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Le M&A reprend des couleurs


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Le marché du M&A français a esquissé un rebond de 25 % en 2013, avec 30 Md€ sur 654 opérations selon Mergermarket. Si les corporate restent prudents, les fonds de private equity devraient être plus opportunistes en 2014.

Le millésime 2013 du M&A tricolore ressort en demi-teinte, avec un premier semestre robuste mais une fin d’année en forte baisse. Au total Mergermarket a recensé 654 opérations de fusion-acquisition impliquant une contrepartie française en 2013 (contre 600 en 2012) pour une valeur totale de 30 Md€, en hausse de 25 % comparé aux 24 Md€ de 2012 (voir le graphique ci-contre). Si ces volumes sont loin des 130 Md€ échangés au pic de 2007, le rebond semble pourtant s’amorcer avec notamment un retour des deals valorisés plus de 500 M€ dont Publicis/Omnicom (14,5 Md€), Activision Blizzard/Vivendi (6,1 Md€), Maroc Telecom/Vivendi (4,5 Md€), Invensys/Schneider Electric (3,4 Md€) ou encore Slovensky Plynarensky Priemysel/GDF Suez/E.On (2,6 Md€) - téléchargez ici le tableau CFNEWS des deals supérieurs à 500 M€. Plusieurs indicateurs devraient repasser au vert en 2014. « Les liquidités accumulées par les corporate et les fonds, la disponibilité du financement et la bonne tenue des marchés actions sont autant de signes positifs, estime Vincent Batlle (photo), associé financial advisory responsable du pôle transactions chez Deloitte, même s’il ne faut pas s’attendre à des miracles en France. »

Le private equity toujours porté par le secondaire
Sur le marché du private equity, l’activité a augmenté de 43 % en valeur avec 7,7 Md€ en 2013 contre 5,4 Md€ en 2012. Cependant, sur les dix plus gros LBO de 2013, aucun ne dépasse la barre du milliard d’euros de valorisation, le LBO de 992 M€ de BC Partners sur Allflex étant l’opération la plus significative, très loin des niveaux de 2006-2007, mais aussi de ceux constatés sur les marchés anglais et américain. Sans surprise les opérations secondaires priment largement - parmi les dix plus importantes, excepté Laboratoires Anios/Ardian et Inseec/Apax Partners qui sont des LBO primaires. Cette recrudescence de deals secondaires devrait se poursuivre dans les 12 à 18 prochains mois. Et ce, en raison des rotations des portefeuilles des fonds de private equity, composés pour moitié de participations acquises il y a plus de cinq ans. Les sorties de LBO significatives pourraient donc enfin animer le marché cette année - Lire notre enquête LBO : Le rebond tant attendu se dessine. Quelques beaux actifs sont déjà dans les starting blocks à savoir Giannoni, détenu par Carlyle, ou encore Diana, une participation d'Ardian dont la valorisation serait supérieure à 1 Md€. Confiée à JP Morgan et Lazard, la vente attise beaucoup de convoitises. Selon nos sources, trois offres préemptives, dont une de l’américain Omers, auraient été formulées. Autre belle cible, Onduline, dont Astorg, qui a mandaté BNP, attend plus de 400 M€.

Des réserves de cash importantes

« Entre 2010 et 2012 le niveau de trésorerie des groupes du CAC 40 a grimpé de 122 % »
Sami Rahal, Deloitte

En matière de liquidités le voyant est au vert, résultat d'une politique de rigueur durant les années de crise où les grands groupes se sont focalisés sur leur désendettement et les fonds sur la rationalisation de leur portefeuille. Cela s'est traduit par la cession de certains actifs, ou inversement par la volonté de se consolider sur des métiers connus en 2013. Ainsi, BNP Paribas a racheté 25 % de Fortis pour 3,25 Md€. Pour sa part, Vivendi a repris les 20 % qu’il ne détenait pas encore dans Canal + pour plus d’1 Md€. En parallèle il a cédé sa participation de 49,1 % dans l'éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard pour 6,2 Md€ et

