L’argent afflue vers le private equity mais toujours de manière sélective et, désormais, avec méfiance envers les valorisations. Un contexte délicat notamment pour la dizaine de GPs du lower mid-cap français en quête de fonds. Tableau de toutes les levées de LBO réalisées ou en cours.
Avec déjà 327 Md€ collectés sur les trois premiers trimestres, les levées de fonds de capital-investissement resteront robustes en 2014, après les 431 Md€ atteints en 2013, pour rappel une année record depuis la crise, selon les données mondiales de Preqin. En cela, le secteur peut remercier les banques centrales qui ont maintenu au plus bas leurs taux directeurs. « En conséquence, les investisseurs institutionnels sont avides de diversification dans des actifs plus rentables que le monétaire, en particulier les fonds de pension et caisses de retraites qui ont besoin de sécuriser un certain rendement à terme. Cette année, par exemple, nous avons vu les grands fonds de pension canadiens être très actifs en private equity, aux côtés des fonds souverains asiatiques et des grands family offices », observe Céline Méchain, managing director en charge de la couverture des fonds de capital-investissement chez Goldman Sachs (photo ci-contre). Et la France, à l’instar de l’Europe et de l’Amérique du Nord, profite plus que le reste du monde du nouvel afflux. Selon l’Afic, les levées de ses membres ont totalisé 3,6 Md€ au premier semestre, comme en 2013, où elles ont finalement atteint 8,2 Md€ sur l’année, le plus haut niveau depuis 2008.
Le buy-out en mode recyclage
Tout n’est pas si rose cependant. D’une part, l’afflux d’argent vers le private equity ne profite pas également à toutes les classes d’actifs. « Les investisseurs institutionnels recherchent en priorité des rendements réguliers, et se portent donc davantage sur les produits de dette, le marché secondaire ou l’infrastructure brownfield. Sur le marché primaire du LBO en revanche, ils sont plus dans une stratégie de maintien ou de renouvellement de lignes, notamment en France, un marché mature où beaucoup entretiennent déjà des relations historiques avec des gérants », détaille Jean-Christel Trabarel, associé-fondateur de l’agent de placement Jasmin Capital (photo ci-contre). D’autre part, l’allocation de leurs ressources reste très sélective. « Chez les LPs, la tendance est toujours à limiter le nombre de lignes tout en augmentant le ticket d’investissement moyen », poursuit le leveur, qui a notamment conseillé la levée d’ActoMezzanine II cette année. Enfin, pour sa part, l’Afic déplore que les levées – qui égalent le montant des investissements sur le premier semestre – ne permettent pas de reconstituer les réserves de manière satisfaisante pour les investissements futurs.
Alerte sur les prix
Cette année, un élément nouveau vient également compliquer la tâche des GPs : les valorisations. « Leur retour à des niveaux élevés constitue actuellement la principale inquiétude du marché, et elle s’accompagne de doutes sur la capacité de création de valeur », souligne Céline Méchain. De fait, en Europe les multiples flirtent avec leurs records historiques de fin 2006 (lire article ci-dessous), mais dans une conjoncture beaucoup moins porteuse qu’à l’époque. « Particulièrement visible sur les transactions de grande taille, le nouvel afflux de dette
vers le buy-out, tant en quantité qu’en diversité, a porté les prix à des niveaux difficilement justifiables », estime Agnès Nahum, managing partner d’Access Capital Partners, qui a récemment signé un closing intermédiaire à 350 M€ pour son nouveau fonds de fonds dédié au smaller buy-out européen. « Sur le marché secondaire, où jusqu’à 40 % de notre nouveau véhicule pourra être affecté, les prix sont également en hausse en raison d’une forte demande. Cependant, dans l’espoir d’une correction, nous maintenons nos ambitions sur ce marché, avec l’intention d’y accélérer notre déploiement dès lors que les prix s’ajusteront à la baisse », signale Agnès Nahum (photo ci-contre). Autre gérant de fonds de fonds à se méfier des valorisations est le suisse Capital Dynamics, fort de 19 Md$ sous gestion en capital-investissement et infrastructures d’énergie propre. En mai dernier, celui-ci a tout simplement préféré arrêter de poursuivre toute opportunité de co-investissement direct - une activité qui représente quelque 500 M$ chez Capital Dynamics : « En 2007 déjà, nous avions pris une telle décision, estimant que sur beaucoup d’opérations regardées les multiples n’étaient plus soutenables », indique David Smith, co-responsable de l’activité fonds de co-investissements, dont l’équipe a notamment coopéré avec Astorg et PAI Partners, respectivement dans Kerneos et Swissport International.
Un mid cap proche de l’ébullition
Au vu de la nature des levées depuis le début de l'année (voir tableau CFNEWS des levées de fonds ci-dessous), le marché est emmené par les spécialistes de la dette. En tête, le paneuropéen ICG, qui a réussi à réunir 1,7 Md€ pour son nouveau fonds de dette senior primaire, dépassant de 70 % son objectif, et Euromezzanine, qui a clos son 7ème millésime à 695 M€, pour un objectif de 650 M€. Toujours aussi présent, Tikehau a pour sa part collecté 230 M€ pour un nouveau fonds de prêt senior, et le non moins actif Idinvest a lui signé le closing final de son troisième fonds de dette senior à 400 M€, et le premier closing de son deuxième fonds de mezzanine à 235 M€. Et même le first time fund de Trocadero Capital, un spécialiste de la mezzanine fondé par des anciens de Tikehau, a réussi son envol rassemblant 90 M€ pour son premier closing.
