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M&A 2013 : un rebond sous conditions


| 4444 mots

Après une année 2012 sinistrée, marquée par une baisse de moitié des volumes, le marché du M&A pourrait profiter de plusieurs facteurs structurels pour esquisser un rebond en 2013.

Les volumes des fusions-acquisitions impliquant au moins une entreprise française ont été divisés par deux l'an passé, chutant à 84,9 Md€ contre 160 Md€ en 2011 selon Thomson Reuters. Ils sont ainsi retombés à leurs niveaux des années 1990, représentant seulement un tiers des volumes constatés durant les années fastes du M&A. Cette anémie du marché français -alors que les volumes européens et américains ne diminuent "que" de 4 % et 8 % - traduit plusieurs phénomènes, selon Henri Mion (photo gauche) et Marc Dunoyer (photo droite), co-responsables de l'équipe M&A Mid Cap de la Société Générale : "Ce fort retrait, comparable à celui observé en 2009, est lié à la perspective des élections en France, ainsi qu'aux incertitudes règlementaires et fiscales, qui ont mené à de nombreux reports d'opérations, sur fond d'interrogations sur un possible éclatement de la zone Euro. La baisse des current trading et la difficulté à remplir les carnets de commande observés en 2012 ont aussi beaucoup pesé sur la dynamique du marché", poursuivent-ils. Ainsi peu de transactions notables ont marqué l'année passée, et la majorité des acteurs s'accordent à dire que cet environnement économique morose, qui a lourdement affecté l'activité du capital-investissement, notamment des LBO.

Les corporate repartent à l'offensive

Fin des grands programmes de cession?

Ayant assaini leur bilan et constitué des matelas de cash confortables, les corporate ont été en mesure de financer des acquisitions. "Les quelques rares opérations d'envergure ont été initiées par de grands groupes pour renforcer leurs filiales. Mais il s'agit principalement de réallocations d'exposition, et non de mouvements transformants", remarque Stéphane Bensoussan (photo ci-contre), responsable du département M&A d'HSBC France, qui est intervenu comme conseil de l'Etat français lors du rachat de 30 % d'International Power par GDF Suez pour 8,4 Md€, et de France Télécom-Orange sur l'acquisition de l'opérateur égyptien Mobinil pour 1,5 Md€ (voir sa fiche annuaire et tous les deals conseillés ci-dessous). D'autres ont au contraire cherché à se désendetter en cédant des branches jugées non stratégiques comme Veolia Environnement, qui s'est séparé de son activité "eau régulée" au Royaume-Uni contre 1,532 Md€ et de sa filiale de déchets aux Etats-Unis moyennant 1,5 Md€ (voir la fiche Veolia). Ce phénomène a aussi été illustré par la société de capital investissement cotée Salvepar, qui a quitté le giron de la Société Générale pour rejoindre Tikehau. "Mais aujourd'hui les grands groupes ont déjà réalisé leurs programmes de cessions visant à se désendetter", estime Stéphane Bensoussan, qui ne s'attend pas en 2013 à une nouvelle vague de ce type.

Des stratégies différentes s'affûtent selon les secteurs

Si les grands projets de rapprochement comme BAE/EADS, Suez/Veolia, SFR/Free ou encore Opel/PSA et UPS/TNT n'ont pas abouti, souvent pour des problèmes de concurrence (lire BAE Systems et EADS mettent fin à leurs discussions (10/10/12), ils vont en revanche susciter de nouvelles réflexions sur des transactions structurantes en 2013. "Deux types de logiques nous semblent être à l’œuvre au niveau européen, estiment Christian de Haaij (photo de gauche) et Pierre Hudry (photo de droite), co-dirigeants de la banque d’affaires de Goldman Sachs pour la France, la Belgique et le Luxembourg, pour qui des opérations de rapprochement ambitieuses restent à l’ordre du jour pour les entreprises européennes en ce début d’année. "D'une part, certaines sociétés déploient des stratégies offensives, notamment dans le secteur des ressources naturelles ou des technologies, en privilégiant leur profil de croissance et l’accès à de nouvelles technologies et de nouveaux marchés, poursuivent-ils."
"D’autre part, certains secteurs s’inscrivent au contraire dans une logique défensive visant à protéger leurs marges et leurs capacités d’investissement, mais aussi à s’interroger régulièrement sur la structure de leur portefeuille d’actifs et son adéquation à leur stratégie, comme on a pu le voir pour certains grands acteurs européens de l’énergie, des services aux collectivités et des télécoms", ajoutent-ils. Ces propos ont par exemple été illustrés par Veolia Environnement en 2012 qui s'est séparé de son activité "eau régulée" au Royaume-Uni contre 1,532 Md€ et de sa filiale de déchets aux Etats-Unis moyennant 1,5 Md€.

