelles ils étaient actionnaires au moment de leur IPO, mais « remettre de l'argent au pot était surtout un moyen de rassurer les nouveaux investisseurs et d'assurer le succès de l'opération dans des conditions de marché difficiles, analyse Christian Finan (photo ci-contre), directeur ECM chez Bryan Garnier, chef de file notamment sur les IPO de Novagali Pharma, Integragen et Zealand Pharma (Danemark). En outre, et également afin de soutenir leurs participations, de nombreux fonds étaient assujettis à des lock-up lourds et contraignants. »
De nombreuses opérations repricées à la baisse
Les opérations se sont en outre réalisées avec des valorisations moindres que celles escomptées au départ et le repricing de nombreuses opérations, à commencer par celle de Medica, contraint de diminuer son prix d'introduction initialement prévu entre 16 et 19,5 € à finalement 13 €. Même sort pour Novagali dont la fourchette était à l'origine prévue entre 5,80 € et 6,80 €, qui a finalement cédé ses actions au marché pour 3,40 €; mais aussi pour Neovacs, qui visait au départ une levée de 20 M€ sur Alternext et a dû revoir son offre à la baisse à 11 M€ pour obtenir finalement 10 M€ (lire nos articles ci-dessous). De son côté, le spécialiste de l'immunologie, AB Science, a levé 25,7 M€ au lieu des 55 M€ prévus initialement. « Sur un marché très volatile, les institutionnels bénéficient d'une position favorable et d'un pouvoir de négociation redoutable. Ils ont contribué à tirer les prix vers le bas », explique Yannick Petit (photo), P-dg fondateur d'Allegra Finance, rappelant le "traumatisme" vécu pour le groupe hôtelier de luxe et de casinos Lucien Barrière, ce dernier - détenu à 49 % par Accor - devant renoncer à la Bourse en septembre dernier, faute d'investisseurs (lire notre article ci-dessous). Autre phénomène qui n'incite pas ces derniers à changer d'attitude, les fortes conte-performances des sociétés depuis leur introduction en bourse cette année : Neovacs (-49,78 %), Merci+ (-48,89 %, qui devrait être retiré de la cote suite à l'OPA lancée par Viadom), Deinove (-47,75 %), AB Science (-38,09 %), Integragen (-33,92 %), Stentys (-17,67 %), Novagali (-9,14 %), Medica (-6,62 %). Les seules qui ont bien résisté sont Carmat (+26,70 %), Wedia (+18,44 %) et Agrogeneration (+10,53 %).
Le rôle déterminant des FCPI et FIP
Cette volatilité du marché s'explique également par un fort afflux de particuliers, qui ont joué un rôle déterminant dans le succès de nombreuses opérations financières en 2010. En effet, si les institutionnels ont réduit leur activité sur le marché boursier, notamment sur le segments des small & mid caps (capitalisation inférieure à 500 M€), leur préférant la liquidité des large caps, les particuliers, se sont au contraire montrés particulièrement actifs sur le front des introductions en bourse. Ce fut le cas entre autre sur l'IPO de Stentys en France, dont la tranche retail a été sursouscrite plus de deux fois représentant plus de 20 % des 22,7 M€ levés et de l’IPO d’ Enel Green Power, en Italie, où la tranche réservée aux particuliers a représenté plus de 75 % de l’offre globale de 2,4 Md€. « Sur un marché compétitif où les taux offerts par les placements monétaires sont bas et où les prix de l'immobilier flambent, les placements en actions de sociétés, présentant des valorisations attractives par rapport à leurs comparables cotés et des perspectives de croissance intéressantes, peuvent générer un intérêt soutenu de la part des particuliers », explique Christian Finan. « Les investisseurs les plus actifs ont été les FIP, FCPI et holding ISF sur les valeurs moyennes. La tendance devrait s'améliorer sur 2011 car l'indice Small & Mid 190 a superformé le CAC 40 de 15 % en 2010 et les fonds chercheraient à revenir sur les small & mid caps », estime Cyril Temin (photo ci-contre) d'Euroland Finance.
Transferts : Alternext favorisé par les nouvelles règlementations
L'année écoulée aura par ailleurs enregistré un certain nombre de transferts du marché réglementé d' Euronext vers Alternext : seize au total, selon les données de NYSE Euronext. Un mouvement lié à la nouvelle réglementation mise en oeuvre depuis janvier 2010, autorisant les transferts dans ce sens pour mieux répondre aux besoins des PME-PMI, souvent abandonnées sur le compartiment B ou C d'Euronext. Des mesures ont notamment été prises par NYSE Euronext et le gouvernement représenté par Christine Lagarde, Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, en faveur des PME-ETI cotées à Paris, pour soutenir ce marché. « NYSE Euronext a par exemple abaissé, le 29 mars dernier, le montant minimum du placement privé au moment d’une introduction sur NYSE Alternext à 2,5 M€, contre 5 M€ auparavant, et a participé à la création de l’Observatoire des PME-ETI cotées, chargé de donner de la visibilité aux petites sociétés et d’encadrer l’analyse financière indépendante, » explique Marc Lefèvre (photo ci-contre), directeur des relations émetteurs Europe chez NYSE Euronext. Fortes de ces nouvelle règlementations, de nombreuses sociétés ont donc été tentées de retrouver une visibilité et une liquidité en se réfugiant sur Alternext, une place de cotation désormais beaucoup plus souple et plus accessible pour les PME-PMI, attirant une grande diversité d'investisseurs, aussi bien les institutionnels que les particuliers, les fonds défiscalisés ou les fonds de private equity.
