Le fort rebond enregistré en fin d'année compense largement un premier semestre timide, avec au total 19 IPO drainant plus de 1,3 Md€ en 2013. Des volumes multipliés par cinq sur un an qui augurent d'un bon cru 2014.
La réouverture du marché boursier attendue depuis si longtemps semble s'être bel et bien opérée en 2013. Si le nombre de sociétés ayant rejoint la Bourse a augmenté sur un an - 19 sociétés ont rejoint NYSE Alternext et NYSE Euronext Paris en 2013 (dont 4 placements privés, 2 transferts et 1 spin-off) contre douze l'an dernier - les montants levés ont quant à eux été multipliés par cinq : plus de 1,3 Md€ ont été drainés en 2013, contre à peine 260 M€ en 2012 (voir le détail dans tableau CFnews listant toutes les IPO 2013). Après un premier semestre timide, la fenêtre de tir s'est réellement réouverte dès le mois de septembre dernier, avec l'entrée en Bourse de groupes de taille significative à l'instar de Tarkett, Numericable ou Blue Solutions, qui ont respectivement réuni 482,71 M€, 652,2 M€ et 41,8 M€ sur la place parisienne. De tels montants n'avaient pas été absorbés par le marché français depuis plusieurs années. Même si « ce sont des dossiers très endettés donc très liés aux banques prêteuses qui les ont accompagné en Bourse pour en sécuriser la structure financière, voire les désendetter partiellement », estiment Marc-Antoine Guillen (photo) et Jean-Emmanuel Vernay, P-dg et associé gérant d'Invest Securities. En outre, la Bourse de Paris, qui accueillait surtout des sociétés issues de la santé et des biotech ces dernières années, a attiré en 2013 des valeurs d'horizons beaucoup plus diversifiés.
Quatre IPO remarquées à l'étranger
En 2013, trois sociétés françaises ont même franchi l'Atlantique. Constellium, le leader mondial des solutions aluminium a ouvert le bal en mai en signant une IPO de 333,3 M$ à l'occasion de sa double cotation à New York (listing primaire) et à Paris. Cinq mois plus tard, LDR Medical a réuni plus de 86 M$ sur le Nasdaq. Le premier jour de Bourse, le titre du fabricant français d'implants chirurgicaux du rachis, soutenu depuis ses débuts par le fonds français R Capital Management, mais aussi par des VCs américains dont AustinVentures, PTV Sciences, Telegraph Hill Partners, clôturait en hausse de 29 % pour une capitalisation boursière de 466 M$ (lire L'IPO américaine de LDR Medical sursouscrite, 10/10/13). Fin octobre, Criteo, la pépite du reciblage publicitaire, lui emboîte le pas. Détenue par Idinvest et Elaia, Index et Bessemer, elle a levé 288 M$ sur le Nasdaq, pour une valeur boursière de 1,5 Md$ le premier jour de cotation (Criteo : premiers pas réussis sur le Nasdaq, 30/10/13). Enfin, Moncler a clôturé l'année en fanfare avec son IPO à Milan, 31 fois sursouscrite. Le fabricant de doudounes d'origine française, qui a vu la sortie partielle de ses deux fonds actionnaires, Eurazeo et Carlyle, s'est valorisé 2,55 Md€ (Carton plein pour Moncler, 12/12/13).
Une réouverture très nette au second semestre
« Le constat de la réouverture est clair, assurent Grégoire Hoppenot (photo) et Gilles Morel, managing director et chargé d'affaires senior chez Oddo Corporate Finance, qui ont conseillé six introductions en bourse l'an passé (Spineway, Ymagis, Delta Drone, Implanet, Medtech et Numericable). Aucune opération n'a été retirée en cours de process, aucune IPO n'a été repricée à la baisse, et, dans la plupart des cas, la greenshoe a été exercée. » Un succès qu'ils expliquent en partie par « le dispositif pré-marketing très fort déployé en amont de chaque opération et des rencontres avec les institutionnels préalables aux IPO qui se sont systématisées et amplifiées depuis quelques mois. » Pour les introductions en Bourse de Numericable ou Moncler par exemple, le premier jour le livre d'ordres était déjà couvert. « Il y a aussi un effet d'entraînement, ce qui a conduit plusieurs opérations à être largement sursouscrites à partir du second semestre », poursuivent-ils.
