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Build-up, le nouvel eldorado des LBO


| 2557 mots

Près d’un tiers des transactions de LBO sont des adds-on selon les données CFnews. Explications d'une tendance de fonds et zoom sur les principaux deals.

En matière de build-up, il y a l’avant Lehman Brothers et l’après Lehman Brothers. Auparavant, ce type d’acquisitions représentait à peine un cinquième des opérations réalisées par les fonds de LBO et, aujourd’hui, plus d‘un tiers, selon une récente étude de Prequin réalisée au niveau mondial. Celle-ci nous apprend aussi que la valeur agrégée des add-ons en 2011 équivaut à celle enregistrée en 2006 ou 2007, soit près de 30 Md$, mais pour un volume d’opérations double, environ un millier. C’est donc l’indication que les petits build-up se sont largement répandus dans un contexte de raréfaction de crédit bancaire. Le marché français ne fait pas exception : selon les données de CFnews, la part des build-up dans l’activité des GP’s, en volume, s’est stabilisée autour de 30 % ces deux dernières années, après avoir grimpé à 36 % en 2009, au plus fort du « credit crunch » (voir tableau ci-dessous). Et tout laisse à penser qu’elle restera durablement sur ces niveaux, voire s’accroître.

Les moteurs de la croissance externe

Primo, la principale raison qui a poussé les gérants à recourir à la croissance externe pour générer du TRI est toujours à l’œuvre. En effet, les leviers qui ont fait leur fortune de 2005 à 2008 ne reprendront pas du service de sitôt, à savoir la hausse des multiples et l’accès à une dette surabondante et bon marché. Dans leur quête de création de valeur, les build-up constituent donc une planche de salut. « En outre, ils ont l’avantage dans un environnement difficile de mettre au travail les fonds levés mais pas encore investis », indique Pierre-Arnaud de la Charrière, managing director de la banque d'affaires Hawkpoint. Secundo, la crise elle-même génère des opportunités pour les fonds. « Le deal flow est régulièrement alimenté par des dépôts de bilan, des entrepreneurs qui ont longtemps repoussé leur succession, ou des spin-off de groupes désireux de se recentrer. Ce ne sont pas les occasions qui manquent », constate Erick Fouque, associé-gérant d’Edmond de Rothschild Capital Partners (photo ci-contre). Deux de ses participations se sont ainsi récemment étoffées à la barre du Tribunal de commerce : CTN, un fournisseur de produits d'aménagement d'espace sur les salons, et Groupe Pierre Henry, un fabricant de mobilier de rangement métallique. Dans un autre domaine, celui de la location de matériels, Kiloutou - une participation de PAI et Sagard - illustre bien comment la crise a rebattu les cartes : « Jusqu’en 2009, le groupe a grossi par voie de création d’agences, qui revenait moins cher que celle de la croissance externe. Mais depuis, il a procédé à sept acquisitions, notamment du fait de vendeurs devenus moins exigeants ou plus pressés de réaliser une transaction », relate Antoine Ernoult-Dairaine, associé de Sagard (photo ci-dessous).

Composer avec une croissance nulle

Tertio, dans un environnement économique et financier chahuté, il est préférable de favoriser des valeurs sûres déjà en portefeuille. « Réinvestir dans une participation que l’on connaît bien et dont le management a fait ses preuves, présente moins de risque que d’ouvrir une nouvelle ligne », poursuit l'associé. Enfin, l’état de déprime de l’économie, qui semble durable, invalide toute stratégie basée sur la seule croissance organique. « Selon les secteurs, nous sommes généralement confrontés à des prévisions de croissance comprises entre - 2 et + 2 % sur les deux ou trois prochaines années », rappelle t-il. « Seules les entreprises exportatrices orientées vers les Bric ou les pays émergents peuvent miser sur la croissance interne. En revanche, pour celles présentes notamment dans la distribution, les services B-to-B ou l’industrie, la conjoncture ne s’y prête pas », détaille pour sa part Erick Fouque.

Les secteurs choyés : les services et l’industrie

De fait, les statistiques issues des bases de données CFnews convergent vers ce constat : en 2011, le secteur des services et conseils aux entreprises a connu le plus grand nombre de build-up, quatorze au total. On y retrouve aussi deux des plus importantes acquisitions (voir tableau ci-dessous) : le rachat d’Alizia - filiale de services d’assistance en escale d’Aéroports de Paris - par Groupe 3S, un concurrent contrôlé par Acto Capital ; et la reprise de BM Location par son confère Kiloutou. A noter que ce dernier, numéro deux du marché, rivalise avec le leader européen et compatriote Loxam, qui n’est pas non plus resté les bras croisés. Soutenu par 3i et Pragma depuis juillet dernier, il a effectué trois emplettes l’année dernière, dont celle de Locarest. En seconde position arrive le secteur des services et biens de consommation, avec treize build-up, de tailles relativement modestes. On y retrouve la chaîne de pressing 5 à Sec, qui, avec l’appui de son actionnaire ING Parcom, s’est renforcé en Argentine et au Chili, après le Brésil, en 2010. Avec onze opérations, le troisième rang revient au domaine de la santé, de la beauté et des services associés. Le réseau de cliniques privées Vivalto - soutenu part un quatuor de financiers (CAPE, ING Parcom, BNP Paribas Développement, Crédit Mutuel Arkéa) - s’y est distingué avec le rachat de trois établissements, de même que le groupe de laboratoires vétérinaires Ceva Santé Animale, épaulé par le trio Sagard, Euromezzanine et Natixis. Ensuite, avec neuf dossiers, suit le secteur des produits et services industriels, où sévissent deux « serial acquéreurs ». Il s’agit du groupe d’ingénierie Spie - repris en mai par Axa Private Equity, Clayton Dubilier & Rice et CDPQ -, et du groupe de métrologie Trescal, en LBO bis avec 3i et TCR Capital depuis 2010( voir tous leurs deals dans les annuaires en ligne "sociétés" CFnews).

