Biotech, grands groupes, laboratoires, maisons de santé, soins à domicile, cliniques, la santé suscite la convoitise. CFnews a enquêté et recensé 132 opérations cette année.
Avec 170,5 Md€ de dépenses l’an passé en France selon l’Insee et souvent décrit comme l’un des secteurs les plus rentables au monde, la santé attire toujours les convoitises. Malgré la crise et un certain ralentissement des transactions, ce segment a été particulièrement actif depuis le début de l’année avec 132 opérations enregistrées par CFnews en 2009 dont 43 opérations en M&A, 39 en venture, 17 LBO, 10 en capital développement et 15 en Bourse (télécharger le tableau détaillé ici).
10 acquisitions pour Sanofi, 17 pour Essilor
Les transactions entre corporate portent particulièrement le marché, totalisant 43 opérations depuis le début de l’année. Les grands groupes pharmaceutiques cherchent notamment de nouveaux relais de croissance face à la pression compétitive des génériques et à la tombée dans le domaine public de leurs brevets. Depuis l'arrivée aux commandes de Chris Viehbacher en décembre 2008, Sanofi Aventis a lancé 31 acquisitions et partenariats en 2009, pour un montant total de 8,4 Md€. Le géant pharmaceutique s’est entre autre musclé dans l'ophtalmologie avec le rachat de la biotech Fovea, spécialisée dans le traitement des maladies oculaires, pour 370 M€ (offrant une belle sortie à ses VCs dont Sofinnova et CAPE) ou encore dans la santé animale en reprenant les 50 % qu’il ne détenait pas encore dans Merial, pour 4 Md$, et vient de renforcer sa présence dans l'automédication avec l'acquisition outre-Atlantique de Chattem, un des acteurs majeurs dans la fabrication et distribution de médicaments délivrés sans ordonnance (OTC), sur lequel il lancera son OPA en janvier prochain (lire ci-dessous). Il avait aussi repris en France les compléments alimentaires Oenobiol. Pour financer sa stratégie de diversification, le groupe coté a fait appel, comme beaucoup de ses confrères en cette période, à la Bourse en procédant à deux émissions obligataires. « Les groupes pharmaceutiques s’intéressent particulièrement aux biotechs puisqu’environ 60 % des nouveaux médicaments innovants en Europe sont développés dans ces industries » souligne Romain Perier (photo ci-contre), Dg associé de CMC Consulting, un conseil M&A d'origine allemande dédié à la santé, installé depuis cinq ans à Paris et présent dans 7 autres pays européens et américains. « Alternative à des rachats de sociétés, les entreprises du secteur procèdent aussi régulièrement à l’acquisition de business units ou de spécialités pharmaceutiques avec ou sans AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) », complète t-il.
D’autres grands groupes comme Essilor ont encore poursuivi leur politique de croissance externe engagée depuis de longue date. Ce leader mondial de l'optique ophtalmique, déjà lauréat des Prix CFnews de la meilleure croissance externe en avril dernier, vient ainsi de signer sa 17ème acquisition de l’année en prenant le contrôle de l'américain FGXI à qui il a offert 565 M$ (393M€) (lire ci-dessous). Mais d'autres s'arment aussi à l'instar d 'Abbott qui a repris Solvay Pharma à Solvay cet automne.
Des nouveaux fonds dédiés
Secteur peu cyclique et réglementé, la santé a toujours attiré les professionnels du non coté, que ce soit des fonds généralistes comme 3i ou Apax ou des fonds de capital-risque comme en France, Sofinnova, CAPE, Truffle Venture, Edrip, Ventech etc... Exigeant des connaissances profondes du secteur, c'est un secteur très capitalistique qui exige aussi des poches profondes. Pas toujours possible pour les fonds français... Cette année, on a vu éclore un fonds totalement dédié, G Square Capital. Emmené par un ancien associé d’Apax, Laurent Ganem, il a bouclé une levée initiale de 100 M€ auprès de la famille espagnole Gallardo, principal actionnaire du premier groupe pharmaceutique espagnol Almirall. Ce nouveau véhicule a déjà investi en juin dernier dans Grupo Sar, une société de services aux personnes dépendantes en Espagne. Mérieux vient aussi pour sa part de lancer son fonds, Mérieux Développement doté de 70 M€ qui investira en France et à l'international. Il vient d'ailleurs de recruter pour ce faire Paul-Louis Santy, qui était jusqu'alors le responsable du pôle venture de Siparex ( lire ci-dessous).