Le retour massif des particuliers
En effet, c'est dès la seconde moitié de l'année que le marché s'est véritablement décanté avec l'arrivée de grosses capitalisations boursières comme Numericable, Tarkett ou encore Blue Solutions. « Depuis cinq ans il y a eu plus de retraits de cote que d'introductions en Bourse, il y a donc de la place pour de nouveaux émetteurs et un appétit certain pour les nouveaux dossiers », soulignent Grégoire Hoppenot et Gilles Morel chez Oddo Corporate Finance. Aussi, si le second semestre a vu l'activisme des LPs français, il a surtout pu apprécier le retour des particuliers sur les marchés actions. « Sur des opérations comme Implanet ou Blue Solutions, la demande du public aurait pu couvrir la quasi totalité de l'offre. Cela faisait plusieurs années que nous n'avions pas constaté cela », observe Eric Forest, P-dg d'EnterNext. Un retour lié à trois éléments.
Un afflux de liquidités
« A un moment où les placements obligataires et monétaires sont nettement moins rentables et où l'immobilier a atteint un cap, on observe une réallocation des ressources des particuliers vers les marchés actions », analyse Yannick Petit, président d'Allegra Finance, conseil des IPO d'Ymagis, Ekinops et MND. Même arbitrage du côté des institutionnels français, les grands absents de ces dernières années, qui « cherchent à délivrer de meilleures performances à leurs souscripteurs, en revenant prudemment sur les marchés actions », expliquent Marc-Antoine Guillen (photo) et Jean-Emmanuel Vernay chez Invest Securities, qui ont conseillé les IPO d'Ymagis, Cardio3Bioscience, Roctool, Orège et Carbios. « Durant les années de crise, 78 Md€ par an ont été apportés à nos économies, dont trois quarts en obligations et un quart en actions. En 2013, ce montant s'est élevé à près de 92 Md€ dont un tiers en actions », précise Marc Lefèvre, directeur du développement commercial et des relations avec les émetteurs chez Euronext. Ce regain d'intérêt pour les placements en actions s'est traduit par un fort accroissement des liquidités sur les marchés : sur Alternext les volumes ont été multipliés par quatre au dernier trimestre par rapport à la même période l'an dernier, et sur Euronext B et C les volumes moyens ont en moyenne grimpé de 11 % en octobre, 20,4 % en novembre et 26,4 % en décembre.
Une volatilité maîtrisée
Le second élément est lié à une volatilité maîtrisée. « La plupart des sociétés entrées en Bourse en 2013 affichent aujourd'hui des cours bien au-dessus de leur prix d'introduction », rappelle Yannick Petit (photo), qui a notamment conseillé l'introduction en Bourse d'Ekinops, dont le titre a gagné plus de 100 % depuis son entrée sur Euronext. Cet « effet volume » a fait mécaniquement grimper les cours, contribuant à une réduction de la volatilité et à la bonne tenue des indices actions. Ainsi, le CAC 40 affiche une hausse de 18 % sur l'ensemble de l'année 2013, tandis que le CAC Mid 60 et le CAC Small se sont envolés de plus de 26 %, marquant un retour de la confiance des investisseurs pour cette classe d'actif.
Des valorisations attractives
Ces belles performances ont aussi tiré les valorisations vers le haut. Si pendant la crise les sociétés consentaient des décotes élevées afin d'assurer le succès de leur IPO, depuis le second semestre 2013, compte tenu de la forte demande - comme sur l'offre Numericable, sursouscrite plus de 10 fois, celle de MND plus de 1,8 fois par institutionnels et 4,1 fois par le public (MND sécurise son IPO, 18/10/13), ou encore Blue Solutions (Blue Solutions électrise la Bourse de Paris, 30/10/13) et Tarkett - les prix d'introduction ont été révisés à la hausse. Un critère essentiel pour redonner de l'attractivité à la Bourse, aussi bien aux yeux des dirigeants d'entreprises qu'à ceux des fonds d'investissement, lesquels envisagent à nouveau le marché boursier comme porte de sortie. Ainsi Eurazeo et Carlyle ont mis en Bourse le fabricant de doudounes Moncler (Moncler valorisé entre 2,18 Md€ et 2,55 Md€, 28/11/13), KKR est sorti partiellement de Tarkett à l'issue d'une IPO (Tarkett foule la Bourse, 28/11/13), tandis que Cinven et Carlyle ont cédé leurs titres dans Numericable par le même biais (L'IPO de Numericable sursouscrite plus de dix fois, 08/11/13). « Les exemples de sorties du private equity en Bourse se multiplient car celles-ci répondent à une vraie logique. Il faut que plus de PME-ETI prennent le même chemin », encourage Marc Lefèvre (photo).