Sami Rahal, Deloitte

Sami Rahal, Deloitte

a vendu Maroc Télécom à l'opérateur d'Abu Dhabi Etisalat pour 4,2 Md€. Total a aussi nettoyé son portefeuille en se séparant de TIGF au profit de l'italien Snam, Government of Singapore Investment Corporation et d’EDF pour 2,4 Md€. « Ayant à présent reconstitué leur trésorerie - entre 2010 et 2012 le niveau de cash des groupes du CAC 40 a grimpé de 122 % - et bénéficiant de plus de visibilité, beaucoup de corporate ont rebâti leur stratégie à moyen et long terme avec des volets de croissance externe, ce qui pourrait conduire à des acquisitions stratégiques beaucoup plus structurantes », estime Sami Rahal (photo), associé responsable de l’activité Financial Advisory Services et membre du comité exécutif de Deloitte France.

Vers plus de deals de conquête?

En 2013, la fusion annoncée entre Publicis et Omnicom (14,5 Md€), ou d’autres rapprochements stratégiques comme LVMH/Lora Piana (2 Md€) ou le rachat par Essilor de 51 % de Transitions Optical (1,73 Md$), le leader mondial des verres à teinte variable, préfigurent pour certains observateurs un retour des deals de conquête. Certains secteurs semblent particulièrement propices. « Pas mal de processus ont été lancés fin 2013 sur la mode, visant un closing au second semestre 2014 », indique Vincent Daelemans, vice président origination chez Riverside à Bruxelles. « Dans les télécoms, les belles opérations semblent refaire surface et cela devrait se poursuivre, estime Yann Magnan (photo), managing director du bureau parisien de Duff & Phelps. Plusieurs deals sont également attendus chez les big pharma, qui cherchent à renouveler leur pipeline, et dans la biotech dans un écosystème très riche en France, pour lequel se pose la question de la consolidation. »

La croissance organique privilégiée pour certains

Pourtant les cash flow disponibles n'incitent pas systématiquement les groupes à investir. « Il me semble que la trésorerie disponible dans les entreprises françaises n'est encore que peu utilisée pour des acquisitions, indique Hubert Sueur, le directeur du développement de Veolia, qui supervise les fusions-acquisitions du groupe. Ces dernières années, les managements ont, en effet, été davantage concentrés à gérer la crise et ses conséquences et à s'adapter à la nouvelle donne économique plutôt qu’à mener une politique de croissance externe, d’autant plus que certains ont été échaudés par des acquisitions réalisées en haut de cycle en 2006-2007, qu’ils ont eu du mal à intégrer. » Ainsi la croissance organique sera également privilégiée chez GDF Suez ou encore chez Airbus pour d’autres raisons, comme l’explique June du Halgouët (photo), la responsable de l’activité M&A du groupe : « Nous avons été amenés à réviser la stratégie d’Airbus Group car bien que nous ayons confiance dans le secteur de l'aéronautique civil, la défense et l’espace, l’Europe n’était pas encore prête à se consolider dans le domaine de la défense. »

Réouverture du marché de la dette

« Les taux devraient se maintenir bas en Europe pendant un certains temps »
Fabien Antignac, Crédit Suisse.

Parallèlement à cette abondance de liquidités, le marché de la dette, caractérisé par des taux historiquement bas, favorables aux émetteurs, s’est largement réouvert sur tous les segments (euro-obligations cotées, high yield, placements privés…). L'embellie du marché obligataire est arrivée dès 2009 pour les sociétés investment grade (notation supérieure à BBB-), à savoir les groupes du CAC 40 et certains du SBF, et se diffuse désormais aux ETI (lire l’encadré ci-dessous). En revanche, les prêts institutionnels et les émissions obligataires à haut rendement (high yield) ont mis plus de temps à revenir. « Avant la crise les émissions obligataires high yield représentaient environ 40 Md€ par an ; aujourd'hui elles atteignent près de 80 Md€ par an », relève Fabien Antignac (photo), managing director leverage finance chez Crédit Suisse. En 2012, le stress sur l'euro ayant été dissipé, ce marché s'est accéléré avec des opérations telles qu'Elior (350 M€) ou Alcatel (650 M€). Il est désormais possible d’emprunter sur le marché des obligations à haut rendement à des taux de 5-6 % sur des échéances longues de 5 à 7 ans. « Les taux devraient se maintenir bas en Europe pendant un certains temps, on ne voit pas de grands catalyseurs à la baisse, bien que ces marchés demeurent volatils », estime-t-il.