Coté pouvoirs publics, la question intéresse aussi beaucoup, même si la réponse à la question du financement sur le long terme reste d'actualité. « Depuis dix ans, ils ont beaucoup fait pour appuyer les biotech dans leur phase d'amorçage , reconnait Bernard Gilly, P-dg et l'un des co-fondateurs de Fovea et ancien VC de Sofinnova. Mais, pour faire la preuve de leur concept, elles ont besoin en moyenne d’un financement global de 100 à 120 M€, alors que les VCs ne les soutiennent généralement que lors des premiers tours et j usqu’à 30 M€ environ. Ce décalage dans le financement, reste un vrai problème européen pour financer la croissance des biotech. » Le FSI a lancé Innobio en partenariat avec des grands laboratoires pharmaceutiques pour investir dans les biotech et vise 140 M€. Il a également soutenu Kurma Biofund, un nouveau véhicule, issu d’un partenariat entre les instituts Curie et Pasteur, qui a déjà reçu 50 M€ de CDC Entreprises et de Natixis PE, pour miser dans les sciences de la vie et les biotech.
Trois cessions record pour Sofinnova
Coté VCs le secteur est resté dynamique en volume avec 39 deals conclus depuis le premier janvier dont la moitié effectués sous la forme de premier tour. Avec cinq opérations, Crédit Agricole Private Equity apparaît comme le VC le plus actif signant des prises de participations en France ( Stentys, Spineguard) et à l’étranger (Biovex, Era Biotech et Argen-X). D’autres comme Sofinnova ont inscrit le millésime 2009 comme un des plus performants avec trois cessions records, celle de Corevalve, 900 M€ à Medtronic et de Fovea (390 M€ à Sanofi) et ce jour celle de Novexel, biopharma produisant des antibiotiques originaux pour le traitement des infections sévères vendue à AstraZeneca pour un montant total de 505 M$. " Renforcer les pipelines de produits innovants reste une priorité pour les industries du médicament et du matériel médical ", explique Denis Lucquin, associé de Sofinnova Partners et membre du conseil d’administration de Novexel. Présent également au capital de la biopharma belge Movetis, il l’a récemment accompagné dans son IPO à Bruxelles (lire ci-dessous). « 2009 s’avère déjà être une année historique pour Sofinnova Partners sur le plan des sorties, avec des transactions totalisant près de 2 Md$ à ce jour. Cela confirme la pertinence de notre positionnement de capital-risqueur "early stage" en Europe », ajoute Antoine Papiernik, associé du fonds (photo ci-contre). Mais de l’avis général, les jeunes start-up du secteur des biotechnologies restent trop délaissées par les investisseurs qui se tournent davantage sur des entreprises plus matures.
