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Dette LBO : dégel sous conditions


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Double luxco, nantissement, taux élevé, club deal, mezzanine en berne... les conditions exigées par les banques se tendent comme l'expliquent les principaux acteurs du marché. Enquête CFnews et tableau de tous les deals.

Après des années euphoriques où certains LBO s'offraient des financements flirtant avec les 8 à 9 fois l'Ebitda, puis l'arrêt brutal de tout deal provoqué par la crise, le marché des LBO gros mid-cap/large cap se redéploie depuis le printemps. Sur les 121 opérations recensées par CFnews depuis le début d'année 8 transactions ont affiché une valorisation supérieure à 400 M€ : Picard (1,5 Md€), Sebia (800 M€), Histoire d'Or/Marc Orian (600 M€), Spotless (600 M€), Converteam (550 M€), Cerba (500 M€), Giannoni (490 M€) et enfin B&B Hotels (480 M€) (voir le graphique ci-contre). Au total 21 LBO dont la valorisation est supérieure ou égale à 50 M€ ont été enregistrés depuis le début de l'année selon nos bases de données Tableau des LBO supérieurs à 50 M€ en 2010. "Fort de l'abondance de liquidités détenues par les maisons de private equity, d'une meilleure visibilité des chefs d'entreprises sur leurs perspectives d'activité et du dégel bancaire soutenu par la pression du marché obligataire, le millésime 2010 a été marqué par un net retour des opérations à effet de levier", résume Laurent Chenain (photo ci-contre), responsable de l’activité leveraged finance France de CA CIB, qui a notamment participé au financement de la dette senior de 625 M€ aux côtés de Crédit Suisse, Citigroup, Morgan Stanley et SG sur le LBO ter de Picard Surgelés, valorisé 1,6 Md€ par Lion Capital, soit un multiple de 10 fois l'Ebitda. Mais le redémarrage reste fragile, plusieurs LBO en cours comme Poult ont du être stoppés, et les acteurs du financement fixent leurs nouvelles règles, pas toujours compatibles avec celles des sponsors, longtemps gâtés par les banquiers.

Le coût de la dette senior reste élevé à 4,5 %

Déjà face au durcissement du contexte règlementaire avec l'apparition de nouvelles règles prudentielles, dont Bâle III, les banques en ont profité pour revoir leur rémunération à la hausse. La tranche A de la dette senior (partie amortissable) se paie autour de 4,5 %, et la tranche B environ 5 %. "Les conditions de la dette senior sont meilleures qu'avant la crise pour les banques. Néanmoins le marché français est très compétitif", note Cécile Mayer-Lévi , managing director chez Axa Mezzanine, remarquant que les conditions bancaires à l'étranger restent plus élevées. "La tranche A amortissable reste dominante mais l'on constate un retour des tranches B sans pour autant dépasser 30 % des structurations senior", précise Thierry Boistay (photo ci-dessus) directeur des financements structurés chez BESV. Ainsi non seulement le coût de la dette est plus élevé, mais le ratio de dette a lui baissé. Alors qu'il y a trois ans la dette représentait en règle générale environ deux tiers du montant total de l'opération, aujourd'hui elle en finance rarement plus de la moitié, un niveau jugé raisonnable par la plupart des acteurs interrogés. "Avant la crise, la dette était généralement la variable d'ajustement, désormais la variable ce sont l es fonds propres. Les prêteurs seniors définissent une structure et si le prix grimpe, alors l'equity, voire dans une moindre mesure la mezzanine, s'ajusteront", poursuit Thierry Boistay. Le poids de la dette dans les LBO a incontestablement chuté : alors que certaines opérations présentaient au momentum de juin 2007 un ratio dette/Ebitda de 6 à 7 fois, aujourd'hui la dette représente au maximum 4,5 fois l'Ebitda sur les opérations large cap et plutôt autour de 3,8 fois sur le small & mid cap selon l'ensemble des acteurs du marché. "Depuis mi-2008, les niveaux de dette ont diminué proportionnellement plus vite que les valorisations des entreprises, qui se sont ajustées avec un certain décalage", commente François Hervey (photo ci-contre), directeur du département des financements d'acquisitions du Crédit Agricole d'Ile-de-France.