Consolidation en vue chez les biotech et les services à la personne

Rodolphe Besserve, eureKARE

Rodolphe Besserve, eureKARE

Certains secteurs résilients sont particulièrement attendus cette année comme les medtech et les biotech. "Les grands groupes pharmaceutiques vont mieux et sont désormais moins contraints de signer des deals avec les biotech, analyse Rodolphe Besserve (photo), responsable du pôle santé au sein du département M&A Mid Cap de SGCIB. Les biotech ne sont donc plus en position de force et vont devoir devoir se serrer les coudes, ce qui pourrait provoquer des mouvements de rapprochements", poursuit l'expert, qui a notamment conseillé la biopharma nantaise Vivalis en vue de son mariage avec l'autrichien coté Intercell (Lire Vivalis et Intercell publient leurs bans, 17/12/12).
Par ailleurs, les services à la personne (EHPAD, cliniques, crèches...) devraient également continuer à avoir le vent en poupe, comme l'illustrent l'OPA lancée récemment par Korian sur Curanum; ou la stratégie offensive de certains groupes de cliniques tels que Vivalto, le groupe de santé privé de Daniel Caille qui a récemment signé sa neuvième acquisition en rachetant le Centre Médico-Chirurgial de l’Europe à Port Marly; ou encore Clinique Développement, soutenu par XAnge PE et EPF Partners, qui a repris Notre Dame du Bon Secours et la Polyclinique de Lisieux. "Tous les segments où le secteur privé vient se substituer à l'Etat français présentent un fort potentiel", estime Eric Felix-Faure (photo), associé d'Aelios Finance, conseil financier des crèches La Maison Bleue lors d'un récent tour de table mené auprès d'Activa et d'EPF Partners visant notamment à réaliser des acquisitions (Lire La Maison Bleue accueille de nouveaux actionnaires, 21/12/12).

Le small & mid cap résiste
"Naturellement, en bas de cycle et en période de restriction du crédit, le small cap demeure partiellement préservé par la nécessité de transmission des petites entreprises", considère Thierry Chetrit, président d'Intuitu Capital, rappelant que ces opérations dépendent également moins des financements bancaires. Pour les entreprises qui peuvent se permettre d’attendre des jours meilleurs, comme celles détenues par des fonds par exemple, les actionnaires travaillent sur le développement de leur portefeuille existant, notamment par build-up, ce qui génère des opérations small cap", poursuit le banquier qui a conseillé les actionnaires de Certeurop dans son adossement à Oodrive (Lire CertEurope sécurise sa cession, 23/05/12) ou encore les dirigeants fondateurs du laboratoire

Pierre-Yves Dargaud, AP Management

Pierre-Yves Dargaud, AP Management

d'analyse Rose, Courtilly et Theillier dans sa cession à Bio Ard'Aisne (Lire Bio Ard'Aisne double de taille, 09/01/12).
"A l'abri de la cyclicité, les sous-jacents technologiques ont été relativement épargnés par la crise, constate pour sa part Pierre-Yves Dargaud (photo), président d'AP Management, la boutique M&A dédiée à l'IT qui a conseillé une dizaine d'opérations l'an dernier, dont UI Gestion et les managers de ProxiAD lors d'un LMBI avec Gimv d'une valeur comprise entre 17 et 19 M€. Le M&A dans le domaine des SSII et du logiciel est un marché désormais composé essentiellement d'opérations small & mid cap, segments du marché beaucoup moins touchés par le ralentissement."