Quid du TRI et des risques ?

Reste maintenant à savoir comment la recrudescence des add-ons se traduira en terme de performance. Une récente étude réalisée par Olivier Gottschalg, professeur à HEC, augure favorablement de l’avenir. Portant sur un échantillon de 1 905 opérations à effet de levier dont 504 build-up, elle constate que les LBO agrémentés de build-up atteignent plus souvent des rendements supérieurs que les LBO sans build-up : 51,4 % des premiers affichent un multiple de retour sur investissement compris entre 2 et 5, contre 45,5 % pour les seconds (voir graphique ci-contre). De plus, les build-up subissent moins souvent des pertes partielle ou totale : 22,7 % affichent un multiple inférieur à 1, contre 26,6 % pour les LBO classiques. Un résultat qui surprend agréablement le commanditaire de l’étude, Industries & Finances, un fonds mid cap historiquement dédié à la consolidation sectorielle : « Le couple risque/rendement évolue de façon paradoxale. La stratégie de build-up devrait en effet augmenter le risque des investissements, mais c’est l’inverse qui se produit », constate Pierre Mestchersky, associé-gérant d’Industries & Finance (photo ci-contre). Le constat peut paraître d’autant plus surprenant au regard des transactions de fusions-acquisitions réalisées par des acquéreurs corporate, « dont il est largement établi qu’elles échouent dans plus de la moitié des cas », rappelle Olivier Gottschalg. Mais, comme le souligne son étude, les capital-investisseurs bénéficient d’atouts spécifiques pour réussir dans le regroupement d’entreprises : le choix des secteurs et des cibles, les moyens d’aligner les intérêts des dirigeants, et l’absence de lourdes structures et de modèles d’organisation à imposer aux cibles.

Les pièges du build-up

Mais le private equity a aussi ses propres écueils à éviter. Selon Industries & Finance, ceux-ci résident essentiellement dans les erreurs en matière de stratégie et d’hommes. « Il faut pouvoir identifier le dirigeant qui sera capable de mener un regroupement sectoriel, prévient Emmanuel Harlé, associé-gérant du fonds. En outre, il faut bien choisir le secteur - tous ne présentent pas le deal flow nécessaire - et bien déterminer la ‘‘valeur au build-up’’. Enfin, il faut accepter d’être long-termiste, sachant que les résultats peuvent baisser dans un premier temps après les acquisitions. » En ce qui concerne Industies & Finances, la maturité de ses lignes atteint en moyenne six ans. Chez Européenne Food, par exemple, un distributeur de boissons et snacks qu’il à cédé en 2011 à TCR Capital, Idia et Synergie Finance, il est resté neuf ans, le temps de réaliser six build-up et d’augmenter de 64 % ses revenus. En revanche, dans le cas de Climater, un groupe de génie climatique et électrique vendu à Weinberg Capital Partners en octobre 2011, il aura seulement pris quatre ans pour le faire tripler de taille avec six acquisitions de complément.

Travailler en amont...

Selon la taille, la complémentarité et la disponibilité des cibles, une stratégie de build-up peut donc grandement varier en terme de maturité. Face à cette incertitude, une chose est sûre : être prêt le jour J. « Une stratégie de build-up nécessite un gros travail de préparation en amont. Et nous la mettons en œuvre sans tarder : dès le jour même de l’acquisition de la ‘‘société plate-forme’’ nous mandatons un banquier d’affaires pour rechercher des add-ons », commente Erick Fouque, qui a procédé ainsi pour CTN et Pénélope, un expert de l'accueil en entreprises. De fait, la recrudescence des build-up influe sur le travail des conseils en fusions-acquisitions. « La

Thibaut de Monclin, Oaklins

Thibaut de Monclin, Oaklins

nature de nos mandats a évolué, davantage vers l’achat que vers la vente. En outre, nous sommes beaucoup plus sollicités pour mener une recherche systématique de cibles par secteur, et notamment à l’étranger », constate Thibaut de Monclin, general partner d’Aelios Finance (et membre du réseau M&A International). C’était notamment le cas pour le distributeur de logiciels de sécurité Exclusive Networks, repris en LBO par Crédit Agricole PE en 2010. « Dans la foulée de l’opération, il nous a confié un mandat qui s’est concrétisé par l’acquisition de l’allemand TLK, en janvier dernier », poursuit-il.