La mezzanine concurrencée par le high yield sur le large cap

Dominique Fouquoire, IFE Gestion SA

Dominique Fouquoire, IFE Gestion SA

Du côté de la mezzanine aussi les intérêts restent élevés, et deviennent parfois prohibitifs pour certains sponsors : sur des opérations pour lesquelles la dette est de l'ordre de 3 fois l'Ebitda, la mezzanine représente 1 à 2 fois l'Ebitda. Ainsi globalement, la mise en place d'une dette subordonnée - dont le rendement attendu oscille aujourd'hui entre 13 % et 15 % - n'est pas toujours avantageuse pour les fonds visant un TRI compris globalement entre 18 et 20 % (contre 25 % avant crise) et disposant toujours d'importants moyens à déployer pour "remplacer " la mezzanine par de l'equity. "Pour rendre attractive la mezzanine, il faut que celle-ci apporte suffisamment de levier aux sponsors, qui ne peuvent accepter des rendements plus élevés que le TRI attendu. La mezzanine perdure donc sur des sociétés de taille intermédiaire correctement valorisées", analyse Dominique Fouquoire (photo), directeur associé
Cécile Mayer-Lévi, Tikehau Capital

Cécile Mayer-Lévi, Tikehau Capital

d'IFE Mezzanine, dont le second véhicule lancé en 2005 et arrivant à la fin de sa période d'investissement fin 2010 -le fonds IFE III étant déjà en cours de levée- a pour rappel financé cet été la dette mezzanine du MBO bis de Maxiper (propriétaire de l'agence d'hôtesses Penelope), valorisé selon nos sources entre 8 à 10 fois l'Ebitda , dont un multiple d'endettement inférieur à 4 fois . "Sur du mid cap de qualité, la mezzanine a encore toute sa place. Mais dès que la tranche de dette subordonnée s'élève à plus de 100 ou 150 M€ les banquiers privilégient le all senior, souligne Cécile Mayer-Lévi (photo) chez Axa Mezzanine, remarquant un changement notable dans la composition du marché où "seuls les mezzaneurs pure players, capables d'apporter une vraie valeur ajoutée aux investisseurs et aux sociétés, subsistent." Mais la mezzanine reste à la peine dans les montages concernant les très grosses transactions. "Sur les opérations dont la dette dépasse les 300-350 M€, les mezzaneurs ont un concurrent de taille : le high yield qui offre de meilleurs taux", renchérit Colin Millar, associé chez SJ Berwin qui a travaillé sur le LBO de Picard Surgelés sur lequel le high yield a été émis en place à un taux de 9 %. Les taux des obligations à haut rendement varient actuellement en effet entre 8,5 et 9,5 %, ce qui en fait un produit très attractif par rapport à la mezzanine, dont la rémunération se situe autour de 12 % au-dessus de l'Euribor. En Europe, deux autres opérations ont utilisé le high yield cette année : le prestataire de services britannique dans le domaine de la santé Care UK et l'opérateur télécom suisse Sunrise.

Les banques exigent plus de garanties en amont

Ce qui a pesé le plus dans l'évolution des financements est sans doute le rapport de force entre les fonds et les banques, lesquelles exigent davantage de garanties en amont pour un maximum de sécurité, sur le large cap mais aussi sur les deals plus modestes. "Un nouveau phénomène est apparu : les banques demandent parfois un nantissement portant sur les titres de la holding d'acquisition détenus par les sponsors, leur permettant, le cas échéant, de récupérer les actions de ladite société en cas de défaillance de celle-ci", explique Alexandre Tron, associé chez Jeantet & Associés. Cette contrainte a par exemple été mise en place par les neuf banques -Calyon, BNP, SG, CIC, Natixis, Palatine, HSBC, IKB et Crédit du Nord- ayant apporté 165 M€ de dette (représentant 2,5 fois l'Ebitda) sur le LBO de Gras Savoye. « Ce phénomène a donné naissance à de nouvelles modalités inter-créditeurs entre banquiers seniors et mezzaneurs, comme sur certaines transactions la release clause. Elle permet la mise en place d'une option de rachat des titres de la mezzanine pour 1€ symbolique en cas de saisie des titres de la holding, en échange de quoi le mezzaneur reçoit une créance équivalente vis-à-vis de la holding désormais contrôlée par les banquiers », explique Hubert Lange (photo ci-dessus), directeur de Céréa Mezzanine, qui a notamment apporté 20 M€ de dette mezzanine aux côtés d'Euromezzanine dans le deal Materne / Mont Blanc dont la dette senior s'élevait à 70 M€ et a arrangé la mezzanine de Snacks International (lire ci-dessous). "Les banques sont très attentives à la qualité des sous-jacents et par conséquent à la qualité des rapports d'audit. La difficulté majeure est d'aboutir à un consensus entre les différentes parties, et certains dossiers ne voient parfois jamais le jour", remarque Colin Millar (photo ci-contre).