L'activité du private equity

Les sorties de fonds pourraient aussi alimenter le marché

Outre certains secteurs d'activité, les fonds d'investissements devraient eux aussi apporter de quoi nourrir le marché du M&A. "Beaucoup de fonds ayant dû différer les cessions de leurs portefeuilles des millésimes 2005-2007, ne vont probablement pas pouvoir continuer à attendre que le contexte économique s'améliore. Ils seront de ce fait amenés à céder leur participation, même si les conditions ne sont pas optimales -certains pouvant même ne pas retrouver les montants investis- alimentant ainsi le marché du M&A", indique Philippe Croppi (photo), associé d'Easton Corporate Finance, ajoutant que "de nombreux LBO montés en 2006-2007, dont la dette arrive à échéance en 2013-2014 et dont les business plan n'ont pas été réalisés, devraient procéder à des renégociations avec leurs banques".
En outre, de nombreux acteurs du private equity, disposant de réserves de capitaux importantes ("dry powder") accumulées lors des levées de 2007 et 2008 qui n'ont toujours pas été investies, sont également à la recherche de dossiers (Lire De la "poudre sèche" pour les fonds, 04/05/12).

Paul Le Clerc, Wagram Corporate Finance

Paul Le Clerc, Wagram Corporate Finance

Des cessions entre les fonds
Avec des volumes de collecte divisés par deux par rapport à 2008, les fonds traversent une crise majeure. Un écrémage a déjà commencé, notamment via des rapprochements, pour ceux qui n'ont pas réussi à relever comme Perfectis, cédé par Euler Hermès à HLD, le fonds de Jean-Bernard Lafonta (Lire Euler Hermès sort de Perfectis, 03/07/12), ou encore Atria, repris par Naxicap fin 2011 (lire Atria s'adosse à Naxicap, 09/12/11). Mais selon Paul Le Clerc (photo), président de Wagram Corporate Finance : "il y aura plus de run off de portefeuilles que de rapprochements, ce qui entraînera un regain d’activité dans le secondaire entre les LPs. Ceci se traduira aussi par des rapprochements entre GPs, lesquels baisseront ainsi leurs points morts, ce qui diminuera les managements fees pour les LPs et leur procurera donc une meilleure position concurrentielle sur les nouvelles levées de fonds."
Par ailleurs, les banques et les compagnies d'assurance poursuivent leurs grandes manoeuvres consistant à se séparer de leurs bras armés en non coté. Ainsi les participations d'Omnes Capital (ex-Crédit Agricole Private Equity) ont été vendues à Coller Capital puis la société de gestion a été rachetée par son président Fabien Prévost (CASA finalise la cession de CAPE, 16/12/11). Groupama Private Equity vient pour sa part de rejoindre le groupe ACG (Groupama Private Equity cédé à..., 04/01/13) tandis que le portefeuille d'Acto Capital est racheté par Five Arrows Managers et Luxempart. Par ailleurs, un certain nombre de gérants de FIP et FCPI, à l'instar de Viveris ou IPSA (ex Innoven) ont aussi rejoint les rangs d'ACG (voir sa fiche).

Des relais de croissance à l'international

Une montée en puissance des deals crossborder

Si certains secteurs d'activité sont particulièrement plébiscités, les acquéreurs potentiels cherchent également à compenser l'absence de dynamisme économique en Europe en s'offrant des relais de croissance à l'étranger, notamment en Asie et aux Etats-Unis. "Si les volumes sont encore relativement faibles, le deal flow augmente", note Stéphane Bensoussan chez HSBC, conseil de Schlumberger dans l'acquisition du chinois Anton Oilfield Services l'an passé. Certains groupes ne cachent pas leurs ambitions comme PPR, qui vient de s'offrir sa première marque chinoise avec Qeelin, ou comme Publicis qui multiplie les acquisitions en Asie-Pacifique, où il a signé une douzaine d'acquisitions entre 2011 et 2012 (Arachnid, UBS, King Harvests, Luminous, Genedigi, Wangfan, Gomy...) et où il génère désormais 33 % de son activité. Lire Les directeurs financiers plébiscitent le M&A hors Europe (25/10/12) et M&A : les opérations transfrontalières prennent l'avantage (11/05/12), ainsi que nos chroniques hebdomadaires Asie et Amérique latine.