...et agir en solo

Tous les GP’s n’avancent pas à armes égales dans un contexte qui favorise les stratégies de build-up. « Intégrer, consolider, c’est un savoir-faire. Or, les fonds de LBO qui ont surtout misé sur le levier de la dette ou la hausse des multiples n’ont pas forcément développé les compétences ou la culture pour mener une concentration sectorielle. Quelques-uns préfèrent d’ailleurs se positionner sur l’amélioration opérationnelle ou le redressement des performances », observe Pierre-Arnaud de la Charrière. Ceux qui, pour une question de moyens ou par choix, interviennent dans des situations de co-investissement, ne sont pas non plus idéalement placés. « Les build-up ne se prêtent pas à la syndication, assure Pierre Mestchersky. Les gérants n’ayant pas la même appétence au risque, la même disponibilité ou le même calendrier de sortie, il est préférable d’agir seul. » Et ce qui vaut pour la mise en capital vaut également pour l’apport en dette. Il est en effet conseillé de restreindre le pool bancaire à sa portion congrue. « Quatre ou cinq prêteurs maximum, avance Erick Fouque. Dès lors qu’une acquisition dépasse le ‘‘scope’’ des capex lines et nécessite donc de reconfigurer le montage, il devient plus difficile d’obtenir un consensus. C’est l’inconvénient des gros build-up. »

Montage financier : prêteurs seniors vs mezzaneurs

En matière de financement, ce sont très souvent les prêteurs-seniors du LBO initial qui sont sollicités. Généralement associés dès le départ à un programme de build-up, eux-aussi voient un intérêt à ré-investir dans des sociétés dont ils connaissent le ‘‘credit record’’. Les mezzaneurs, en revanche, seraient moins bien positionnés. « Dans un programme de build-up, ce n’est pas le montage financier qui importe mais la stratégie. Aussi nous privilégions des financements simples, pas trop tendus et capables d’affronter une tempête. Et excluons donc les contrats de mezzanine, particulièrement complexes », indique Pierre Mestchersky. Autre inconvénient de la dette subordonnée, son prix, soit environ 15 % de rendement net. « Si l’on vise 30 % de TRI, son utilisation peut s’expliquer, mais si l’on table sur 20 % de TRI, autant mettre à contribution son propre cash », estime Antoine Ernoult-Dairaine. « Les build-up, qui sont généralement négociés dans de bonnes conditions, s’avèrent très souvent des opérations relutives pour les fonds de LBO - raison pour laquelle ils préfèrent les mener sans mezzaneur », ajoute pour sa part Thibaut de Monclin.

La mezzanine en embuscade

Autant de commentaires que réfuteront sûrement les professionnels des prêts subordonnés. A l’instar d’ActoMezz, qui a notamment contribué en juillet dernier au rachat d’Ecole chez Soi par Forma-Dis, le leader français de l’enseignement à distance, contrôlé par 21 Centrale Partners et CM-CIC Capital Finance. « Les LP’s

Stéphane Bergez, Andera Partners

Stéphane Bergez, Andera Partners

n’ayant pas abaissé leurs demandes en matière de rentabilité, les fonds de LBO viennent toujours nous solliciter pour créer du levier. En outre, le coût de la mezzanine doit s'apprécier en regard de la création de valeur permise par notre intervention, et c'est très souvent compétitif ! Les opérations de build-up sont d'ailleurs devenues un sujet récurrent pour nous », assure Stéphane Bergez, nommé responsable d’ActoMezz en septembre dernier. Il est une situation où les mezzaneurs se montrent même à leur avantage - lorsque les managers veulent éviter de se faire diluer ou conserver leur position majoritaire. « C’est le cas du groupe d’Ehpad Domidep, soutenu par Azulis Capital depuis 2007. En novembre dernier, nous lui avons alloué 7 M€ pour financer son déploiement régional, et ce sans modifier les équilibres capitalistiques », relate Stéphane Bergez.

Une aubaine pour l'Hexagone

Il semble donc que tous les protagonistes du private equity trouvent leur compte dans les build-up, sans oublier les entreprises elles-mêmes. Les sociétés de plus grande taille ont une plus grande longévité, résistent mieux aux fluctuations économiques, sont plus productives, plus rentables, plus efficaces en R&D et mieux disposées à l’export, rappelle l’étude de HEC. Et à plus large échelle, c’est le tissu industriel tricolore qui a tout à y gagner : « Le build-up est parfaitement adapté pour pallier le manque d’ETI en France », conclut Olivier Gottschalg. Que demander de plus !

Téléchargez le tableau au format pdf Part des build-up dans l'activité des fonds de LBO français

Téléchargez le tableau au format pdf Les secteurs les plus actifs en nombre de build-up

Téléchargez le tableau au format pdf Les 15 plus importants build-up en 2011

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