« Les banques européennes ont beaucoup souffert pendant la crise et on leur a imposé un régime drastique afin de réduire leurs bilans, ajoute Stéphane Barret (photo), head of coverage, global financing sponsors group, chez Crédit Agricole CIB. Elles doivent désormais se battre sur des produits plus risqués et à plus forte marge comme le high yield, mais qui peuvent être syndiqués sur le marché. » Bien que les obligations à haut rendement restent chères, notamment pour les ETI qui recherchent plutôt des taux autour de 3-4 %, elles offrent une grande flexibilité financière, notamment pour les entreprises qui ont sécurisé des financements en vue de réaliser des opérations de croissance externe. Le high yield peut donc être attractif lorsque la société a une stratégie de croissance fondée sur des acquisitions car le financement a une durée de 5 à 7 ans sans amortissement. Mais lorsqu'il s'agit de financer du BFR ou des besoins de moins de 50 M€, les solutions de marché manquent et les sociétés doivent se tourner vers leurs banques de relation.

Le marché obligataire s'ouvre aux PME-ETI
Si avant la crise, le financement classique des grands groupes européens, notamment pour leurs acquisitions, passait par la dette bancaire, un basculement s’est déjà opéré pour eux. « Depuis longtemps les grandes entreprises cotées, ayant un profil de crédit investment grade, se financent sur les marchés. Elles ont mis en place des programmes d’émissions obligataires et procèdent à trois ou quatre opérations par an », explique Cyril Kammoun (photo), président du pôle Aforge Degroof Finance. Le vrai changement se trouve dans la tendance à la progression très forte du marché obligataire pour les PME-ETI qui n’y avaient pas accès historiquement et se financent encore à 80 % par crédits bancaires (ce ratio est inversé dans les pays anglo-saxons), et sont aujourd’hui fortement encouragées à trouver des ressources par elles-mêmes sur les marchés. « Avant la crise, les crédits bancaires étaient peu coûteux avec peu de contraintes, les sociétés n’avaient donc aucun intérêt à aller sur les marchés pour se financer, analyse Cyril Kammoun. La crise a provoqué une prise de conscience aussi bien chez les banques, qui ont compris qu’elles n’avaient pas vocation à financer 80 % de l'économie, que chez les entreprises qui ont vu l’intérêt de diversifier leurs sources de financement pour conserver une certaine indépendance. » La profondeur des marchés obligataires est telle qu’un intérêt grandissant est né depuis quelques années pour des sociétés de taille plus modeste, sans notation, parfois non cotées, sur des maturités plus longues. « D’ici dix ans un rééquilibrage se sera opéré : le ratio 80 % dette bancaire/20 % obligataire va passer à 50/50 », selon Cyril Kammoun. Pourtant, « si le financement est simple et désintermédié pour les groupes, il n'est encore pas suffisamment fluide pour les PME-ETI (montant exigé par le marché, compétences limitées pour adresser ce type de sujet, mauvaise connaissance des acteurs et des solutions disponibles, etc.). En Europe, contrairement aux Etats-Unis, ce marché est encore en formation. Il tend à se désintermédier via l'utilisation croissante de conseils spécialistes », souligne Arnaud Heck, director debt advisory chez PwC.

Cap sur les pays émergents...

« Les moteurs de croissance se sont déplacés durablement vers les pays émergents »
Laurence Debroux, JCDecaux.

Liquidités, dette : cette année le M&A pourrait être plus actif, mais devrait surtout être tiré par les deals crossborder, et les groupes français pourraient être plus offensifs à l’étranger en 2014. A fortiori avec un euro fort, qui renforce le pouvoir d’achat des sociétés tricolores. « Face à une croissance faible, les entreprises françaises traquent la croissance là où elle se trouve, notamment dans les pays émergents. L’Europe peut rester un bon vivier de consolidation pour les entreprises souhaitant jouer sur les synergies et accroître ainsi leurs résultats », analyse Grégoire Chertok, partner chez Rothschild. « Les moteurs de croissance se sont déplacés durablement vers les pays émergents », confirme Laurence Debroux (photo), directrice générale administration et finance du Groupe JCDecaux. Le spécialiste des panneaux d'affichage et du mobilier urbain, qui a déjà fait de l’Asie et du Moyen-Orient ses piliers de croissance, entame désormais sa conquête de l’Amérique latine avec déjà une implantation au Chili, au Brésil, en Uruguay, en Argentine et la récente acquisition du leader régional du mobilier urbain, Eumex. « L’objectif est de combiner croissance organique et acquisitions pour atteindre une taille critique sur ces marchés. »