Des candidats étrangers dans presque 100 % des processus

Patrick Coze, Ulysse & Co

Patrick Coze, Ulysse & Co

"Mais les opérations se feront désormais de plus en plus de l'étranger vers l'Europe", considèrent Patrick Coze (photo) et François Prioux, respectivement associé gérant et directeur chez DC Advisory (affilié au japonais Daiwa depuis mai 2009), conseil d'Alpha Direct Service lors de son adossement à Rakuten ou encore du nippon Citizen Watch dans la reprise de l'horloger français La Joux-Perret et Arnold. "Des candidats étrangers s'invitent désormais quasi systématiquement dans les processus, ajoute François Rivalland chez Leonardo & Co, précisant que plus de la moitié de ses opérations actuellement en cours impliquent un candidat étranger sérieux, en Europe, mais aussi à l'international. "En 2012, 70 % du M&A large cap concernait des opérations transfrontalières, et le marché du small & mid cap s'internationalise de plus en plus", confirme Elisabeth Amiel, associée chez Aforge Finance, qui a épaulé les actionnaires de la société normande d'emballage pharmaceutique Stelmi dans sa reprise par l'américain Aptar, ou encore l'agence de voyages en ligne Ecotour, rachetée par l'allemand HolidayCheck.

Des process « haute couture »
Face à la forte baisse des volumes de transactions, la concurrence s'intensifie entre les banques d'affaires qui cherchent à se différencier, en se spécialisant sur des niches ou des zones en forte croissance comme l'Asie ou les pays émergents. Poussées à offrir toujours plus de créativité, elles proposent désormais des process « haute couture ». "La standardisation ne fonctionne plus, il faut offrir des solutions originales et ne pas hésiter à affronter des sujets complexes pour satisfaire les clients et répondre à leurs attentes, insiste François Rivalland, associé-gérant chez Leonardo & Co. Dans beaucoup de processus, les vendeurs souhaitent désormais s'adresser à un environnement restreint, c'est-à-dire limité à 4 ou 5 acquéreurs candidats sur un dossier afin d'en préserver toute la valeur et un maximum de confidentialité. Les banquiers doivent donc faire un travail de sélection très en amont et les opérations de gré à gré s'imposent face aux processus d'enchères".

Thierry Chetrit, Clairfield

Thierry Chetrit, Clairfield

Pour Thierry Chetrit (photo), président d'Intuitu, conseil en M&A avec une composante restructuring : "il faut de plus en plus accompagner les sociétés de l'intérieur, sur le plan organisationnel et financier, avant d'envisager une opération. Je suis par exemple entré au conseil de surveillance de Madrange alors que la société était au CIRI ( Comité interministériel de restructuration industrielle) afin d'en remanier l'organisation avant de la céder à la Financière Turenne Lafayette", poursuit-il (Lire Madrange restera français, 03/06/11).

Des valorisations en baisse

Des valeurs d'entreprises autour de 6 fois l'Ebitda

Plusieurs conditions devront être réunies pour espérer un rebond du marché cette année. "Outre une amélioration de l'environnement macro-économique, une plus grande clarté sur la fiscalité et un raffermissement de la confiance des dirigeants, il faudra que tous les acteurs revoient leurs attentes en terme de valorisation", explique Pierre Albouy (photo ci-contre), associé-gérant en charge de l'activité M&A chez Aforge Finance. Alors que les niveaux de valorisations moyens étaient compris entre 7 et 8 fois l'Ebitda en 2007, ils tournent désormais autour de 6 ou 6,5 fois, leurs plus bas niveaux historiques, ce qui freine les vendeurs et contribue à l'attentisme général sur le marché (lire aussi: Les multiples des PME non cotées flanchent encore, 22/11/12).