L'efficacité de la double luxco contestée

De nouveaux outils de protection sont apparus pour que le territoire français demeure attractif face à la loi de sauvegarde spécifique appliquée dans l'Hexagone, comme la double luxco. Cette structure innovante incluant dans le montage deux holdings luxembourgeoises permet théoriquement, en cas d'exercice de la procédure de sauvegarde d'une société, d'éviter aux banques un gel des sûretés par le biais du droit luxembourgeois. "La double luxco est un élément qui a favorisé de manière déterminante le retour des financements de LBO d'envergure", affirme Raphaël Richard (photo), associé chez White & Case, cabinet ayant conseillé les banques dans les opérations Sebia et Cerba et BC Partners dans le LBO de Spotless, le premier deal ayant utilisé cette structure. Mais ce type de montage - qu'on a vu sur tous les autres très gros deals tels que Picard Surgelés, B&B Hotels et Giannoni- ne fait pas l'unanimité, notamment du côté de certains avocats de la dette jugeant son efficacité très relative et contestable. Selon eux, les double luxco s'accompagnent de due diligence très lourdes allongeant les délais et la complexité des dossiers. Ce type de montage aurait pu être évité sur certains dossiers, mais "rassuraient" les banquiers, notamment étrangers frileux face à la loi de sauvegarde française. « Une simple holding française dont les titres seraient nantis par les fonds peut s'avérer aussi efficace que la double luxco, un FCPR ne pouvant pas faire l'objet d'une procédure collective. La loi prohibe les clauses permettant au prêteur d'accélérer le remboursement de la dette en cas de sauvegarde ou de RJ. Mais si, postérieurement au jugement d'ouverture, surviennent d'autres événements définis au contrat, rien ne semblerait empêcher de prononcer l'exigibilité anticipée », expliquent Matthieu Barthélemy et Christophe Gaillard, associés chez De Pardieu Brocas. « Sur un marché qui a évolué du fait des changements de pratiques imposés par les banques suite à la crise, il faudrait arriver à une consultation de place pour mettre en oeuvre des procédures plus légères qui satisfassent tout le monde », souligne Maxence Bloch (photo), associé chez SJ Berwin.

Retour des underwritting

Autre tendance : en raison de la contraction du crédit, les banques se sont retrouvées dans l'obligation de se regrouper en club deals ne souhaitant plus prendre le risque d'être le seul arrangeur. "Toutes les opérations de LBO font l'objet de club deals, en particulier sur les small & mid cap où il faut au moins 6 ou 7 banques pour lever une dette de 100 M€", note Marc Benchimol (photo), directeur de Mezzanis, ajoutant qu'aucune banque n'accepte de prendre plus de 20 % du pool. Cependant, les underwritting (prises fermes), qui avaient disparu de la circulation depuis octobre 2008 réapparaissent depuis le printemps dernier, sous forme de "joint underwriting" à trois ou quatre banques." "C'est un bon signal pour le marché", indique un autre banquier. Parmi elles, Histoire d'Or/Marc Orian -dont la dette bancaire représentant 3,7 fois l'Ebitda a été arrangée par un pool composé de Natixis, Société Générale, Crédit Agricole CIB et Lloyds- mais aussi Trescal, IMV Technologies, Go Voyages, Spotless, Cerba, Giannoni, etc. "Mais les banquiers ne prennent pas plus de 50 à 75 M€ de risque de syndication, et il est peu probable que l'on revienne à court terme à la prise ferme à 100 % par une seule banque de 100 M€ ou plus", nuance François Hervey. D'autant que le marché des banquiers est devenu très concentré, beaucoup d'acteurs notamment anglo-saxons ayant pris du recul . Ainsi, aujourd'hui un pool d'une dizaine de banques reste actif dans le financement des opérations, des français comme LCL, CIC, BNP Paribas, CA CIB, Cadif, Palatine, SG CIB, Caisse d'Epargne, Banque Populaire ou encore Natixis (voir le tableau des banquiers de la dette ci-dessous) mais aussi parmi les étrangers KBC, Commerzbank et encore BESV, IKB ... (voir leurs opérations dans leur fiche annuaire ci-dessous ).

Téléchargez le Tableau des LBO supérieurs à 50 M€ en 2010

Téléchargez le Tableau de tous les LBO avec les banquiers de la dette

Lire aussi :

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