... et les Etats-Unis

Grégoire Chertok, Rothschild & Cie

Grégoire Chertok, Rothschild & Cie

Cependant, selon les observateurs du marché, les BRICs, notamment le Brésil et la Chine, suscitent moins d'appétit compte tenu des incertitudes pesant sur ces territoires (fort ralentissement de la croissance l’été dernier, dévaluation du real de 30 %, crise politique en Russie…). De nouvelles zones trouvent grâce aux yeux des investisseurs, comme l’Afrique, le Mexique, le Chili ou encore la Colombie. Ainsi Wendel a pris l’an dernier une participation significative dans le fournisseur nigérian d'infrastructures télécoms IHS - Lire Wendel double la mise dans IHS. « Tout le monde regarde l’Afrique mais peu de transactions sont encore réalisables compte tenu de la structure du marché et de la rareté des cibles », souligne Grégoire Chertok (photo) chez Rothschild, qui avait conseillé la reprise du distributeur automobile et pharmaceutique CFAO par Toyota en juillet 2012 - Lire notre enquête De la bonne approche du private equity africain. Parmi les destinations favorites des investisseurs français, les Etats-Unis retrouvent également une place de choix : en 2013 ils ont racheté 93 cibles américaines pour près de 20 Md€ (incluant le méga deal Publicis/Omnicom) contre une soixantaine pour 2,3 Md€ en 2012. Outre un taux euro/dollar avantageux, ce phénomène s’explique par une taille de marché significative et des perspectives de croissance dans les secteurs de pointe.

Les investisseurs étrangers boudent la France

« La France cumule une croissance quasi nulle, une fiscalité incertaine et un euro fort renchérissant le coût des acquisitions pour les acquéreurs hors Europe »
Vincent Batlle, Deloitte.

En revanche, la France n’est toujours pas la destination privilégiée des investisseurs étrangers. Ces derniers ont carrément boudé notre pays en 2013, les rachats de sociétés françaises par des étrangers affichant un recul de 60 %. « La confiance des investisseurs étrangers est très basse vis-à-vis de la France qui présente une croissance quasi nulle, une pression fiscale et un euro fort renchérissant le coût des acquisitions pour les acquéreurs hors Europe », explique Vincent Batlle chez Deloitte. Seuls quelques LPs et certains fonds distress américains, en quête de meilleurs profits, rebasculent vers l’Europe, mais préfèrent réallouer leurs actifs sur les valeurs sûres que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne, ou parier sur le retournement de l’Espagne ou du Portugal. Les chinois pénètrent en Europe plutôt par la porte de l’Allemagne ou de l’Angleterre. « Sur le mid market on constate également beaucoup plus de M&A outbound que inbound, souligne Yann Magnan chez Duff & Phelps. La France provoque un double sentiment d’attraction-répulsion, notamment de la part des investisseurs américains, qui se traduit par des processus de plus en plus complexes. » Car malgré tout quelques beaux dossiers ont attiré des investisseurs américains comme Maisons du Monde/Bain (680 M€), SMCP/KKR (650 M€), Neolane/Adobe Systems (460 M€), Aixam-Mega/Polaris Industries (103 M€) ou encore Meetic/Match.com (87 M€). « Pour 2014 on ne s’attend pas à une forte reprise des investissements étrangers en France compte tenu des faibles perspectives de croissance, cependant quelques fonds pourraient être plus opportunistes », avance Sami Rahal.

Téléchargez le tableau CFNEWS des deals supérieurs à 500 M€ (PDF)

Lire aussi :

M&A 2013 : un rebond sous conditions (01/02/14)

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