Par comparaison, les équipes en Lbo primaire ont montré peu d’activité, du moins en termes de closing. Mais les choses devraient s’accélérer prochainement. Du côté des méga-fonds, PAI Partners approcherait de l’objectif fixé à 3 Md€ pour son 6ème véhicule, et le paneuropéen Bridgepoint aurait déjà collecté 2,8 Md€ pour le premier closing de son 5ème millésime, qui vise à atteindre 3,5 Md€ minimum. Quant à LBO France, il serait toujours en quête de 1 Md€ pour son fonds White Knight IX. Mais l’animation du marché sera surtout l’affaire du lower mid-cap. Après Siparex, qui a levé 200 M€ pour les ETI en début d'année, et dans la foulée de Parquest Capital (ex-ING Parcom PE), qui a célébré sa prise d’indépendance avec un closing à 300 M€ en avril dernier, une dizaine d’équipes se feront concurrence auprès des LPs en 2015 : Omnes Capital, Abénex Capital, 21 Central Partners, LFPI Gestion, Pragma Capital - déjà fort d'un premier closing confidentiel en juillet -, Céréa Capital, BlackFin Capital Parners, LBO Partners, TCR Capital, Azulis Capital. Dans la liste figure également aujourd’hui Activa Capital, qui devrait cependant en sortir prochainement, après un premier closing en janvier dernier à 200 M€, pour un objectif à 320 M€. Enfin, on pourrait y ajouter deux experts du capital-développement également actifs dans le lower mid-cap : Pechel et Raise, sachant que ce dernier a déjà doté sa SCR de 220 M€, pour un objectif à 300 M€ - le même objectif qu’a récemment atteint Edmond de Rothschild Investment Partners pour son véhicule Winch Capital 3.
Le moindre écart se paye cher
Devant cet embarras du choix, les LPs seront d’autant plus libres de se montrer sélectifs, au risque de faire des déçus. « Entre deux gérants, la différence peut tenir à peu de choses : une ou deux lignes d’investissement qui ont mal traversé la crise peuvent suffire en effet à plomber un millésime. Or aujourd’hui, le moindre écart se paye très cher, les investisseurs institutionnels étant fortement polarisés sur les tout meilleurs GPs », explique Raoul de Vaucelles, récemment recruté comme executive director par l’agent de placement Cohen Brothers (photo ci-contre) « Quant aux moins performants, ils sont d’autant plus désavantagés qu’il leur est difficile actuellement de créer de nouvelles relations avec les LPs, surtout quand leurs LPs historiques ne réinvestissent pas dans leur nouveau véhicule », ajoute Raoul de Vaucelles, dont la structure vient d’obtenir un mandat exclusif de Capital Dynamics pour la France et d’autres pays européens.
Consolidation du lower mid
Dans ce contexte, d’aucuns doutent que le marché sera assez profond pour satisfaire tous ces acteurs du lower mid-cap, à l’instar de Jean-Christel Trabarel : « Il faut s’attendre à une consolidation du secteur, sauf à trouver d’autres alternatives, comme développer les co-investissements, faire du deal-by-deal ou s’associer à un chevalier blanc fortuné. » De fait, certains GPs se positionnent comme consolidateurs du marché. A l’instar d’ACG Capital, qui a notamment absorbé le pôle private equity de Groupama début 2013, ou de l’Idi, qui était candidat à la reprise d’Edmond de Rothschild Capital Partners (ERCP), finalement cédé à Bridgepoint. Ce dernier, qui l’a intégré à son activité de smid cap, se dit pour sa part en état de marche : « Nous avons atteint nos objectifs qui étaient d’étoffer à la fois l’équipe, le portefeuille, ainsi que les frais de gestion pour financer notre développement », rappelle Benoît Bassi, président de Bridgepoint France (photo ci-contre), qui restera donc un observateur à l’avenir : « En plus d’être très concurrentiel, le segment du lower mid-cap français compte bon nombre d’équipes exclusivement dédiées au marché français, et donc très dépendantes de sa conjoncture économique. Cela dit, malgré les difficultés qui lui sont propres, la France reste encore le meilleur marché du LBO en Europe continentale, tant par sa rentabilité, sa profondeur et son étendue. ».
En tout cas, sur le small cap, il continue toujours de susciter l’ambition de first-time funds. En juin dernier, Capital Croissance, fondé par Eric Neuplanche (photo ci-contre), un ancien d’Ardian (à l'époque Axa PE), a ainsi réussi un closing final à 65 M€, contre 50 M€ initialement visés. Depuis la rentrée deux nouvelles structures ont également éclos : Elige Capital, un fonds d’entrepreneurs créé par Emmanuelle Cappelo et Grégoire Bouvier, deux ex-directeurs d’investissement d’Initiative & Finance ; et Elaïs Capital, une structure de deal-by-deal sponsorisée par une dizaine de familles et lancée par Thibaut de Chassey, un ex-associé d’Atria Capital Partenaires -pour mémoire, l’une des premières équipes du mid cap qui avaient du, faute de levée, se rapprocher in fine de Naxicap.
Téléchargez le tableau CFNEWS des levées de fonds sur le marché du LBO depuis le début de l'année
A lire également :
Les multiples s’approchent du record historique (23/07/2014)
A lire dans CFnews Magazine de Novembre 2014 :