Des réformes structurelles encourageantes
L'attractivité des marchés actions est également renforcée d'un point de vue structurel, notamment suite au lancement d'EnterNext, la nouvelle place de marché dédiée au PME-ETI, qui a inscrit ses bases et devrait porter ses fruits (lire : Le rideau se lève sur EnterNext, 23/05/13). En outre, « la réforme du code des assurances, qui a notamment permis la création des fonds Novo (une capacité d'investissement obligataire de 1 Md€ dans les PME-ETI), et la mise en place du PEA-PME, un dispositif lancé par le gouvernement afin de réorienter une partie de l'épargne des particuliers vers l'économie réelle, ont été accueillis très favorablement par l'ensemble de la place », se félicite Eric Forest (photo). « Presque tous les gérants de fonds (OPCVM et SICAV notamment) se sont positionnés en amont du PEA-PME en créant des véhicules éligibles, certains ayant même commencé à acheter des titres », observe Yannick Petit.
Des intermédiaires affaiblis
Si ce rebond des IPO à Paris au second semestre provoque un optimisme général, les périodes de crise ont laissé derrière elles des intermédiaires affaiblis. Faute de volumes sur les marchés primaire et secondaire pendant plus de cinq années consécutives, certains ont dû réduire la voilure (analyse financière et vente actions principalement), voire abandonner leur activité de broker. En 2012 déjà, Cheuvreux, la filiale du Crédit Agricole, avait dû s'adosser à Kepler suite à de lourdes pertes (Cheuvreux bientôt marié, 18/07/12). Natixis, la filiale du groupe BPCE, a réduit d'environ un tiers son pôle analyse financière / vente actions. Même Oddo, une maison au reins solides, a diminué de près de moitié ses effectifs ces trois dernières années sur la partie broker. De plus petits acteurs ont même quant à eux fermé leur table actions à l'instar de H et Associés, Euroland ou Arkeon. Ces deux derniers ont ainsi abandonné leur statut de PSI (Prestataire de services d'investissement), dont le rôle principal est de transmettre et de traiter les ordres de bourse, conservant seulement le statut de "listing sponsor". Seules deux structures ont vu le jour récemment : Midcap Partners (Midcap Partners s'élance, 23/01/14) créé par les anciens d'Arkeon (qui a fermé cette activité), et Sponsor Finance, lancé par Véronique Laurent-Lasson en septembre dernier (Sponsor Finance voit le jour, 16/09/13).
Des IPO de taille attendues au premier semestre...
S'il faut rester prudent, « les ingrédients semblent réunis pour une réouverture durable du marché : volatilité maîtrisée, indices en croissance, bons niveaux de collecte des institutionnels et des particuliers, et une double réallocation entre actions et obligations, mais aussi entre Etas-Unis et Europe, selon Marc Lefèvre, qui parle de cercle vertueux. Le pipe n'a jamais été aussi dense depuis 2008. » Ainsi, la Bourse de Paris attend six IPO de taille significative d'ici le printemps, issues notamment de spin-off de grands groupes. Ainsi la SSII Atos prévoit d'introduire en Bourse Worldline, sa filiale spécialisée dans le paiement électronique ; Alstom étudie la cession de sa branche Transport ; tandis que Vivendi envisage de se séparer de l'opérateur télécom SFR, qui pourrait directement rejoindre le CAC 40 avec une valorisation de 12 à 13 Md€. De leur côté, GDF Suez, Total et le fonds britannique Hellman & Friedman ont déjà lancé le processus d'IPO de leur filiale commune GTT (Gaztransport & Technigaz), dédiée à l'ingénierie navale pour les méthaniers (GTT s'apprête à entrer en Bourse, 16/12/13). L’assureur-crédit Coface ou encore le spécialiste de la restauration collective Elior devraient également faire le grand saut. Par ailleurs, selon NYSE Euronext, une vingtaine de PME-ETI sont également candidates à la Bourse pour le premier semestre, motivées notamment par l'instauration du PEA-PME. Ainsi Crossject, l'inventeur de l'injection sans aiguille, a déjà déposé son document de base et vise une levée de plus de 10 M€ (Crossject administre son IPO, 13/12/13), et le fabricant de LED Lucibel, ne cache pas son ambition de réunir entre 20 et 30 M€ sur NYSE Euronext cette année.
... dont celle d'Euronext
Mais en 2014, tous les regards seront tournés sur l’IPO de l'opérateur boursier lui même, Euronext, gestionnaire des Bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne, qui prévoit de se coter d'ici la fin du premier semestre et pourrait lever plus d'1 Md€. Une opération qui fera suite au rachat de NYSE Euronext par ICE (Euronext se prépare à voler de ses propres ailes, 23/01/14). Le millésime des IPO 2014 s'annonce donc encore meilleur que 2013, le dernier trimestre ayant créé une dynamique très positive sur les marchés.
Téléchargez en PDF :
Tableau CFnews de toutes les IPO en 2013
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