Des OPA étrangères sur les pépites françaises
Du côté des OPA, 2010 marque le pas vers la reprise après une année 2009 atone, mais reste sur des volumes faibles. CFnews a enregistré 13 OPA impliquant au moins un acteur français cette année, avec quelques deals emblématiques à l'instar de la reprise du fabricant français d'équipements de protection individuelle Sperian par l'américain Honeywell, qui a coiffé au poteau le fonds Cinven en proposant un prix 67 % supérieur à celui de son concurrent à 1,4 Md€. Et d'autres opérations sont en cours, comme l'acquisition de Genzyme par Sanofi-Aventis ou l'OPA du groupe de médias allemand Axel Springer sur le portail français d'annonces immobilières SeLoger.com valorisé 566 M€ par son repreneur. « Les OPA qui ont agité le marché français ont concerné majoritairement des entreprises de taille moyenne dont une partie importante du capital, de l'ordre de 30 % à plus de 50 %, est détenu par des blocs d'actionnaires, familiaux ou non. Du coup, les chances de succès d'une OPA inamicale sont limitées. Hermès pourrait être une autre illustration de cet état de fait », remarque Jean-Claude Rivalland (photo), associé chez Allen&Overy, cabinet ayant entre autres conseillé Honeywell sur Sperian, mais aussi le néerlandais Grontmij lors de son OPA sur la société française d'ingénierie Ginger valorisée 120 M€. Tendance déjà bien ancrée et qui se poursuit cette année : les "pépites" françaises attirent les convoitises des groupes étrangers. « La France reste un pays attractif pour les investisseurs étrangers. Beaucoup de belles sociétés y sont sous-valorisées à cause de la crise », ajoute Jean-Claude Rivalland (photo).
2011 : retour des IPO, notamment dans le secteur Internet ?
Selon les différents acteurs, le début d'année prochaine s'annonce prometteur pour les IPO car beaucoup de sociétés de qualité ne voulant pas se "brader" retardent leur introduction en Bourse depuis 2008. « Sept opérations sont déjà prévues pour le premier trimestre 2011 sur NYSE Alternext, dont la moitié en offre au public, et au moins six sociétés de tailles importantes devraient rejoindre la cote réglementée de NYSE Euronext au cours de ces prochains mois », précise Xavier Bommart (photo ci-contre), responsable du développement commercial du listing Europe chez NYSE Euronext. « Il existe un secteur très convoité par les investisseurs, Internet, malheureusement trop peu représenté à la bourse de Paris contrairement aux Etats-Unis avec Yahoo, Google, Priceline ou encore Expedia », souligne Christian Finan chez Bryan Garnier, qui organise d'ailleurs un petit-déjeuner débat en partenariat avec CFnews, Jones Day et NYSE Euronext le 25 janvier prochain sur ce thème 2011 : le retour des IPO dans le secteur Internet ?. En effet, ces sociétés très attractives sont le plus souvent, au départ, captées par le capital-investissement -pour rappel les VCs ont investi près d'un quart de leurs capitaux dans ce secteur au premier semestre- qui leur assure des niveaux de valorisation plus attractifs compris entre 10 et 14 fois l'Ebitda. Par ailleurs, les success stories françaises terminent souvent chez des industriels étrangers comme en témoigne notre enquête en deux volets publiée en octobre dernier M&A: Le e-commerce emballe et M&A: le secteur Internet et e-commerce emballe (2ème partie).
Si le marché français des IPO était à la peine cette année, contrairement à la tendance mondiale atteignant des records sur les onze premiers mois de l'année avec 1 200 introductions en bourse pour une valeur globale de 193 Md€, tirées par les marchés asiatiques, selon une étude publiée récemment par Ernst & Young, il pourrait donc bien combler son retard l'an prochain. Selon nos informations, il y aurait déjà dans le s starting blocks les IPO de Tunisie Télécom, Tereos International, le spin-off d’Arcelor Mittal et l’ opération de Saint-Gobain, Areva, La Poste, Groupama, la nouvelle entité créée par la rapprochement de Transdev et Veolia Transport en enfin l'IPO de Canal + annoncé par Lagardère pour le printemps 2011.
A télécharger :
Tableau des offres publiques et transferts de marchés en 2010 (pdf)
Tableau des IPO en 2010 (pdf)
Lire aussi :
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