"La prime stratégique l'emporte à nouveau sur le levier bancaire, on revient aux fondamentaux." E.Félix-Faure, Aelios Finance

Cette tendance devrait se poursuivre en 2013, avec un rattrapage des prix proposés par les industriels sur ceux offerts par les fonds d'investissement. "En 2007-2008 les industriels n'étaient pas capables d'offrir les valorisations présentées par les fonds qui faisaient alors jouer l'effet de levier. Mais un rééquilibrage s'est opéré en 2010-2012 et désormais la prime stratégique (synergies industrielles et commerciales) l'emporte à nouveau sur le levier bancaire, on revient aux fondamentaux", analyse Eric Félix-Faure, associé d'Aelios Finance.

Des leviers compris entre 2,5 et 3 fois l'Ebitda

"Cette baisse des valorisations est liée aux faibles niveaux de levier accordés par les banques du financement, le prix d'une cible étant en partie basé sur sa capacité d'endettement", rappellent Patrick Coze et François Prioux, respectivement associé gérant et directeur chez DC Advisory, conseil par exemple d'Argos Soditic, qui a cédé Buffet Group pour 58 M€, soit 7,9 fois l'Ebitda, lors du LBO bis mené par Fondations Capital qui comportait un levier d'à peine 3 fois l'Ebitda (lire Buffet Group dévoile sa partition, 03/04/12). Et partout, on constate que les acteurs demandent naturellement moins de levier, dont les niveaux restent relativement stables depuis deux ans. "Le marché se régule de lui-même, les montages incluent dorénavant des niveaux de dette compris entre 2,5 et 3 fois l'Ebitda, contre 4 à 5 fois allant même jusqu'à 6 fois avant la crise", précise Elisabeth Amiel (photo ci-contre), considérant que "les vendeurs commencent à accepter peu à peu la baisse des valorisations."

Internet et le e-commerce ne connaissent pas la crise
Certains secteurs sont restés très bien valorisés en 2012 et devraient continuer de l'être en 2013, comme les valeurs Internet et e-commerce.

David Salabi, Cambon Partners

David Salabi, Cambon Partners

"Affichant des taux de croissance annuels supérieurs à 20 %, contrastant avec les mauvais chiffres de l'économie, le on-line continue de gagner des parts de marché sur le off-line, dans le domaine de l'assurance ou du web to print par exemple", observe David Salabi (photo), associé de Financière Cambon qui a notamment conseillé Chronoresto lors de son adossement à Pages Jaunes (Chronoresto avalé, 08/01/13). "Les dossiers présentant des fondamentaux solides mobilisent beaucoup plus d'acquéreurs qu'avant la crise. Les candidats sont prêts à payer les pépites entre 10 et 20 fois leur Ebitda, voire plus, valorisant ainsi leur potentiel de croissance." Ingenico a tout récemment illustré ce phénomène avec le rachat d'Ogone, le fournisseur belge de services de paiement sur Internet, pour 360 M€ soit 28 fois son Ebitda (Lire Ingenico se paie Ogone, 30/01/13).

Les conseils fournissent le financement ou "pré-packagent" les deals

François Rivalland, Natixis Partners

François Rivalland, Natixis Partners

Non seulement les leviers sont plus faibles, mais la dette -essentiellement par club deals, au détriment des prises fermes- n'est pas simple à obtenir. "Si le crédit bancaire se détend un peu, notamment depuis début 2013, les banques restent très exigeantes et n'hésitent pas à arbitrer en fonction de la qualité du dossier et de l'information présentée, relève François Rivalland (photo), chez Leonardo & Co, qui développe une activité de conseil en financement depuis près de deux ans, dirigée par Philippe Charbonnier (Lire Leonardo se muscle en financement-debt advisory). Pour plus de la moitié des opérations que nous avons conseillées en 2012, nous avons également accompagné nos clients sur le sujet du financement", indique-t-il.

Etre capable de trouver la dette pour assurer le financement d'une opération, certains le font depuis longtemps comme Rothschild (Vincent Danjou), DC Advisory ou JPH Hottinguer CF (Philippe Bassouls). D'autres s'y mettent en créant leur propre département de financement à l'instar de Lincoln (Serge Palleau) Messier Maris (François Guichot-Perere) ou d'Oddo CF récemment (Nadine Veldung) (Lire Oddo Corporate Finance s'invite dans le financement bancaire et obligataire (23/11/12), ou en prennent la voie comme Aelios qui vient d'accueillir Sandrine Adam, dotée de onze ans d'expérience en financement chez Crédit Agricole Ile de France(Cadif). Face à cette pénurie de prêts bancaires, de plus en plus de conseils M&A choisissent aussi de placer eux-mêmes la dette en amont du deal, pendant leur mandat de vente, proposant ainsi des opérations "pré-packagées" aux acquéreurs potentiels, s'assurant ainsi du bon déroulement de l'opération.