Des valorisations en repli de "seulement" 15 %
« Face à la crise, les valorisations dans le secteur de la santé ont peu baissé, enregistrant une diminution au maximum comprise entre 15 et 20 %, alors que les secteurs de la distribution ou de l’automobile, ont essuyé une forte chute en moyenne de l’ordre de 40 % » témoigne Philippe Guezenec (photo ci-contre), associé gérant de Close Brothers qui a conseillé six opérations dans ce secteur depuis le début de l’année dont dernièrement le LBO de Vivalto sur CPA, des cliniques privées et ils sont aussi les conseils de 3i sur la reprise en cours de Vedici, autre ensemble de cliniques privées. La santé représente d’ailleurs autour de 20 % de l’activité du bureau parisien de cette banque d’affaires (lire ci-dessous). Ce LBO est néanmoins l’un des rares d’envergure à avoir eu lieu cette année dans l’Hexagone, sur les 17 opérations à effet de levier enregistrées. Mais ce constat est vrai dans tous les secteurs qui ont souffert de la pénurie des financements bancaires. Au Royaume-Uni, une opération de taille a néanmoins été récemment annoncée sur le spécialiste des essais cliniques, Marken, vendu par ICG et acquis par Apax pour 1 Md€, mais ce dernier n'a pour l'instant pas eu recours au crédit bancaire. " D'une manière générale très peu de LBO se sont conclus cette année, mais les fonds d'investissement conservent une forte appétence pour le secteur de la santé et se sont intéressés à des opérations sur des cliniques, des maisons de retraite ou des laboratoires ", commente Christian Couderc (photo ci-contre), associé co-fondateur du cabinet Sarrau Thomas Couderc et conseil de 3i sur Labco. Comme annoncé dans nos colonnes ce dernier est en exclu pour entrer au capital de Vedici, cliniques privées. Une autre opération devrait sortir d'ici peu, les laboratoires LDC. Coté maisons de retraite , Salvepar a investi dans Le Noble Age, groupe coté tandis que Duke Street a cédé 43 % de Proclif, autre groupe de cliniques à l'assureur Predica pour 70 M€.
Un tiers de build-up
Les fonds ont également soutenu leurs participations en portefeuille dans ce créneau puisqu’un tiers des opérations annoncées en LBO cette année était de s build-up (Mutabilis pour Pharma Ominum, Biolille pour Pasteur Cerba). Certains marchés de la santé ont eu le vent en poupe comme les soins à domicile avec la reprise de Homperf par Creadev, dans le cadre de la cession par 3i de Cair, ou celle, ces jours -ci, de GDS Domicile repris par IPS (lire ci-dessous) auprès de Générale de Santé qui devrait bientôt signer aussi la vente de ses laboratoires. De son côté, le capital développement a participé à 10 transactions, dont celle record de 3i sur Labco qui a collecté 65 M€ pour poursuivre ses acquisitions de petits laboratoires indépendants. « Cette année, le marché de la santé a enregistré trois fois moins de LBO en Europe qu’en 2008. Mais, le ralentissement a été moins important que dans d’autres secteurs d’activités (cinq fois moins de transactions qu'en 2008). Les acquéreurs pouvaient encore mobiliser du financement bancaire sur ce segment pour des opérations de taille plus modeste, même si les transactions ont mis davantage de temps à aboutir » estime Denis Ribon, directeur associé responsable de la santé chez 3i. Le fonds, ayant investi au global 1,8 Md€ dans ce secteur depuis 2001, étudie actuellement deux nouvelles opérations en France, et comme indiqué dans nos colonnes, est en exclu sur les cliniques Vedici. " Les banques ont continué à financer cette année des secteurs jugés plus résilients face à la crise comme la santé qui bénéficie d'un marché réglementé où la pression à la baisse des prix est limitée ", souligne pour sa part Vincent Delmas, associé chez KPMG et spécialiste des opérations dans la santé depuis 1995.
Reprise attendue mi 2010
Une quinzaine d’opérations ont été effectuées sur les marchés boursiers. Aucune introduction n’a pourtant eu lieu sauf pour Movetis en Belgique. « 2009 a été une très bonne année pour les augmentations de capital des sociétés cotées issues de la santé qui ont affichées de très bonnes performances boursières », témoigne Christian Finan (photo ci-contre), directeur chez Bryan Garnier qui a notamment conseillé dans ce cadre, Exonhit Therapeutics ou Innate Pharma. Nouveau soutien pour les biotech cotées, le FSI a d'ailleurs injecté 25 M€ dans Nicox et tout récemment 11 M€ dans Innate Pharma. "Par analogie avec la précédente crise, la reprise devrait s'amorcer en 2010 avec une accélération sur le second semestre et un retour à la normale en 2011", rajoute Denis Ribon. Si reprise il y a, c'est clair, le secteur santé sera moteur. Medica, groupe spécialisé dans la dépendance détenu par le fonds BC Partners, devrait se distinguer en ce début d'année avec son IPO très attendue, le valorisant entre 1,3 et 1,5 Md€ et une levée autour de 260 M€.
Télécharger le tableau des opérations "santé" 2009 (PDF)
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