Les fonds propres aussi se raréfient

Fabrice Scheer, UBS

Fabrice Scheer, UBS

Mais l'échec ou le ralentissement des opérations ne résulte pas non plus toujours d'un assèchement du marché du crédit. "Certes les banques ont durci leurs positions, mais, de manière surprenante, il s'est révélé plus difficile en 2012 de convaincre les acteurs du private equity d'investir que de lever la dette, nuance Fabrice Scheer (photo ci-contre), responsable du département M&A d'UBS Wealth Management. Dans tous nos process nous avons ressenti une très forte tension de la part des fonds, de plus en plus exigeants. Il a fallu être très convaincant sur la partie equity, poursuit le banquier, conseil de 21 Partners dans le MBO bis d'Oberthur ou du groupe Franck Provost dans la réalisation du LBO par Chequers (voir sa fiche).

Quels financements en 2013?

Accroissement des opérations "papier"

"Les opérations en "papier" évitent aux acquéreurs de trancher sur la valorisation de la cible dans un contexte incertain." P.Hudry, Goldman Sachs

Pénurie de dette, insuffisance de fonds propres, économie en crise, BP revus à la baisse... alors comment financer les opérations de M&A ? "Les marchés de capitaux sont prêts à apporter leur soutien au financement en numéraire d’opérations ambitieuses de plusieurs milliards, voire dans certains cas dépassant la dizaine de milliards d’euros, estime Pierre Hudry chez Goldman Sachs, mais la part des opérations en "papier" est sans doute amenée à rester significative, compte tenu d’une prudence justifiée sur la structure de bilan-cible des acquéreurs, des risques de refinancement et du fait qu’une négociation sur la valorisation relative des actifs contribués – plutôt qu’un désintéressement total en cash d’une des parties – peut parfois aboutir plus facilement", poursuit-il, notant que "certaines sociétés américaines ont accumulé des niveaux de liquidités considérables hors des Etats-Unis et que l’emploi de ce cash pour financer des opérations de croissance externe peut parfois s’imposer comme la solution de financement la plus naturelle."

Montée en puissance des financements alternatifs

"Il va y avoir un effet de ciseaux sur la mezzanine, les rendements de l'equity se rapprochant désormais des rendements de la mezzanine." P.Albouy et E.Amiel, Aforge Finance

Les produits alternatifs de type obligations convertibles (OC) -qu'utilisent couramment des acteurs comme A Plus Finance ou FSI Régions- ou mezzanine, réapparus ces dernières années, pourraient également continuer à gagner du terrain. S'apparentant plus à des capitaux propres qu'à de la dette, ces solutions permettent de sécuriser le recours au financement bancaire. Les intervenants sur ce créneau remportent un succès grandissant, à l'instar d'ICG, qui vient de lever un fonds mezzanine record de 2,5 Md€. Cela donne des idées à d'autres (Lire LBO : les fonds de dette à l'abordage, 02/10/12), comme Tikehau IM qui s'est associé l'été dernier à l'australien Macquarie Lending pour offrir de la mezzanine, des obligations privées mais aussi de l'unitranche allant jusqu'à 200 M€ aux entreprises françaises en LBO mid-cap ou corporate (lire Nouvelle offre de financement pour les PME, 16/07/12). "Mais il va y avoir un effet de ciseaux, un problème de positionnement sur la mezzanine, pensent Pierre Albouy et Elisabeth Amiel chez Aforge, remarquant que les rendements de l'equity se rapprochent désormais des rendements de la mezzanine. En effet, les rendements attendus par l'equity étaient de l'ordre de 25-30 % et sont désormais autour de 15-20 % aujourd'hui."

L'unitranche réservée à une poignée d'élus

Autre produit à la mode : la dette unitranche, qui elle aussi suscite des vocations. Alors qu'il n'existait qu'une poignée d'intervenants l'an passé, ils sont aujourd'hui une quinzaine sur le marché (Lire L'unitranche se fait une place sur le mid cap, 25/01/2012). "Mais ce produit reste coûteux, autour de 11 à 12 %, soit entre 4 et 5 % plus cher qu'une dette classique, s'approchant ainsi parfois des taux mezzanine. L'unitranche reste donc réservée aux sociétés en forte croissance, capables de rembourser, et intervient sur des tickets compris entre 30 et 200 M€", indiquent Pierre Albouy et Elisabeth Amiel chez Aforge Finance. Très peu l'ont déjà utilisée : Courtepaille en 2010 (LBO ter avec Fondations Capital et unitranche pourvue par ICG), Unither (LBO mené par Barclays PE) et Biomnis (détenu par Duke Street) en 2011, tous deux avec un financement d'Axa Private Equity; et enfin l'an dernier Unipex (MBO avec IK Investment Partners et financement d'Ares Capital Europe et LFPI), IPH (LBO avec PAI Partners) et Kermel (LBO mené par Qualium Investissement) avec un financement d'Axa Private Debt pour ces deux derniers. Lire aussi notre enquête LBO 2013 : au chevet du portefeuille.

Le financement désintermédié progresse

Autre conséquence de cet accès restreint à l'emprunt bancaire : la part croissante du financement dont l'origine provient des entreprises elles-mêmes, via l'autofinancement ou via les marchés financiers à travers des IPO, des augmentations de capital ou des émissions obligataires. "Le financement désintermédié va progresser, assure Henri Mion, rappelant que Société Générale a récemment conseillé Lactalis sur sa première émission obligataire sur le nouveau marché des placements privés en euros (EuroPP) d'un montant de 507 M€ (Lire Lactalis se refinance par une émission obligataire, 30/12/12). Pour François Rivalland chez Leonardo & Co : "les crédits vendeurs restent, entre autres, une solution de financement intéressante prouvant la confiance des vendeurs dans leur société".


Les corporate continuent d'assainir leur bilan
Les groupes vont profiter des taux d'intérêt historiquement bas pour renégocier leur dette et allonger les maturités de leurs crédits, ce qui dervait ouvrir de nouvelles opportunités sur le marché du M&A. "Les entreprises cherchent à profiter d’une fenêtre de marché que certains n’hésitent pas à qualifier d’historique, quitte à accumuler du cash sur leur bilan et être très en avance sur leurs plans de pré-financement", indique Christian de Haaij, ajoutant que le "debt underwriting" est l'activité qui a connu la croissance la plus forte au sein des activités banque d’affaires de Goldman Sachs en 2012. Le marché est également prêt à apporter son soutien à des opérations de renforcement des fonds propres, comme ce fut le cas en début d’année pour Arcelor Mittal avec 4 Md$ (soit plus de 3 Md€) levés dans le cadre d'une offre combinée d'actions (1,75 Md$) et d'obligations remboursables en actions (2,25 Md$). Veolia a levé en ce début d'année 1,5 Md€ en titres hybrides.

Coûts de financement moins élevés, réouverture d'une fenêtre sur le marché de la dette, valorisations en berne, portefeuilles de private equity proches de leur date d'expiration, dry powder chez les fonds, corporates en quête de relais de croissance... beaucoup d'ingrédients semblent réunis pour espérer un rebond du marché des fusac en 2013. Reste à rebâtir un climat de confiance pour que les dirigeants d'entreprises et les fonds d'investissements, dont le mot d'ordre général depuis maintenant quatre ans reste la prudence, retrouvent goût au M&A. Cela dépendra de la visibilité que leur accordera l'environnement macro-économique, et notamment les décisions du gouvernement en matière de fiscalité. Chez les banquiers d'affaires interrogés, les dossiers affluent en tous cas en ce début d'année, laissant présager un meilleur crû 2013, même si l'équilibre reste fragile.

Télécharger : League table des banquiers d'affaires 2012.pdf

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EASTON CLEARWATER (V...
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